Planche écrite vers 1988, un an après mon entrée en F.°.M.°. pour les F.°. de la R.°.L.°. "Anatole France" à Reims.
Permettez à l'apprenti que je suis d'évoquer une réflexion , un préambule en quelque sorte à ma planche. Le pavé mosaïque est un symbole magnifique ....puisque je l'ai découvert en loge !
En quoi réfléchir sur un symbole a t-il un sens ? Une pensée saugrenue me vient à l'esprit. Et si , à la place du pavé siégeait trois boules de billard placées en triangle. trois, triangle, sphère...Je pourrais aussi vous dire quelque chose sur le sujet !
L'apprenti est sollicité de plancher sur un élément de son choix. L'heure venue, il expose sa planche devant ses frères, bien heureux d'avoir exprimer quelques idées. Malheureusement on lui fait remarquer que ces boules étaient là par hasard, sans doute oubliées par un maître des cérémonies quelque peu distrait. Ainsi se dit-il...ma réflexion était purement gratuite inutile. Non sans doute car l'homme a besoin de signes extérieurs pour rendre perceptibles les abstractions qui sont en lui.
Ce signe, ce prétexte c'est le symbole, représentation plus ou moins fidèle de son esprit. Lorsque celui ci est vide , il n'a par suite aucune signification.
J'immobilise mon esprit donc sur ce damier et la première difficulté m'apparaît. Qu'est ce que voir, observer ? En effet ma vue subit un va et vient constant entre l'élément constitutif du pavé : le carré noir ou blanc et la multiplication de cet élément initial : c'est à dire le pavé mosaïque dans sa globalité.
Le tout est indissociable du un et vice versa. Ainsi en est -il du regard que l'on porte sur le monde extérieur . A vouloir trop analyser le pavé, à ne percevoir que le un , l'objet observé perd de sa substance , de son identité.
De même un regard trop globalisant apporte le même trouble et l'objet analysé perd sa raison d'être , son essence.
Où est donc le point idéal de compréhension, de vision la plus juste possible où l'esprit peut concevoir, analyser le tout sans nier l'unité constitutive et saisir ainsi la complexité du un sans pour autant être ébloui par lui et percevoir la totalité. Difficile question !
La juxtaposition des carrés noirs et blancs évoquent tout et son contraire. Joie - peine; matière- esprit; illusion-réalité...etc.
L'homme cherche sa définition par rapport à ces extrêmes .Le carré est noir, blanc, peu importe la couleur. Ici le blanc est symbole de joie, ailleurs il évoque la mort.L'essentiel est ailleurs, peut être dans ce qui n'est ni blanc, ni noir, dans cette séparation que nos sens rendent plus ou moins flous.
Si la vie n'était que blancheur ou noirceur, nous ne serions que des ectoplasmes perdus dans l'infini.Nous ne vivons que par saut constant dans des états mentaux différents. La joie n'existe que parce que le malheur nous guette à tout moment...
Le pavé mosaïque est aussi un éloge de la différence. Chaque F.°. dans l'égalité, par son histoire , sa culture sa profession est un carré parmi d'autres, enrichissant l'ensemble de la loge afin de la rendre plus harmonieuse.
Ce pavé évoque aussi pour moi l'échiquier. Le maçon, l'homme peut être comparé à un joueur d'échec. Par sa capacité intellectuelle, spirituelle, qui lui est propre, il chemine selon son pas. Il construit une partie idéale, se modelant constamment face à l'adversité, à la résistance de ce qui lui est extérieure.
Ce qui apparaît ainsi au bout du compte comme une trajectoire maîtrisée ,n'est qu'une succession d'élans, de retraites où la liberté personnelle, fil conducteur fragile presque inexistant comme la frontière entre le noir et le blanc n'est en somme que la modeste et relative conscience des contraintes, des obligations de chaque jour qui nous accompagnent dans ce cheminement: unique chance de se réaliser pour toujours et et pour les "siècles des siècles."
Sur cet échiquier, des hommes se prétendent Rois mais ils ne sont que les pions de leur fanatisme, de leur ambition, de leur haine, de leurs préjugés.
D'autres hommes se qualifient modestement de pions mais ils sont les véritables Rois car détendeurs des plus belles valeurs humaines. Eux seuls savent où est leur place sur cet échiquier de la vie.
Ainsi comme le disait Doris Lessing : " Ils connaissent le secret maçonnique, le seul secret c'est à dire le point de connaissance où un individu est parvenu et lui seul sait où il en est."
J'ai dit