Le gouvernement, après avoir truffé le contrat social de petits caractères, serait bien avisé de faire en sorte que les Français le signent.
Un billet d'humeur de Baptiste Créteur.
L'équipe de justiciers est en cours de constitution. Pour ne pas changer une équipe qui fait match nul, ce sont les partenaires européens qui sont sollicités en priorité. Évidemment très énervés par l'arrivée sur leur territoire des Français les plus fortunés et les plus prometteurs, les gouvernements des pays entourant le petit village d'irréductibles gaulois luttant tant bien que mal contre une réalité qu'ils ne pourront plus éluder bien longtemps vont sans nul doute apporter leur plus grand soutien à la lutte contre l'exil fiscal des Français récalcitrants. La constitution d'une ligue de super-vilains étant plus que probablement vouée à l'échec, le gouvernement aura recours à son arme ultime : la kryptonite fiscale.
Face aux super-pouvoirs déployés par les super-capitalistes pour pratiquer l'optimisation fiscale, le gouvernement a une arme. Les particuliers et entreprises du kolkhoze français parviennent à réduire les montants qu'ils paient au titre de l'impôt – que les socialo-patriotes se rassurent, toujours très élevés – le gouvernement propose, avec tout le tact qu'on lui connaît, que les Français doivent s'acquitter en France du différentiel entre ce qu'ils paient à l'étranger et ce qu'ils auraient payé en France. L'impôt, qui rétribue l’État pour les services gratuits qu'il rend, revêt alors deux autres dimensions sournoises, celle de la solidarité d'une part et celle de la créance accumulée d'autre part.
La solidarité, c'est financer le non-remboursement d'une dette méticuleusement contractée année après année au nom des Français et de leurs enfants par des gouvernements nationaux et locaux qui, malgré leur volonté et leur prétention de diriger la France, ne se sont pas rendus compte de ce qu'ils faisaient, et aider les Français à survivre malgré les conséquences désastreuses que leurs politiques ont eu sur l'économie du pays.
L'éducation, la santé, les magnifiques infrastructures et la protection contre les risques de la vie – gratuits – dont les Français bénéficient dès leur naissance constitueraient une créance que chaque Français devrait rembourser en payant à vie ses impôts en France. Le point fort du raisonnement, c'est qu'il permet à tous les sympathisants étatistes de mettre en avant l'égoïsme débridé et l'immoralité des Français qui souhaiteraient partir. Mais il met en réalité en avant l'irrationalité d'une telle générosité de la part d'un État : ces services doivent être financés, par l'impôt (et un peu de dette si on est tellement généreux que l'argent des autres vient à manquer en fin d'année) mais ne font pas l'objet d'un échange : on n'est pas contraint de payer des impôts pour en bénéficier – et on en bénéficie parfois plus quand on n'en paie pas.
Dès lors, le Français, malgré tous les efforts déployés pour lui offrir une éducation calamiteuse, en bon homo quasi-œconomicus, aurait tort de se priver d'un calcul rationnel : comme un enfant se servirait par pleines poignées dans un bol de bonbons gratuits le soir d'Halloween, il peut bénéficier d'un cadre de vie agréable, de soins offerts et d'une éducation de plus en plus médiocre mais gratuite jusqu'à son entrée dans la vie active. Ensuite vient ce moment fatidique où il devra payer des impôts, beaucoup d'impôts, et où il devient opportun de songer à s'exiler.
Les étudiants français peuvent donc remercier tous ceux qui ont contribué à leur offrir ces services, parents, amis et parfaits inconnus, lors de leur discours d'adieux à ce pays sympathique. Un peu comme avec certains réparateurs de pare-brises, il n'y a pas de franchise, pas de facture, et on a donc l'impression que c'est gratuit. Et le gouvernement, s'il veut éviter ce phénomène, serait bien avisé, après avoir truffé le contrat social de petits caractères, de faire en sorte que les Français le signent avant de leur offrir ce qui se fait de mieux en matière de collectivisme.