Magazine France
L'Amérique sait être un modèle. Passée l'horreur d'un massacre dans une école, il fallait se souvenir de cette autre actualité. Là-bas, le régime politique autorise des contrôles que notre classe politique nationale ne supporte pas.
Ce système politique vient de nous donner une leçon de haute démocratie (*). Un simple rappel car l'affaire date de longtemps.
Une candidate au poste de Secrétaire d'Etat vient de lâcher. Susan Rice, actuelle ambassadrice américaine à l'ONU, jette l'éponge. Barack Obama est franchement soulagé même s'il ne l'avoue pas. Pour remplacer Hillary Clinton, qui souhaite quitter son poste, Susan Rice s'était déclarée à la fin de l'été. Mais sa déclaration minorant la réalité terroriste de l'attaque du consulat américain de Benghazi le 11 septembre dernier avait provoqué l'ire de quelques sénateurs républicains. Or le système américain exige que les prétendants aux postes ministériels passent une audition devant le Sénat, dont le vote s'impose ensuite.Et Barack Omaba n'a pas obtenu la majorité requise au Sénat en novembre dernier. Il cohabite. Finalement, ce sera John Kerry, ancien candidat malheureux à la présidentielle américaine il y a 10 ans, qui va concourir.
Imaginez qu'en France un tel système s'applique. Imaginez qu'en France chacun des ministres soit contraint à cette validation parlementaire. Imaginez qu'en France, ces derniers ait à justifier de ses actions passées, de ses déclarations publiques, de ses intérêts, le tout en audition publique et filmée.
Un tel spectacle a tout du grand oral.
Qu'importe la majorité actuelle ou passée, il y a fort à parier que nombre de ministres de ces derniers gouvernements n'auraient pas franchi l'épreuve de l'audition sans douleur. La pression médiatique, accélérée par nos réseaux 2.0 et les chaînes d'information, ajouterait une pression inédite et, pour certains, insupportables. Même si la cohabitation n'est qu'un lointain souvenir, l'exposition des prétendants ministériels à l'examen parlementaire laisserait forcément des traces.
Sans doute, grâce à l'exercice, aurions-nous découvert plus vite et plus tôt, les contours du Premier Cercle, la vente d'un terrain à Compiègne, les bois précieux d'Alain Joyandet, les rétrocommissions du Karachigate, les voyages d'affaires de Claude Guéant en Libye, l'amitié Hortefeux/Takieddine, et, qui sait, quelque parlementaire ou journaliste aurait alors sorti ce que l'on appelle l'affaire Cahuzac.
Certains de nos ministres passés ou actuels auraient passé haut la main ledit grand oral. Ils auraient préparé leur défense, ils auraient taclé les reproches ou les contestations.
(*) Dans un éditorial savoureux, le patron-fondateur de Mediapart se plaignait de l'état de « basse intensité » de la démocratie française.