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Tibet (14) Col Namtso la 4600 m

Publié le 04 avril 2008 par Argoul

La montée me paraît interminable. Des cairns marquent de temps à autre le bon chemin. Sitôt un horizon atteint, un autre se présente, toujours plus haut ! Le chemin est une épreuve de constance et de caractère. Le col nous attend vers 4600 m.

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Un jeune tibétain de 12 ans galope avec nous. Il est le fils d’un muletier qui transporte nos bagages. Je ne l’aimais pas trop car il mendiait hier de la monnaie auprès des touristes que nous sommes, mais j’admire aujourd’hui sa démarche de cabri. Il se prénomme Chiroandy. Nous prenons notre en-cas sur la pente au-delà du col, avec une vue immense sur les montagnes. Au loin, des nuages gris et pommelés laissent filtrer des traits de pluie obliques. L’orage doit gronder là bas. Un arc en ciel se dessine sur un cirrus, ce qui est inhabituel et ne dure d’ailleurs qu’un instant. Je vais porter un peu de nourriture au garçon qui s’est assis un peu à l’écart et ne demande rien. Il n’a que sa gourde pour tout viatique.

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Nous descendons l’autre face de la crête vers les prés à tourbe typiques du plateau tibétain. Au bord d’un lac nous passons une étendue verte traversée de ruisseaux. Les nuages nous ont rattrapé et nous poursuivent. Le ciel devient bas, la tempête menace. La lumière se fait étrangement belle, nacrée, sur le paysage rude où broutent les yacks noirs en troupeau. L’eau du lac est tourbeuse mais à peine fraîche, comme si le soleil réussissait à la chauffer en quelques heures. J’y trempe ma main en m’attendant à la trouver aussi glacée qu’au Pérou à cette altitude, ou qu’en Norvège. Pas du tout ! On pourrait presque s’y baigner.

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La pluie commence à tomber lorsque nous plantons les tentes. Heureusement, les tentes igloo se montent vite et Michel et moi en avons l’habitude. Ciel gris, sol vert et brun, mulets broutant alentour, on se croirait quelque part en Europe septentrionale. Surgis du paysage, apparaissent trois nomades bien tournés, vêtus de tuniques de yacks aux poils tournés vers l’intérieur. Ce sont trois jeunes gaillards, l’aîné peut avoir 18 ans, les deux autres 13 ou 15 ans. Ils regardent de tous leurs yeux bruns comment nous sommes, notre teint pâle et nos vêtements colorés, ce qu’on fait, ils écoutent de toutes leurs oreilles comment nous parlons. Le plus jeune est radieux, déjà mâle, le corps vigoureux, portant couteau et nécessaire à couture à la ceinture ; mais il garde encore une attitude d’enfant, se serrant contre son aîné par timidité envers la nouveauté, lui tenant la manche pour qu’il le protège des maléfices étrangers.

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Le matin suivant, la lumière joue avec le paysage. Écharpes de brume sur les monts, reflets d’eau entre les mottes de tourbe, nuages moutonneux au loin. Les mulets broutent. Nos fiers Khampas d’hier ne sont pas revenus. Ils ont envoyé observer plusieurs femmes et filles dont on ne voit que les yeux bridés entre leurs écharpes colorées, enroulées autour de la tête contre le vent. Arrive aussi un berger adulte en tchouba. Lorsque le soleil se lève, c’est le festival des nuances. Comme le monde est beau ! Nos muletiers sont assis dehors autour de leur foyer fumeux, hilares ; ils boivent du thé dans des pots noirs de suie, pareils à des sorciers préparant quelque sabbat. La voix claire de notre petit guide d’hier, qui plaît tant à Michel, s’élève parmi les clochettes des mules rassemblées. Le petit homme sangle et selle une bête comme un grand. On est vite adulte en ces contrées. Une autre mule broute sa ration d’orge dans un demi-ballon de foot attaché à ses naseaux ! Tout se récupère dans les pays de peu.
Après thé et omelette aux oignons, nous partons sur le plateau. Terrain plat, peu d’animation hormis le passage des ruisseaux à gué, toujours folklorique. Le jeune Chiroandy nous accompagne toujours, affairé et serviable. Il porte à la main une thermos chinoise qui contient du thé, trop fragile pour être mise sur une mule. Monique lui confie ses bâtons de ski qui l’aident à marcher dans les montées ; il en est tout fier. Il ne dit rien, marche sans effort. Rien à voir avec nos garçons occidentaux trop gâtés, vite fatigués et râleurs. Nous rencontrons sur le chemin quelques nomades, dont un gaillard adolescent très intéressé par les jumelles de Michel qui permettent de distinguer un yack à plus d’un kilomètre ! Un autre Khampa passe à cheval, tirant derrière lui deux mules chargées de beurre de yack. Il va commercer au prochain village sédentaire.

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Le pique-nique au soleil, vers midi, incite à faire la sieste. Après la copa corse, les beignets tibétains et le fromage de Hollande, je m’endors. Véronique et Françoise aussi. L’après-midi est moins paisible. Après un orage subi en fin de matinée, le soleil est devenu vif, puis la grêle nous rattrape pour deux quarts d’heure séparés d’une accalmie. Le soleil à nouveau paraît, mais avec du vent qui forcit à mesure que l’on quitte la vallée pour les hauteurs. Au bout d’une dernière étape, montante, éprouvante, sans fin, face au vent qui descend du col comme un torrent glacé, nous installons le camp. Nos tentes poussent vite comme autant de champignons mauves sur la prairie. Nous sommes vers 4700 m dans un cirque désert où coulent des ruisselets entre les mottes de tourbe. En raison du vent qui hurle fort, qui disparaît brusquement pour un quart d’heure, puis revient avec une bordée de nuages, nous nous sentons vite mieux à l’intérieur des tentes qu’au dehors.


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