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L’insoutenable concurrence portugaise des arracheurs de dents et des boutiquiers herboristes

Publié le 16 décembre 2012 par H16

Un précédent billet évoquait le niveau préoccupant auquel est tombé l’éducation scolaire des Français. Une solution consisterait à largement libéraliser le système éducatif, actuellement gangrené par le relativisme, un syndicalisme pétrifiant et une lourdeur administrative létale. Mais même sans cet affranchissement d’un État tutélaire obèse, la concurrence s’installe doucement… Et fait hurler les monopoles en place.

Et cette fois-ci, on fait un beau combo de monopoles puisque cette nouvelle concurrence en heurte deux de plein fouet : celui de l’éducation d’un côté et celui des dentistes et des pharmaciens, de l’autre. Difficile de ne pas trouver plus violent comme entrée en matière. Comme on va le voir, le syndrome du plombier polonais frappe à nouveau, with a vengeance.

En substance, c’est l’ouverture d’une filiale de l’Université portugaise de Fernando Pessoa (UFP), depuis le 12 novembre dernier, qui pose un grave problème à tout l’establishment dentaire français. En effet, avant l’arrivée de ces troublions, les étudiants qui avaient échoué lors de leur première année d’étude abandonnaient ou tentaient le cursus dans un autre pays. Mais avec cette implantation en pays toulonnais, ils pourront recommencer leurs études en suivant le cursus portugais tout en restant en France. Horreur et abomination puisque ce faisant, l’université contournerait, selon les professionnels français, le numerus clausus en vigueur. Pour le moment, une trentaine d’étudiants (selon la direction) sont concernés par les cours de l’UFP, mais rassurez-vous : la ministre de l’Enseignement supérieur, Geneviève Fioraso, est déjà en train d’intervenir pour leur pourrir définitivement leur scolarité, à ces petits casseurs de monopoles.

L’argumentation des farouches opposants à ce ver portugais dans notre belle pomme française est intéressante à suivre.

D’un côté, Réda Amrani-Joutey, président de l’Association Nationale des Étudiants en Pharmacie de France, explique que le numerus clausus (qui limite le nombre de pharmaciens formés à l’université française) est un nombre « déjà assez élevé ». Les quelques étudiants qui ont choisi l’UFP seraient-ils un peu bêtes puisqu’en réalité, on a de grandes latitudes pour embaucher ? Ne concluons pas trop vite, puisque Dominique Porquet, le doyen de la faculté de pharmacie Paris-Sud, explique, lui, qu’« Il est inutile de mettre en place un encadrement s’il peut être contourné aussi facilement » Et puis, si le numerus clausus est suffisamment élevé, personne n’aura besoin de le contourner, non ?

Plus rigolo encore l’argument qui consiste à dire que l’établissement privé exploite en fait assez scandaleusement un marché particulier, celui des étudiants recalés en première année de ces cursus sélectifs. Le vilain ! Cette méchante faculté ose se spécialiser dans les étudiants que le système français à rejeté et c’est proprement insupportable : chacun sait qu’une fois exclu du système français, l’étudiant honni doit se reconvertir en équipier McDo ou en garagiste, et qu’il est carrément inconvenant pour lui de s’acharner bêtement dans le métier qu’il a choisi ! Mais où va-t-on si maintenant les exclus de la « sélection » du magnifique système français trouvent finalement des professeurs prêts à les encadrer et à les amener à un diplôme valable, alors que l’exclusion vaut, en elle-même, la juste déchéance que tout loser devra porter, gravé sur son front, pour le reste de sa misérable existence en France, hein, d’abord ?

consultez un dentiste

Je sens que certains m’objecteront, la gueule enfarinée, que si des enseignants sont prêts à récupérer ainsi les rebuts des facs françaises, c’est parce que ces aigrefins distribuent des diplômes en carton en profitant du désarroi des pauvres exclus ! Ce à quoi je noterai simplement que, jusqu’à preuve du contraire, les Portugais n’ont pas tous les dents pourries et que leurs pharmaciens valent bien les nôtres, ce qui tend à montrer que leurs diplômes sont aussi valables, n’en déplaisent aux pisse-froids qui sentent leur petit pouvoir local s’éroder.

J’entends aussi les pleurnicheries du précédemment nommé Réda Amrani-Joutey qui déclare, enflammé comme peut l’être toute pasionaria syndicaliste franchouille, que :

« Cette université propose presque d’acheter son diplôme, et je redoute un enseignement à deux vitesses, un pour les riche et un pour les pauvres. »

Sacré Réda, tiens, qui prend bien la précaution orale de mettre un presque à sa pitoyable accusation. Il est vrai que ce n’est pas comme si le système actuel, français, de maintenant là tout de suite, n’était pas déjà clairement momifié sur une reproduction sociale assez bétonnée et particulièrement prône à cette double vitesse, hein ! Il faudrait savoir : où bien on gobe les chiffres de l’Observatoire des inégalités et on pleurniche sur le système qui est déjà à deux vitesses, et on constate que cette UFP ne fait qu’entériner un fait acquis, ou bien on reste coincé dans sa petite vision fantasmée d’un système parfait qui n’a jamais existé et on passe pour un guignol rétrograde.

On peut souhaiter, certes, un système égalitaire où tout le monde a accès à la connaissance distribuée gratuitement par des cadors. En attendant, pour les gens qui sont dans le monde réel, il y a une solution concrète qui veut s’installer et que les actuels bénéficiaires du status quo ne veulent surtout pas laisser faire, alors qu’elle constitue très manifestement une solution pour désengorger les facs de tous ces gens riches qui peuvent se permettre un bel enseignement payant, permettant ainsi aux cadors désintéressés de s’occuper des plus pauvres. C’est-y pas génial ?

Apparemment, non : leur diplôme, il est tout pourri et il est trop cher, s’écrient donc de façon même pas voilée le doyen de la fac de pharma et le président de l’association d’étudiants, et puis d’abord leurs formations sont nivelées par le bas, nananère.

On comprend que le recteur de la faculté portugaise, Salvato Trigo, interrogé, prenne tout ça un chouilla pas bien. On dirait… on dirait de la bonne grosse xénophobie, doublé de ce bon jacobinisme si délicieusement français : eh oui, cela revient à refuser au Portugal le droit d’avoir des institutions qui s’internationalisent.

Plus intéressant encore, on apprend que le conseil scientifique de l’UFP est présidé par le neuropsychiatre renommé Boris Cyrulnik, qui s’étonne de la réaction de ses confrères :

«  Ce genre d’université existe partout, notamment aux États-Unis. Tout ça démontre surtout l’absurdité du numerus clausus.  »

dentiste portugais vu par un dentiste françaisBien évidemment, l’arrivée de cette concurrence remet directement en cause le numerus clausus et le pouvoir discrétionnaire qui y est attaché, mais pas seulement. Lorsqu’on lit que Reda Amrani-Joutey est très inquiet parce que, « dans dix ou vingt ans, des dizaines d’universités privées s’implanteront avec des enseignements pas contrôlés », on est bien ici dans le pur procès d’intention et l’agitation spasmodique de chiffon rouge typique de ceux qui n’ont pas d’autres arguments que la peur des lendemains qui ne chantent plus à faire valoir pour empêcher tout changement.

En revanche, on peut être certain que ce foutriquet est parfaitement heureux de constater qu’un diplôme français de pharmacie ou de dentiste permet de s’installer en Belgique ou au Portugal. Il serait frétillant à l’idée qu’une belle université française de dentistes ou de pharmacie s’installe à Namur, Fribourg ou Lisbonne. Simplement, il chope des boutons lorsque la réciproque est vraie et ne veut pas entendre parler d’une concurrence d’enseignement, parce que, parce que, comprenez-vous, ces Portugais, ils font tout de travers voyons c’est évident…

Si ceci montre quelque chose, c’est précisément à quel point la France a besoin de cette concurrence, de ce sang frais et de méthodes nouvelles. La France crève de ses monopoles, de ses archaïsmes et de ses réflexes surprotecteurs arc-boutés sur un passé certes glorieux mais déjà fort lointain. Et par dessus tout, la France se meurt de ses petits chefs qui croient la sauver en protégeant leurs miches et ne font que jeter quelques pelletées de terre supplémentaires sur son cercueil.



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