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Société : La désillusion culturelle des jeunes niçois ?

Publié le 06 octobre 2012 par Ralph

Société : La désillusion culturelle des jeunes niçois ?

Photo - Christian Estrosi, Maire UMP de Nice depuis 2008

NICE, par Ralph Bechani

Difficile de trouver un petit coin de fête ou de culture alternative dans la capitale azuréenne. Au regard de sa démographie toujours vieillissante, Nice privilégie une politique locale sécuritaire, pour ne pas dire autoritaire, dans un souci permanent lié au tourisme et à la tranquillité de ses "vieux" administrés.

La jeunesse niçoise, exposée à un chômage de masse et dont le pouvoir d'achat est faible, cherche tant bien que mal à se distraire dans ce climat de crise exacerbé, une crise à la fois économique, sociale et culturelle.

Nous avons quitté Nice en mai 2007 pour rejoindre la Suisse Romande durant quelques années, puis la région Rhône Alpes, et enfin Toulouse, avant de reposer nos bagages sur la "Baie des Anges" à la fin de ce mois d'août 2012. À Lausanne nous avions été subjugués par la dimension culturelle, artistique, festive et créative de cette commune historique.

Notre enthousiasme a aussi trouvé un relais pour le moins détonnant lors de notre passage à Toulouse entre octobre 2011 et août dernier. La ville rose, toujours aussi ancrée à gauche, meurtrie par des événements comme l'explosion de l'usine AZF en 2001 et par l'affaire Merah plus récemment, est à coup sûr la métropole française la plus attractive, la plus aboutie à l'échelle des relations humaines, de sa vie nocturne et de sa dimension étudiante.

Notre retour à Nice a donc été un choc. Certes, la mer, ses plages, le climat et le bonheur de retrouver notre famille et ces niçois que nous aimons profondément, ont tout d'abord été source de joie. Mais ce sentiment a été rapidement "douché" par la présence systématique de la police aux quatre coins de la ville (CRS, police nationale et municipale, BAC) et par les dizaines de caméras de vidéos-surveillance et de sirènes hurlantes.

La place Masséna par exemple, totalement rénovée sous "l'ère Jacques Peyrat", avant l'arrivée à la tête de la mairie de son successeur UMP Christian Estrosi en 2008, est un curieux mélange de charme et de présence policière. Lorsque dans le nouveau Tram de la ville viennent s'ajouter aux policiers une dizaine de contrôleurs, le doux parfum azuréen devient rapidement anxiogène.

Société : La désillusion culturelle des jeunes niçois ?

Photo - Place Masséna (Nice)

Pas un jour ne se passe sans qu'il y ait un problème de sécurité dans le Tram justement. Le réseau des bus est tout aussi exposé. Ce sont donc les autorités qui tentent de garantir le maintien de l'ordre et d'éviter des agressions sur les employés ou les utilisateurs.

A la mi-septembre, en plein jour et en plein centre ville, la violence a justement fait parler d'elle. Un policier national de 31 ans, membre des équipes de jour de la Sécurité Publique, a été roué de coups au visage lors d’un contrôle routier qui a dégénéré. Grièvement blessé à l’aide d’un casque et de menottes, ses jours ne sont pas en danger mais l'affaire a traumatisé les niçois et rendu les autorités nerveuses.

Ces mêmes autorités qui font face sur la promenade des anglais à une main mise toujours aussi importante des proxénètes et à une prostitution racoleuse massive. Nice Matin parle de "cadences infernales sur le trottoir azuréen", alors qu'au même moment les quartiers difficiles des Moulins et de l'Ariane font l'objet de descentes de police de plus en plus actives.

Objectif: démanteler des réseaux de narco-trafiquants, casser les marchés parallèles et rassurer les populations, selon les autorités locales. Il faut aussi donner l'exemple, faire du chiffre et conforter ainsi la majorité UMP de la ville dans sa politique "ultra-sécuritaire". Jeudi 4 octobre notamment, pas moins de 80 policiers, dont le GIPN et les CRS ont mené un véritable "assaut" dans la cité des Moulins, lourdement armés. Deux personnes ont été interpellées et des dizaines d'autres ont été contrôlées.

Finalement, c'est dans le Vieux-Nice que la foule de touristes fait oublier cette ambiance délétère du centre ville et des quartiers en difficulté. Même s'il y a là aussi parfois des problèmes de sécurité (vols à l'arraché, bagarres, trop plein d'alcool, agressions), la culture de la vieille ville reste l'un des éléments les plus attractifs de Nice.

Peu de place pour la jeunesse ?

Quand on a entre 18 et 35 ans à Nice, au-delà de la culture numérique, du football, du cinéma et d'autres divertissements... on profite, entre autres, des événements artistiques du Palais Nikaïa, sorte de Bercy local, avec ses concerts et ses spectacles géants pour tous les âges, le plus souvent ciblés sur l'actualité française et internationale. Récemment c'est Lady Gaga qui y a créé l'événement.

Acropolis, le théâtre national, l'Opéra de Nice, les nombreux musées et d'autres lieux culturels sont principalement réservés à un public plus âgé. Musique baroque, classique, art lyrique... les jeunes niçois ne sont que trop peu à s'intéresser à ce type de programmation. La Foire de Nice, son Carnaval, son Jazz Festival... sont quant à eux des événements annuels récurrents qui laissent encore peu de place aux jeunes.

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Photo - Carnaval de Nice (2009)

À y regarder de plus près c'est d'ailleurs le cas de l'ensemble des petites, moyennes et grandes villes de la Côte d'Azur, Cannes, Monaco et Menton notamment, alors que Saint Laurent du Var et son port de plaisance pour le moins festif, Antibes et Juan Les Pins font eux des efforts grandissants pour accueillir en partie des populations plus jeunes, certes moins dépensières et plus agités.

Ainsi, à Nice, restent les bars, clubs et autres discothèques pour voir la jeunesse se retrouver et faire la fête, mais ces établissements restent trop peu nombreux malgré les multiples bars touristiques, les casinos, les restaurants - en pagaille, souvent vides, soit très peu aceuillants , ou simplement trop chers -.

Il existe donc une quinzaine de bars dans le centre ville, et pas plus d'une poignée de discothèques autorisées à fermer leurs portes à 5h ou 6h du matin comme "L'étoile", passage Émile Négrin, devenue un lieu de référence, ou encore Les "Coulisses", rue Chauvain, actuellement en travaux.

Mais il est une adresse que toute la Côte d'Azur a désormais enregistrée. Le "High Club", sur la Promenade des anglais, l'ancien Forum, Saramanga, Évents... est devenu une véritable institution en quelques années à peine. Ouvert principalement les vendredis et samedis, le complexe de danses dont le directeur, Eric Durand, était animateur et chargé de promotion pour NRJ sur la Côte d'Azur entre 1998 et 2011, s'est associé à la célèbre radio.

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Photo - Discothèque High Club (Nice) www.highclub.fr

Pouvant accueillir plus de mille personnes, dans un décor épuré, entre concept branché et tendances actuelles, à la fois accessible et pointu, les meilleurs DJ´s de la planète s'y succèdent, chaque soirée étant en elle-même un événement, à l'image du "mastodonte" qu'est le groupe NRJ, dont l'antenne est la "première radio de France" devant RTL (Sondages Médiametrie - 2ème/3ème trimestre 2012.)

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Photo - Studio 47 / Discothèque High Club (Nice) www.highclub.fr

Le High Club offre aussi une autre ambiance à ses clients avec le Studio 47, une deuxième salle plus intime en total décalage avec l'impressionnant "Dance Floor" de la boîte principale.

Tout comme chez Jean-Claude Helmer au "Chalet" à Strasbourg, tout est prévu au High Club avec beaucoup de sérieux et de professionnalisme, accueil, sécurité, caméras, écrans géants, canons à confettis, air conditionné, "Hot Dog", fumoirs... Le tout géré par un personnel souriant, jeune pour la plupart et motivé, malgré des contraintes d'horaires difficiles la nuit, face à une clientèle souvent exigeante.

Le sentiment d'appartenance

En mai dernier, une action de SOS racisme tente à prouver que le High club et les Coulisses à Nice pratiqueraient une "discrimination raciale et ethnique" à l'entrée de leurs établissements. Deux plaintes ont été déposées auprès de la justice niçoise par l'association de lutte contre le racisme.

De manière assez logique l'accès à un établissement privé, suivant sa thématique, génère nécessairement une "forme discutable de discrimination", mais qu'elle puisse être "raciale" voire systématique à Nice ou ailleurs, l'accusation est selon nous sans aucun fondement. Notre travail de journaliste sur le terrain, à l'intérieur et en dehors de ces établissements, nos contacts avec les clients, les dirigeants et les employés ne nous permettent en aucun cas de les accuser de racisme.

Il existe toutefois à Nice, comme ailleurs, un nombre difficilement chiffrable mais très visible de jeunes issus des quartiers les plus défavorisés qui n'ont pas la moindre chance de pouvoir profiter d'une soirée en boîte ou dans un bar de la ville par le fait même qu'ils soient majoritairement des garçons, souvent en bande, à priori sans emplois ni ressources et habitant ces quartiers.

Il n'est pas rare de les croiser dans le Tram, en centre ville et de percevoir leur profonde désillusion. En réponse à nos interrogations, ils se disent discriminés au quotidien, dans la recherche d'un travail, d'une formation, d'un logement... Leur langage, leur comportement sont parfois déroutant tant leur "désamour" pour la France qui les a vus naître pour la plupart, les ronge et gangrène leur existence.

Cette génération d'adultes ou de  jeunes adultes, issue d'un quartier ou d'un autre, subit une situation voulue il y a bien longtemps, que nos aînés n'ont jamais su ou pu régler. Aujourd'hui les tensions sociales dans nos villes, nos cités, se vivent à couteaux tirés et ce ne sont pas des "tests" sur le pourcentage de "noirs" et d'"arabes" devant les discothèques qui régleront ces problèmes.

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Photo - Concert pour l'égalité à Paris / SOS Racisme (14 juillet 2011)

Le mal est plus profond, extrêmement complexe, et nécessiterait des politiques bien plus radicales et ambitieuses que celles pratiqués ces 30 dernières années en France. Notre pays est, sur ce point là, face à un échec cuisant qui pèse lourd désormais sur les liens entre les français, à l'échelle nationale et donc identitaire, mais aussi à l'échelle locale dans les relations entre les générations et les origines supposées des uns et des autres.

La discrimination dans tous les rouages de notre société ne touche pas nécessairement ou exclusivement à l'origine ou à l'ethnie proprement dite. La notion est trop floue, elle est surtout générée par un "sentiment d'appartenance" à un lieu dit "sensible", "violent", comme c'est le cas pour les populations issues de quartiers tels que l'Ariane et les Moulins à Nice. Le fait d'être noir ou blanc n'a ainsi rien à voir là dedans.

Les problèmes sont identiques dans d'autres villes, à Strasbourg par exemple avec le quartier du Neuhof, à Paris avec les "jeunes du 93" ou à Marseille avec les habitants des quartiers nord. Dès lors que ces cités sont montrées du doigt, c'est toute leur composante, surtout les jeunes, qui en font les frais sur l'autel d'un "principe de précaution" pour le moins instinctif.

Pour faire face à la menace que peut représenter l'absence ou le trop peu de culture pour les plus jeunes, nous espérons donc voir émerger, très vite, d'autres initiatives de concepts culturels, artistiques et événementiels à la hauteur de l'ambition d'une ville comme Nice dont une partie de la jeunesse s'exaspère dans l'attente de projets pertinents, créatifs, accessibles...

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