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Interdire la 4G : Robin des toits et le cercueil capitonné

Publié le 24 décembre 2012 par H16

Noël approche à grands pas. Peut-être allez vous offrir, ou trouver au pied du sapin, un vibrant appareil techno-fashion, téléphone « intelligent » ou tablette connectée qui, par le truchement d’une connexion radio, permettra à son heureux possesseur d’être importuné 24h/24 par des alertes twitter inutiles, des SMS à l’orthographe illisible ou des appels enquiquinants d’opportuns béats ? Si tel est le cas, sachez qu’en plus, vous allez choper un cancer, des migraines et des cors aux pieds.

Heureusement, l’État Français a tout prévu ! Depuis plusieurs années, des gens se sont, silencieusement, occupés de votre bien-être. Ils se sont, très discrètement, assurés que vous n’auriez aucun problème avec les ondes, les produits chimiques, la mauvaise nourriture, les gaz nocifs, les objets dangereux, les comportements à risques et la vie en général. Évidemment, ces héros de l’ombre, aussi discrets soient-ils, ne vous ont pas protégé de petite rafale d’impôts et de taxes, parce qu’il faut bien les payer (discrets, oui, gratuits, non).

Ce faisant, ces stakhanovistes de la protection contre vous-même ont réussi à faire inscrire dans la constitution le principe de cette précaution ultime contre les échardes, le coin des meubles bas et les expériences culinaires interdites. Lentement, sûrement, le douillet cocon ouaté s’est refermé sur chacun d’entre nous, et, au milieu de cet océan de douceur finement paramétrée, on n’entend plus guère que le bruit, étouffé, lointain, des coups de marteaux qui fixent une fois pour toute le couvercle du cercueil de l’armure contre le monde réel.

phone not foundEt dans les derniers coups de marteau, on découvre que la gentille association citoyenne et au financement parfaitement opaque Robin des Toits a passé la surmultipliée pour bouter les téléphones portables hors de France, ou, tout du moins, pour bannir le déploiement et l’utilisation de la 4G. Bien sûr, l’association ne présente pas son combat ainsi (qui la placerait dans le camp des rétrogrades ou des décroissants au beurre de hérisson bio) : pour elle, il s’agit d’appliquer le fameux principe de précaution et d’imposer que les antennes pour réseau mobile ne délivrent plus un signal à sept volts par mètre mais un petit frémissement radio aux alentours de 0.6 V/m parce que des experts, des psychologues et des vendeurs de graines pour oiseau ont décidé que c’était le maximum supportable par les humains des environs.

Pour le moment, les opérateurs ont obtenu gain de cause, au travers d’une charte définissant ce qui peut ou pas être fait, et vont donc déployer leurs antennes pour la 4G. Mais, rassurez-vous (et rendormez-vous dans votre cercueil ouaté) : l’association citoyenne, responsable et anti-risque a cependant déposé un recours contre cette nouvelle charte devant le tribunal administratif, pour « excès de pouvoir ». Et comme l’explique très bien un porte-parole de l’association, le but est bien d’empêcher le déploiement de la 4G, technologie du diable :

« C’est la seule solution pour que la charte soit renégociée et pour éviter l’arrivée de la 4G à Paris. En l’absence d’étude sanitaire sur le sujet, la population entière serait cobaye »

Rappelons qu’aucune étude sanitaire ne peut prouver qu’il n’y a pas de risque puisqu’on ne peut prouver que l’existence de quelque chose et non son absence. Mais ce petit point de logique écarté, notons que ce qui importe avant tout, c’est éviter l’arrivée de la 4G. La technologie, comprenez-vous, cela nous a quelque chose d’un peu crado sur les bords, et puis, cela rend malade, tout le monde sait ça. Enfin, tout le monde : il faut bien comprendre que malgré l’absence d’épidémie de cancers divers et variés dans le monde où, pourtant, des centaines de millions d’appareils sont utilisés quotidiennement, pendant des heures, dans toutes les situations possibles, et ce depuis maintenant des dizaines d’années, l’association entend faire notre bien même si on n’est pas franchement mal et qu’on s’est fort bien passée d’elle jusqu’à présent. Et puis il ne lui suffit que de brandir le cas de l’amiante pour se trouver une bonne raison d’agir : « rappelez-vous qu’on a attendu des années avant d’interdire ce produit du diable ! » en oubliant dans la foulée que seules les particules d’amiantes respirées de façon répétées sont nocives, la matière solide, connue depuis l’antiquité, étant inoffensive.

Moyennant quoi, on empilera les études plus ou moins farfelues ou chaudement emmitouflées dans un conditionnel précautionneux et des circonlocutions habiles pour ne surtout pas dire qu’il n’y a pas de risque (puisqu’on ne peut pas le prouver) à manipuler les radiofréquences utilisées dans les portables, et finalement admettre du bout des lèvres qu’on peut (éventuellement) choper des trucs et des bidules dans certains cas (voir alinéas, conditions et petits caractères en fin d’étude, etc…). En pratique, la moindre analyse un peu scientifique des « cas documentés » de malades « radio-réceptifs » ou « radio-sensibles » dévoile … une bonne tendance à l’effet nocebo ou à l’hypocondrie typique (ce que corroborent implicitement les centaines de millions de personnes qui n’ont rien à faire ni des études précautionneuses précédemment citées, ou des antennes relais).

Mais même si le risque est particulièrement fuyant à apprécier, même si les études sont enrobées d’incertitudes juridiquement commodes, le Principe de Précaution, lui, a eu la présence d’esprit de garer ses petites miches fragiles en les mettant au milieu de la constitution française, ce qui lui donne immédiatement un air de respectabilité, en plus d’une propension à l’indéboulonnable particulièrement importante.

phone sex : you're doing it wrong

Bilan des courses : il n’aura pas fallu attendre bien longtemps pour qu’un projet de loi (un de plus) fleurisse avec comme prétexte ce fumeux principe, projet qui vise à, d’un côté, dépenser une nouvelle montagne de pognon gratuit en provenance directe des poches de contribuables exsangues pour financer des études sanitaires, alors qu’en pratique, il s’en déroule une grandeur nature sur un échantillon de deux milliards d’individus depuis des années sans qu’une épidémie se soit montrée ; mieux : il sera difficile de mettre les « victimes » du téléphone portable en face de tous ceux qui bénéficient, actuellement, directement, de cette technologie qui fait concrètement sortir de la misère toujours plus de monde, tous les jours. De l’autre, la proposition propose toute une série de contraintes supplémentaires qui ajouteront aux normes déjà existantes, et permettront de combattre sans aucune efficacité prouvé un risque non avéré et mal défini. Bien évidemment, c’est du franco-français : les fabricants français devront appliquer, et les étrangers, eux, pourront rire de nos petits drapeaux mauves anti-girafe. Business as usual : l’hémicycle plein d’hémicéphales tourne à plein régime.

Pas de doute, la technologie est une véritable plaie pour tous ces gens : risquée, elle ouvre des perspectives inouïes, des univers différents, des possibilités qui font frémir, sans doute parce qu’on s’y débrouille très bien sans eux. Elle permet d’entrouvrir le cercueil capitonné. Pas étonnant, dès lors, qu’elle soit si âprement combattue : on va la filtrer et la museler, on va la taxer de tous les côtés possibles (oui, une nouvelle taxe internet !) et on va trouver tous les moyens possibles pour l’affaiblir.

Et ainsi, le cercueil, dans un petit bruit chuinté, pourra se refermer, doucement, et laisser enfin chacun s’endormir en laissant enfin Maman-État s’occuper de tout.



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