Les F.°. M.°. dans leur recherche de la vérité, pratiquent l’étude des symboles .
Qu’est-ce qu’un symbole ? Comment étudier un symbole, pourquoi étudier des symboles ? Quelle place leur accorder au sein d’une tenue, d’un apprentissage graduel ?
Essayer de répondre à ces questions est une façon personnelle de poser le thème de cette planche : Symbolisme, fin ou moyen de la Maçonnerie ?
Petite anecdote personnelle comme entrée en matière :
Convié , Il y aura bientôt 2 décennies, à travailler sur le pavé mosaïque , pour mon 1er travail d’apprenti, je fis part d’une attitude que je qualifierais de rebelle. En effet, j’éprouvais une difficulté à disserter sur un outil du temple, connu de tous. En quoi s’y pencher représentait-il une avancée sur mon cheminement qualifié « d’initiatique ». D’autres, me disais-je en d’autres lieux se penchent sur des thèmes, réfléchissent . Cela les fait autant, voire mieux progresser que nous. En quoi se creuser l’esprit sur un objet de ce temple aurait-il une vertu quelconque. De plus ce côté « exercice imposé » me troublait . Du catéchisme me disais-je , encore du catéchisme !
Aussi j’écrivis comme préambule à ma première planche ceci :
« Permettez à l’apprenti que je suis d’évoquer une réflexion , préambule à mon travail . Le pavé mosaïque que j’ai sous les yeux est un symbole maçonnique puisque vous me le dites et que je l’ai découvert en loge. En quoi réfléchir sur ce symbole a-t-il un sens ? Une pensée saugrenue me vient à l’esprit, mes FF.°.
Comme apprenti, imaginez que je fus sollicité de travailler sur un objet de ce temple, librement choisi . Mon œil se porte alors sur 3 boules de billard placées en triangle sur une petite table de bois ! Trois, triangle, boule, table, bois . Apprenti depuis quelques mois je pourrais bien vous pondre quelque chose, me disais-je ?
L’heure venue, j’expose ma planche aux FF.°. de l’atelier bien heureux de mon travail ! Malheureusement, lorsque la parole circule je me rends vite compte que j’ai commis une erreur . En effet ces boules….. étaient là par hasard , sans doute oubliées par un maître des cérémonies amateur de billard à 3 bandes (en l’occurrence ) quelque peut distrait ou peu soucieux de rangement !
Tout ce travail …pour rien , me disais-je ! Disserter, disserter certes mais en reste-t-il quelque chose d’initiatiquement quantifiable ? La sphère, le billard, le bois, la table auraient-ils des contenus moins ésotériques que le compas, l’équerre ou le pavé mosaïque ?
Je mettais ainsi en question un aspect de la « méthode maçonnique ». Je m’interrogeais sur la portée du symbolisme, sur sa finalité. Enfin revenant à ma planche , je pus disserter sur le pavé mosaïque : mon sujet imposé.
Coincé entre ce que je supposais qu’on attendit de moi et ce que m’inspirait ce symbole non pas par un « copier-coller » d’un morceau du Boucher , ouvrage que je n’ai jamais consulté mais par une réflexion intuitive sur le jeu d’échec .
Ce que j’écrivis ce soir là ne sortit pas d’un livre mais de mon esprit. Je me souviens bien de ma conclusion :
« Sur cet échiquier, pardon ce pavé mosaïque, des hommes se prétendent rois mais ils ne sont que les pions de leur ambition , de leur fanatisme , de leur haine, de leurs préjugés . D’autres se qualifient de pions mais sont les véritables rois , car détendeurs des hautes valeurs humaines car eux seuls savent leur place sur cet échiquier, ce pavé mosaïque qu’est la vie »
Avec le temps j’entendis d’autres planches sur le pavé mosaïque. D’autres interprétations, avec un je ne sais quoi de commun entre elles.
Et peut être que la planche de ce soir n’a que seule ambition de définir ce : « je ne sais quoi » de spécifiquement maçonnique.
Alors revenons à notre symbole.
Ce mot est abusivement employé . De ces confusions résulte son affadissement. Ainsi lorsque nous disons par exemple : Ceci est symbolique cela signifie « inexistant, qui n’a aucune valeur profonde . Ce dont on ne parle que pour la forme »
Ainsi en est-il , par exemple, d’ une candidature symbolique ?
Une deuxième confusion recouvre diverses représentations abusivement qualifiées de symbolique .
Comme le terme d’ emblème : qui désigne une figure visible adaptée conventionnellement pour représenter une idée .Ainsi le drapeau ou le laurier emblème de la patrie ou de la gloire, abusivement décrit comme le dit symbole.
Il en est de même pour l’allégorie , qui une figuration figée une fois pour toute comme peut l’être par exemple une femme ailée , allégorie de la victoire.
On utilise aussi souvent le terme de symbole pour métaphore qui évoque une comparaison entre deux êtres ou deux situations comme par exemple lorsqu’on compare l’éloquence de tel orateur à un déluge verbal.
Enfin le symbole n’est pas non plus une parabole récit possédant en lui même un sens et destiné à suggérer une leçon morale (parabole biblique )
Mais alors qu’est-ce que le symbole ?
A l’origine le symbole était un objet coupé en deux fragments de céramique de bois ou de métal. Deux personnes en gardent chacune une partie : deux hôtes, le créancier et le débiteur, deux pèlerins… Rapprocher les deux parties , c’est se reconnaître .
Le Symbole sépare et réunit.
Il sépare par la perception personnelle que chacun de nous en a car le propre du symbole est de rester indéfiniment suggestif.
Il réunit dans la mesure où il met chacun de nous dans une situation identique. Il aide à s’accomplir initiatiquement et permet à chacun de suivre sa propre vie intérieure à travers la symbolique maçonnique toute entière.
La pensée symbolique exclut le dogmatisme.. Alain, dans l’esquisse de l’homme, remarque que :
« l’histoire humaine est l’histoire des signes … L’esprit s’est éveillé par une continuelle formation du langage, c’est à dire l’interprétation des signes… »
Il faut des signes pour réfléchir. Tout signe symbole est donc une invitation à un effort d’interprétation, de découverte, de connaissance. Une invitation à la méditation.
Quelles seraient les fonctions du symbole ?
Le symbole a précisément cette propriété exceptionnelle de synthétiser dans une expression sensible toutes ces influences de l’inconscient et du conscient , ces forces intuitives et spirituelles en conflit ou en voie de réalisation ou d’harmonisation à l’intérieur de chaque homme.
Le symbole provoque à la liberté mais il ne traduit pas et ne transmet pas une pensée déterminée, mais une idée inépuisable.
Il est énigme avec ses multiples réponses possibles et ne laisse aucun repos à l’esprit en suspens. Ainsi tout symbole reste ouvert et il y a un va et vient entre le signifiant et le signifié (…) Aussi la pensée symbolique exclut-elle tout dogmatisme. On peut ainsi comparer la pensée symbolique à une interprétation musicale qui n’est jamais déchiffrée une fois pour toutes mais appelle chaque fois une nouvelle interprétation.
Tout symbole est donc une invitation à un effort de découverte, de réflexion. La puissance créatrice du symbole définit la liberté humaine et c’est en ce sens qu’il est méthode maçonnique. (…)
Le symbole ne dirige pas la réflexion . Il l’aide à s’accomplir et permet ainsi à chacun de suivre sa propre voie intérieure. Comme l’amour, il se vit plus qu’on en parle. La méthode symbolique n’est pas dans la réponse codée mais dans le décodage. Le symbolisme , c’est une méthode d’analyse, une volonté d’interprétation , voire de création au sens poétique du terme.
Tout est symbole dit-on ! Tout, mais pas n’importe quoi. Le symbolisme laisse une part non négligeable à l’intuition ,mais nécessite néanmoins dans sa pratique de la logique. Si le symbole par lui même et pour lui même n’a guère de sens , un ensemble de symboles liés entre eux et revisitables à des degrés successifs comme c’est le cas en Maçonnerie constituent alors un modèle au sens mathématique c’est à dire une représentation.
Ainsi peut-on parler de symbolisme maçonnique. Certes trop souvent la méthode symbolique livre notre pensée à la seule imagination :
« cette folle qui se plait à faire la folle » *
Or le F.°. M .°. cherche la vérité et doit donc écarter les illusions de l’imaginaire, se dépouiller des forces intérieures de son moi pour s ‘élever par la raison à la vérité. Le symbole ambigu et obscur par nature , ouvre un champ possible aux vastes élucubrations…*
Aussi la pensée symbolique ne s’oppose -t-elle pas à une authentique rationalité !
La pensée symbolique , outil du franc maçon lui permet d’accéder à une certaine connaissance de l’homme , plus authentiquement vraie que celles que lui proposent les sciences humaines sans doute exactes mais insuffisantes car réductrices. Le symbolisme en effet implique un certain type de philosophie et repose sur une certaine vision du monde : sur l’idée que le réel tout entier ne saurait se réduire au réel manifesté. Est-ce que la poésie, l’art, la musique , comme le symbolisme ne constitueraient pas justement un moyen d’atteindre ce sens, cette vérité ?
Aussi le symbole nous pose t-il cette question : la raison pure représenterait-elle l’idéal et la forme achevée de la pensée humaine ? Comme l’a montré David Hume, la Raison peut indiquer des moyens mais elle est par elle même incapable de nous fournir des fins :
« Il n’est pas contraire à la raison de préférer la destruction du monde entier à une égratignure de mon doigt ». Le rationalisme est indispensable à la pensée symbolique car celle ci tomberait dans le délire ou l’élucubration.
Le symbole a d’infinies interprétations. Il a une signification projective.
Ce n’est pas nous, qui lui donnons du sens, c’est lui qui nous permet de donner sens aux choses dans la mesure où nous les situons par rapport à lui. Il est le miroir de nos pensées. *(ordo ab chaos )
Le symbolisme est l’instrument qui permet à la pensée de s’aventurer dans l’Océan dont parle Auguste Comte : cette métaphysique pour laquelle nous n’avons ni voile, ni barque.
Certes l’initiation maçonnique n’est pas destinée à faire de nous des poètes (des hommes, suffirait amplement ) mais par le symbolisme , elle nous apporte une perception poétique de la réalité. Une façon sans doute différente du monde profane à user de la parole pour travailler les idées.
Je pense qu’un rituel bien compris, pratiqué avec sérieux et non avec sériosité, qu’un travail sur le symbolisme exécuté à divers degrés peuvent apporter aux F.°. M.°. les outils indispensables à sa réflexion d’Homme et qu’il ne faut pas le négliger .
S’imprégner de symbolisme pour édifier son temple intérieur, pour pouvoir mieux libérer la parole au profit de sujets profanes et de constructions humaines et humanistes prolongées à l’extérieur du temple , ne serait –ce pas là, la véritable destinée du symbolisme ?
Car je reste persuadé que l’on peut parler , plancher sur des thèmes dits profanes à l’aide de nos outils que sont le symbolisme et le rituel , afin justement de ne pas « profaner » nos propos et tomber dans le vulgaire au sens étymologique du terme. Encore faut-il en être persuadé ?
Dans son essai sur l’homme , Ernest Cassirer nous dit :
« Sans le symbole , la vie de l’Homme serait semblable à celle des prisonniers de la Caverne de Platon . elle serait limitée aux besoins biologiques et aux intérêts pratiques, elle n’aurait nul accès au monde « idéal » que des voies comme la science la religion, l’art, la philosophie, et nous ajouterions la philosophie maçonnique ouvrent à l’homme >>
Baudelaire :
La nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parois sortir de confuses paroles
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec de grands regards familiers
Ainsi , nous marchons souvent à travers des forêts de symboles, mais souvent nous demeurons dans l’obscurité.
J'ai dit.
Jeu de briques
Snake
Pacman
Bubble