Entretien avec Didier Pobel autour de "Couleur de rocou"

Par Zone Littéraire De Vanessa Curton

Si le récit commence avec des odeurs d’huile brulée, de lardons, d’échalotes et de persils hachés, c’est peut-être autant pour nous allécher, nous rappeler la gourmandise de vivre, que pour nous alerter sur la maligneté des saveurs…surtout quand il s’agit de champignons – qui sont selon le narrateur de Couleur de rocou, comme les amis : « il faut savoir discerner les bons des mauvais. »

Une fuite ou une traversée des sens s’enclenche pour l’homme quand justement un vieil ami lui apprend que la poëlée dont il vient de se sustenter – devait contenir des cortinaires des montagnes. Ces champignons mortels auraient été cueillis la veille dans les bois humides de l’automne, dans une nature pourtant familière au narrateur. L’inquiétude soudaine l’entraine dans une recherche d’informations auprès du pharmacien ou dans l’antique encyclopédie des champignons…et découvre qu’il lui resterait deux semaines à vivre. Deux semaines d’incubation sournoise à la suite desquelles, il mourait « victime d’une implacable néphrite ». 
Deux semaines à vivre, donc. 
Etrange solitaire, il se retranche alors dans sa cabane, dans les brèches d’un temps vertical. L’œil se saisit de l’infime, de la nature, de ce qui déploie l’espace intérieur. Dédaigneux des nouvelles technologies et de la médecine, son téléphone reste décroché, et pour compter les jours, il taille des encoches sur le cadre de la fenêtre. Marquer le temps dans le bois, ou plus subtilement creuser le bois par les marques du temps…comme le corps, l’être, porte les traces de son histoire et de ses maux. Le poison des souvenirs de la fin des années 80, au moment de la chute du mur de Berlin, jaillit comme des murmures, des fantômes indomptés, une violence de soi, en soi, ressuscité dans l’égarement ou le rêve.

S’agirait-il de réparer quelque chose, une faille, une fêlure ? ou d’accepter…en chercher le sens, en s’appuyant sur la fiabilité du langage ? … à travers ce récit énigmatique, méditatif et métaphorique, Didier Pobel nous emmène dans un temps « en dehors », cathédrale de mots sans en avoir l’air…une balade hésitante, tâtonnante, mais où cette couleur de rocou, pigment rouge, dit-il, extrait d’un arbre des tropiques, est bien celle d’un « commencement ». Mais lequel ?

Couleur de rocou
Didier Pobel
Ed. le temps qu’il fait, 2012


Didier Pobel, ancien journaliste et critique littéraire, était l’invité de l’émission Entre paroles & musique diffusée sur RCF Isère les 28, 29 et 30 novembre 2012. Discussion à propos de son écriture autour de ce premier roman, Couleur de rocou, à la lumière d’un précédent recueil de poésie : Liaisons intérieures et autres lignes. Ce recueil, paru aux éditions Cheynes pour la première fois en 1990, a reçu cette même année le Prix Kowalski de la ville de Lyon. Dans l’entretien, en écoute ci-après, Didier Pobel évoque également son lien avec le poète Jacques Reda.

Plus d’information sur le blog de Didier Pobel : http://dpobel.over-blog.com/

Pour écouter l’entretien :

EPM 13 Didier POBEL.partie 1

EPM 13 Didier POBEL.partie 2

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