Magazine Journal intime

Encore la même

Par Eric Mccomber

C'était l'année de mes quatorze ans et je travaillais quatre quarts semaine au Palais du Livre dans le Vieux-Montréal. Jeudi et vendredi soir, samedi et dimanche toute la journée.
 Avec le fric de ma première pitance j'ai fait l'acquisition du tout premier modèle de walkman. Un énorme machin en plastique gris. On y trouvait un lecteur cassette et une radio et on pouvait y connecter un casque en mousse orange.
 Je revenais à Montréal-Nord par le bus que je prenais quelque part dans le bas de la ville et le tortillon me larguait sur Henri-Bourassa d'où je trouvais ma ligne vers l'Est. Chaque fois les mêmes clients lessivés se saluaient dans ce car piloté par le même sympathique chauffeur qui me faisait chaque fois une remarque cordiale, à la limite de la pitié. Il me larguait coin Henri-Bourassa et Salk et je descendais vers la rivière, presque hypnotisé de fatigue, les yeux rivés sur les nuages et les étoiles qui, contrairement à tout le reste de cette région de l'espace-temps, tremblaient parfois d'une tendre beauté.
 Et tout au long de cette immense traversée de la grande île plate balayée de congères poudreuses, j'avais dans les oreilles par alternance mes deux ou trois cassettes et le seul poste écoutable de l'époque, CHOM, ancienne radio-pirate hippie qui venait de devenir légitime et gardait un certain chien, un petit côté radio-étudiante. C'est au cours de ces interminables odyssées que j'ai commencé à rêver de taper sur des peaux, de gratter des cordes, de hurler du sang dans les grilles d'un micro sous des mégawatts de rainlights et des ouragans de machines-à-boucane… Et c'est aussi au cours de ces aller-retours inouïs que j'ai pour la première fois sorti mon cahier pour noter des mots. © Éric McComber

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Eric Mccomber 400 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte