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Ces Français qui nous dépriment [294ème semaine politique]

Publié le 22 décembre 2012 par Juan
Il y eut des émissions spéciales, des centaines de journalistes envoyés dans un pauvre village, des comptes-à-rebours sur tous nos écrans, des affolements twittosphériques. Il y eut des couvertures de journaux, des débats radiophoniques, de précieuses minutes télévisées dans les JT. C'était l'un des évènements les plus grotesques et célébrés de cette fin d'année.
Comment était-ce possible ?
La Grande Crise ne suffisait pas. On nous avait aussi promis la fin du monde.
Agitation
La sur-couverture médiatique de ce non-évènement fut sans surprise, dépressive et erratique.
On s'emballe donc sur les Mayas et les comètes; on soutient Philippe Torreton qui attaque Gérard Depardieu défendu par Catherine Deneuve dans cette affaire de désertion belgo-fiscale. Des grincheux nous expliquent qu'il s'agit d'un exil des talents, comme si le talent se mesurait en euros. Quand elle n'est pas hystérique, la France perd ses repères. On s'amuse de la réconciliation tartuffienne des rivaux Copé/Fillon, et de leur cessez-le-feu digne des plus grands conflits moyen-orientaux. On perd son temps dans le feuilleton Cahuzac - qu'il démissionne et que Mediapart travaille enfin à l'essentiel. Même le mariage pour tous, qui suscite des chamailleries à gauche, a fini par nous agacer. C'était une promesse, qu'ils la votent et se taisent !
Mais la France politique poursuit son parcours, entre hystérie et dépression de riches. Car la France déprime, paraît-il. Les sondages - toujours eux - nous le confirment. La France déprime parce les mauvaises nouvelles s'accumulent.  L'INSEE nous promet ainsi 11% de chômeurs d'ici juin prochain. A raison de 50.000 sans-emplois supplémentaires chaque mois, la catastrophe est bien là. La France déprime puisque des commentateurs politiques amateurs ou professionnels - la différence est désormais ténue - sont incapables de distinguer l'austérité grecque de la rigueur française.
La France est-elle en guerre ? Non. Menacée de famine ? Non plus.
Une France déprime.
Calme
Il a fallu attendre 50 ans pour en arriver là. Devant des parlementaires algériens, Hollande a trouvé les mots pour reconnaître et décrire le passé colonial, une démarche normale, simple et attendue. Expliquer combien ce système avait été  « profondément injuste et brutal ». A l'époque, on jetait des Algériens dans la Seine quand ils manifestaient sans autorisation.
L'Algérie célèbre son indépendance, mais les plaies et les polémiques sont toujours là. Hollande a tranquillement mis des mots sur les douleurs, toutes les douleurs, y compris celles des Français d'Algérie. En France, la parole fut donnée à un vieux président des Jeunes Pieds-Noirs. Elle était terrifiante. Le sextagénaire expliqua de sa voix grave combien la colonisation avait sorti les Algériens de leur « gourbi ». C'était indigne. Un autre, plus connu, Gérard Longuet, complète qu'elle était même un progrès par rapport à la civilisation ottomane. Ces Français-là, incapables de recul et de réconciliation, nous font déprimer. Heureusement, ils sont peu nombreux, éparpillés.
Procès d'intention
La réforme bancaire fut davantage critiquée. Pierre Moscovici l'a présenté mercredi en Conseil des Ministres. Mauduit de Mediapart l'avait déjà découpée en tranches, Marianne dénoncée la trahison, ... comme toute la presse et, sans surprise, les blogueurs. Certains s'attendaient à un démantèlement à la hache et à la hâte de toutes nos banques françaises. On avait promis de séparer les activités de spéculation de celles de dépôts. Et Hollande avait juré/craché que son ennemi était la finance. Et le slogan devait devenir loi. Pouvions-nous écouter, lire, débattre puis juger ?
Dans les faits, la loi n'impose d'isoler que les activités les plus graves. Trop faible, trop peu ! On exhibe des maigres pourcentages de revenus bancaires concernés par ces activités pour justifier l'insuffisance. En pleine crise et grosse déprime, on voulait du sang et des larmes, et des têtes de banquiers sur une fourche. Il n'en fut rien. Les banquiers voulaient afficher leur satisfaction. Ils avaient un cours de bourse à sauver. La loi prévoit quand même un début de séparation, un mécanisme de résolution bancaire (pour rapidement couper les activités en faillite en cas de pépin) et une réforme de la gouvernance des assurances et du rôle de l'AMF. « Les ciseaux de la séparation bancaire sont désormais sur la table de Bercy et de Matignon » commente la rapporteuse du texte, Karine Berger.
Gageons que l'examen du texte au Parlement sera l'objet d'explications plus sereines.
La Modernisation de l'Action Publique n'a rien non plus de bien sexy, mais tout d'essentiel. Trois chantiers pour simplifier, auditer, économiser. C'est du lourd et du long. Il faut trouver 10 milliards d'euros par an. Certains couinent déjà que Hollande fait du Sarko. Ayrault ne révise pas en général, il veut nettoyer dans le particulier de chaque action publique. L'an prochain, 100 comités consultatifs seront éteints. La démarche fait plaisir, ou grincer des dents.
On aimerait que l'audit déborde sur la région ile-de-France. Le socialiste Jean-Paul Huchon vient de se faire épingler.
Au final, la conclusion de cette avant-dernière semaine politique  de 2012 était simple.
Il ne tient qu'à nous de résister à l'agitation ambiante, prendre le temps de l'analyse et du débat serein.
A suivre. 
Post-Scriptum: Nicolas Sarkozy termine son année par un curieux redressement, 11 millions d'euros de dépenses électorales pendant sa dernière campagne présidentielle ont été rejetés par la Commission adhoc et ne lui seront pas remboursés. Il peut toujours poser un recours auprès du Conseil Constitutionnel ... dont il est membre.


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