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Mediapart face au journalisme assis

Publié le 13 décembre 2012 par Vogelsong @Vogelsong

« Nous n’accepterons pas éternellement que le respect accordé au masque des philosophes ne soit finalement profitable qu’au pouvoir des banques » P.Nizan in Les chiens de garde

C’est le cul bien vissé sur sa chaise que J. M. Aphatie harangue ses confrères. De son poste d’observation, assis, il distribue ses sociabilités sur la bonne manière de faire le métier de journaliste. J. M. Aphatie, point culminant de l’iceberg journalistique français, phare de la profession qui édicte les règles de bonne conduite dans le landerneau. Pour le savoir-être, il a su mené sa carrière de Politis à l’antenne quotidienne de Canal plus et de RTL, dans ce que l’infotainment à carte de presse fait de plus vulgaire. Pour le savoir-faire, c’est l’ »analyse » goguenarde et conformiste sauce expert économique. J. M. Aphatie recrache fraiches ses lectures de la presse mainstream, mâtinée de péroraison contre les assistés, récitant le mantra de la dette, agonissant l’impôt. Là où il est le meilleur, c’est dans la défense de l’oligarque contre les inquisiteurs publicistes. Il excelle dans cette exquise subversion qui consiste à faire rempart de son corps pour protéger les moins démunis. Dans le cas Cahuzac, il va jusqu’à demander à ses confrères de Mediapart des preuves. Allusion à peine cachée sur l’hypothèse d’une cabale politique échafaudée par la rédaction du pure-player d’E. Plenel, au pire. Au mieux, d’une incompétence crasse des plumitifs qui y travaillent et y enquêtent.

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Christopher Dombres

L’enquête, la grande absente de la presse française. Le scoop, cet objet totalement étranger à une infosphère moribonde, qui ne sait plus comment boucler ses fins de mois. Et qui, au passage, paie le prix d’une brochette de journalistes de terrain des vigiles de la trempe de J. M. Aphatie. Pourquoi enquêter et mettre sur la table des questions gênantes à condition de déployer des moyens journalistiques, alors qu’on peut occuper l’espace à flux tendu d’imprécations Aphatistes.

Que Mediapart se soit planté n’est finalement pas le problème. J. Cahuzac est un oligarque qui ne manque pas de ressort pour se (re)faire une place dans le panthéon hexagonal. E. Woerth, par exemple, (re)tourne déjà sur tous plateaux. Ce qui pose question c’est la façon dont les medias réagissent à la mise en cause d’un ministre. Comme si la réputation de la presse dans son ensemble pouvait pâtir de ce type de révélations (fausses ou pas). Or ce que ce cas met en lumière c’est l’incapacité du monde mediatico politique à gérer sereinement une information qui possiblement pourrait mettre en cause un ministre. Du côté du pouvoir c’est le retroussement de babines, du côté des journalistes installés le dénigrement des confrères. Notons au passage que l’Élysée déclarait « croire sur parole » son ministre. Manifestement une bonne partie de la corporation ne croit pas sur parole Mediapart.

Même si cette affaire tourne court, c’est à l’honneur de Mediapart d’avoir mis sur la table des éléments pouvant constituer une information symboliquement forte pour le fonctionnement et l’éthique de la vie politique. Ce qui est aujourd’hui l’exception, c’est-à-dire la mise en cause nominative des puissants, doit devenir la règle, quoi qu’en pensent les Jean-Michel Aphatie. Et qu’éventuellement, « se payer » un oligarque ne doit pas être un accident journalistique, mais une hypothèse gratifiante dans une carrière. Une chose dont on pourrait être fier. Or la seule chose dont sont fier la plupart des journalistes est plutôt le carnet d’adresse, et les menus passe-droits accordés par l’Olympe de la république.

Le cul vissé sur sa chaise, le journaliste du Spectacle corrobore ses insignifiantes informations, non pas pour faire du scoop, mais pour griller la concurrence. Dans une course futile à l’info insipide, au néant informationnel. Quant aux Jean-Michel Aphatie, qui jaugent l’opinion chez leurs boulangers parisiens, et qui considèrent les Français comme une réserve indienne, ils dispensent de l’analyse verbeuse et meublent du temps d’antenne vacant. Ne souffrant pas que l’on puisse ternir ce précieux paysage politique, où finalement il se sent si bien. Parce que si des ministres prônant l’austérité (comme lui), se retrouvent mis en cause dans des histoires de transfert de fonds sur des comptes numérotés, c’est aussi de sa crédibilité qu’il en va. Parce que lui aussi soutient mordicus les ventrus.

Vogelsong – 12 décembre 2012 – Paris


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