Arnaud Montebourg veut favoriser la production, au détriment de la consommation et, surtout, de la liberté.
Par Baptiste Créteur.
Arnaud Montebourg, fort de succès retentissants, veut convaincre les ministres européens de s'engager avec lui dans la protection de l'industrie, et en profite pour offrir quelques belles déclarations à la terre entière.
La France va très bien, l'économie ne recule que de quelques points de PIB et seulement quelques secteurs sont en récession. Le PIB n'est certes pas une mesure fiable parce qu'il a tendance à surestimer la croissance, mais sa baisse attendue n'en est que plus révélatrice d'une situation qui donnerait raison aux mayas.
Il commence par se donner un peu d'importance :
«L'Europe, dit-il, doit subordonner toutes ses politiques à sa nouvelle priorité industrielle.» Avis sans frais à tous ceux qui seraient tentés de lui mettre des bâtons dans les roues, qu'ils soient avocats du libre-échange, partisans de la concurrence à tout prix ou défenseurs acharnés de l'environnement.
La "nouvelle priorité industrielle de l'Europe" n'est pas un bon présage pour ses amis politiciens : où sont passés l'éducation, la justice, la protection de l'environnement, la santé, la réduction des inégalités, l'économie sociale et solidaire et l'économie de la connaissance et les autres domaines qu'ils aiment tant réguler et régir ?
On appréciera tout de même le courage du ministre, qui se lance dans un combat perdu d'avance alors qu'il en existe un bien plus simple : la lutte contre la pauvreté. Il y a 8,6 millions de pauvres en France, c'est-à-dire 8,6 millions de personnes vivant avec moins de 60% du salaire médian. En taxant les hauts salaires, les riches s'en vont, le salaire médian diminue, et il n'y a plus de pauvres – une mission largement à la portée de n'importe quel gouvernement bien intentionné.
Son combat à lui, c'est de faire en sorte qu'on produise en France, sans se soucier des attentes des consommateurs :
Depuis trente ans, les consommateurs font la loi en Europe et le résultat est un désastre, poursuit-il. Moi, je défends les producteurs. (…) L'UE est la seule à ne pas se défendre de la concurrence déloyale. Nous sommes devenus les idiots du village global.
Les consommateurs qui font la loi, quel outrage ! Ils voudraient choisir, acheter ce qu'ils préfèrent, par exemple des voitures coréennes, alors que ce qui est important, c'est de produire. L'idée est simple : étant donné qu'il est nécessaire de relancer et que relancer par la demande ne fonctionne pas, il n'y a pas d'autre choix que relancer par l'offre. Il faut donc défendre les producteurs contre les consommateurs – la dichotomie entre les deux n'est pas évidente, on voit mal comment la production sert à quelque chose si elle ne correspond pas aux attentes des consommateurs, mais soit.
Ne pas relancer, s'abstenir de toute intervention dans l'économie, et réduire la pression fiscale qui pèse sur les individus – les entreprises sont in fine la propriété d'individus et répercutent les hausses d'impôts – n'est pas une solution admissible puisqu'elle ne requiert pas l’immixtion de l’État dans la vie de ses sujets. Les ministres ont déjà du mal à trouver leur place compte tenu du nombre restreint de dossiers médiatiques leur permettant de passer sous les feux de la rampe :
Je laisse le premier ministre Ayrault se débrouiller avec Florange. C'est son dossier maintenant…
Alors que ces sympathiques ministres se partagent les dossiers dans lesquels ils ne devraient pas intervenir, les Français, eux, s'apprêtent à rembourser une dette dont on a du mal à mesurer le montant exact - ou à partir.