L’industrie aérospatiale aligne de bons chiffres.
L’éventualité d’une réduction drastique du budget de la Défense engendre des résultats pervers : on pourrait croire que l’industrie aérospatiale américaine, face ŕ la perspective de commandes militaires en recul, est déjŕ entrée dans une zone de fortes turbulences. Pourtant, il n’en est rien, ainsi qu’en témoignent les statistiques publiées cette semaine par l’Aerospace Industries Association (AIA). Pour l’instant, tous les indicateurs sont verts et l’année 2013 se présente bien. Mais, bien sűr, il n’en ira peut-ętre pas de męme en 2014 et au-delŕ, sauf dans l’hypothčse d’un compromis entre démocrates et républicains qui permettrait d’éviter le pire.
Avec une légitime satisfaction, l’AIA souligne que ses membres ont enregistré en 2012 leur neuvičme année consécutive de croissance, avec un chiffre d’affaires de 217,9 milliards de dollars, et feront encore un peu mieux en 2013 ŕ 223,6 milliards. De plus, la rentabilité du secteur tend ŕ s’améliorer, 7,6% du chiffre d’affaires cette année-ci, un niveau qui fait des envieux en Europe.
Les prises de commandes de 2012, environ 242 milliards de dollars, ont été nettement supérieures aux livraisons (216,5 milliards) et les exportations se sont maintenues ŕ un bon niveau, 63,6 milliards. Les importations ne progressent plus (un peu moins de 32 milliards) mais n’en restent pas moins trčs importantes, notamment ŕ la suite des commandes passées ŕ Airbus par des compagnies aériennes américaines. C’est lŕ un point surveillé de prčs, de męme que les projets de nouveaux entrants, Chinois en tęte. Une menace que l’AIA évoque en termes trčs neutres, sans que l’on sache s’ils cachent de réelles inquiétudes.
Tout observateur garde en effet ŕ l’esprit que la bonne tenue de l’ensemble de l’industrie aérospatiale américaine dépend largement des résultats obtenus par Boeing Commercial Airplanes, premier exportateur de produits manufacturés et pourvoyeur de bons chiffres en matičre d’exportations. On comprend que l’AIA souligne les montées en cadence de Seattle et Everett et les évoque dans le détail, ŕ commencer par le 787 qui va bientôt atteindre l’objectif tant attendu de 10 livraisons par mois.
Toute actualité politico-budgétaire mise ŕ part, les commentaires sont moins optimistes dčs qu’il est question des programmes militaires. Les atouts ŕ valoriser dans les prochaines années sont inchangés, ŕ commencer par le F-35. Mais, cela l’AIA ne l’évoque pas, le Joint Strike Fighter est en grandes difficultés pour cause de montée incontrôlée des coűts, au risque de perdre certains de ses partenaires, notamment le Canada. Par ailleurs, F-15, F-16 et C-17 restent des valeurs sűres, grâce aux exportations, mais n’en sont pas moins des programmes anciens, tout comme le C-130J, lequel est Ťconfronté ŕ la concurrence naissante de l’A400Mť. La moyenne d’âge des avions alignés par l’USAF atteint maintenant 23 ans, le plus Ťjeuneť des B-52 en a 50…
En clair, les raisons d’inquiétude sont bien réelles. D’autant que l’aviation d’affaires peine ŕ se redresser, seules les ventes d’appareils de haut de gamme se portant bien et que l’accčs ŕ l’espace est source de soucis. Les Américains ont du mal ŕ accepter de se retrouver en situation de dépendance de l’étranger pour maintenir l’accčs ŕ la station spatiale internationale, encore que le secteur privé, notamment Space X, annonce des perspectives meilleures.
Restent, dans l’immédiat, de bons chiffres et des perspectives convenables, pour le court terme tout au moins. De quoi alimenter le débat politique en cours ŕ Washington : les Etats-Unis ont-ils encore les moyens de leurs ambitions ?
Pierre Sparaco - AeroMorning