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France : une corruption de l’État toujours plus banale

Publié le 18 décembre 2012 par H16

Il y a un an, en décembre 2011, Contrepoints relayait la dernière publication de l’Indice de perception de la corruption établi par Transparency International et constatait que la France arrivait au 25ème rang, loin derrière de nombreux états européens. Cette année, la France peut s’enorgueillir d’avoir gagné quelques places, puisqu’elle atteint tout de même la 22ème place. Mais au-delà des chiffres, l’analyse de la situation montre de larges marges de progression, comme on dit pudiquement.

Logo Transparency InternationalOui, enfin une bonne nouvelle pour cette France que l’actualité bouscule sans arrêt dans les catégories casseroles, gamelles et autres pantalonnades pathétiques d’un pays en pleine décrépitude. Ne boudons pas notre plaisir : apparemment, le niveau de corruption perçue diminue. C’est d’autant plus agréable à entendre que pourtant, les affaires louches impliquant directement les plus hauts étages de notre classe politique continuent de se succéder à un rythme qui n’a semble-t-il pas fléchi.

Dans son rapport, Transparency International pointe cependant des problèmes récurrents. En effet, bien que le pays soit situé dans le groupe de ceux qui disposent d’une bonne intégrité de leurs systèmes parlementaires, exécutifs et de justice, la France n’en demeure pas moins un des rares pays européens à ne pas rendre public le patrimoine des élus, par exemple. C’est très choupinou, mais ça en dit long.

indice mondial de transparence 2012

De la même façon, le lobbying au Parlement, qui est une des sources pourtant évidentes de corruption, ne dispose que d’un encadrement fort sommaire, facultatif de surcroît, qui ne permet de recenser qu’un faible pourcentage de lobbyiste parmi toutes les organisations repérées comme telles : Transparency International et Regards Citoyens ont ainsi dénombré que 4635 organisations travaillaient plus ou moins officiellement à l’Assemblée Nationale pour 173 seulement inscrites au registre des lobbyistes, ce qui nous fait un bon 3.7% bien grassouillet. Encore un petit 96%, et ce sera bon. Vous voyez, quand je vous parlais de petites marges de progression, on voit qu’elles existent :) !

Mais ces points restent finalement des détails au regard du paysage général de la corruption et de l’absence de transparence française en matière de financements publics par exemple. Régulièrement, des gabegies et autres dépenses incontrôlables sont dénoncées par des associations comme Contribuables Associés ou l’Observatoire des Subventions dont le travail remarquable ne doit pas faire oublier la difficulté monumentale qu’il faut surmonter, en France, pour obtenir des données claires sur qui finance quoi, pourquoi, et comment.

Il n’est qu’à se rappeler de la façon dont le rapport Perruchot sur les syndicats fut, à l’époque, complètement enterré par une Assemblée Nationale particulièrement pointilleuse sur la nécessité de ne surtout pas effaroucher ce pouvoir occulte de la République. J’ai, assez régulièrement, dénoncé l’aspect parfaitement mafieux de ce qu’est devenu le syndicalisme en France, de la totale opacité de leurs comptes, de leurs affaires internes et des pouvoirs dont ils usent et abusent en coulisse, au détriment de l’emploi qu’ils sont pourtant censés protéger.

Transparency International ne se contente pas, du reste, de pointer les dysfonctionnements des institutions françaises en matière de transparence ; l’organisation apporte aussi quelques réflexions de bon sens sur l’absence dramatique de protection de ceux qui, justement, dénoncent la corruption, par exemple au sein des administrations dont ils sont employés :

Dans l’affaire de corruption présumée qui a récemment conduit à plusieurs arrestations au sein de la police marseillaise, par exemple, les pratiques délictueuses auraient été révélées par des policiers auprès de leur hiérarchie dès 2009 ; mais il a fallu attendre des plaintes d’élus et d’habitants pour que l’inspection générale de la police nationale se décide, en octobre 2011, à engager des investigations et à saisir le parquet. Dans cette affaire, les policiers lanceurs d’alerte auraient été décrédibilisés et mutés.

De la même façon, l’organisation s’étonne (et elle n’est pas la seule) du volte-face magnifique opéré par un Parti Socialiste décontracté de l’hypocrisie qui ne veut plus entendre parler de l’interdiction du cumul des mandats. En effet, à ce jour, seule une minorité d’élus PS se sont engagés en faveur du non-cumul des mandats, les autres trouvant sans doute que ce genre de promesses de campagne n’engagent que ceux qui votent et pas ceux qui sont élus.

Enfin, lorsqu’on liste toutes les casseroles de nos chers (très chers, très très coûteux) élus, comme le fait de façon régulière un site comme Politic-Watch (likez, partagez, twittez !) et d’autres récemment apparus comme Voyous de la République, on ne peut que constater que si la France s’améliore en matière de perception de la corruption, la corruption effective, réelle, difficilement quantifiable par nature, ne semble pas régresser, et laisse même un goût fort amer à ceux qui payent pour ces ruineux écarts.

L’affaire récente avec Cahuzac, pour lequel on sent confusément qu’il y a bien plus que les diverses magouilles dénoncées par un Médiapart en mal d’audience, illustre parfaitement l’état général du pays : il est évident pour qui veut bien regarder que les politiciens qui sont à présent dans la vie politique française n’y sont plus pour le bien-être collectif, une idée de la France ou la grandeur de la République, mais bien pour leur propre intérêt personnel, le financement direct de leurs petites lubies. L’engagement politique, souvent décidé froidement après quelques années de formatage intellectuel, est maintenant vu comme une forme subtile d’enrichissement financier au travers des finances publiques, que ce soit légalement en utilisant les largesses et l’opacité des systèmes français, ou carrément de façon illégale par prises d’intérêts bien calculées et corruption typique.

Et du reste, on voit mal pourquoi nos élus se gêneraient : d’une part, malgré leur consternant historique de casseroles en tous genres, ils sont régulièrement réélus. On comprend que Georges Frêche expliquait clairement faire campagne pour les cons, et à quel point il avait raison tant les réélections de barons et autres petits mafieux locaux se succèdent tranquillement sans que la Justice n’y vienne mettre bon ordre. D’autre part, la probabilité de se faire attraper est suffisamment faible, en France, pour que les bénéfices qu’on peut retirer d’une agréable corruption bien grasse contrebalancent largement les risques.

Corruption : j'en veux moins, ou plus d'opportunité pour en profiter

J’exagère ? Même pas ! Regardez le nombre d’affaires de justice qui, impliquant des personnalités politiques, se sont terminées en jus de boudin républicain sans condamnation ou avec des peines d’une légèreté qui réjouirait certains ex-pensionnaires des geôles françaises : tout indique qu’ils trouveront ainsi dans l’onction citoyenne un superbe moyen d’éviter de retourner à la case prison. Et je ne compte même pas les interventions directes ou indirectes, officielles ou en coulisse, des gouvernements sur la magistrature ; en décembre 2011, 126 des 163 procureurs français avaient fait part de leur exaspération concernant les interférences du gouvernement dans leur travail. Et récemment, on a eu le cas de Hollande qui se fendait d’une lettre ambiguë dans une procédure de justice…

En définitive, si le chiffre de Transparency International indique bien une amélioration de la situation en France, la réalité vécue du côté des citoyens laisse voir sans difficulté que la situation est encore très loin des standards des pays les plus vertueux. Pire, la corruption semble s’être institutionnalisée tant elle semble banale aussi bien du côté des électeurs que de celui des élus : même le président, qui avait promis de ne nommer que des ministres irréprochables, ne s’est plus embarrassé de cette contrainte une fois en poste…



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