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Et si l’affaire Depardieu avait les mêmes effets que l’affaire Bergman en Suède ?

Publié le 24 décembre 2012 par Copeau @Contrepoints

Si l'affaire Depardieu en France ressemble à l'affaire Bergman en Suède, il y a tout lieu d’être extrêmement optimiste.
Par Jean-Jacques Netter.
Publié en collaboration avec l'Institut des libertés.

Et si l’affaire Depardieu avait les mêmes effets que l’affaire Bergman en Suède ?

Ingmar Bergman

En 1969, le modèle suédois enflammait les imaginations des socialistes du monde entier. Le taux de prélèvement fiscal de l’État était  à 41%, à l’époque le plus élevé du monde, ce qui était supposé régler tous les problèmes de pauvreté. Le pays était très influencé par une génération d’économistes tels Karl Gunnar Myrdal, célèbre socialiste, qui avait publié dans les années 60 Beyond the welfare state. Economic planning and its international implications. Cela avait abouti à ce que les impôts progressifs et les programmes sociaux soient plus développés que partout ailleurs.

La Suède devint de fait l’un des pays les plus dépensiers d’Europe avec des dépenses publiques représentant 70% du PIB. Tout ne fonctionnait pourtant pas comme prévu. Le taux de divorce était supérieur de 60% a la moyenne européenne, le nombre d’enfants illégitimes trois fois plus élevé que par le passé, un tiers des enfants suédois naissant hors mariage…

Dans les années 80, quelques mesures de  réformes furent timidement adoptées. Par exemple, les marchés financiers sont déréglementés en 1985 (par les sociaux-démocrates) ce qui n’empêche toutefois pas la Suède de faire faillite en 1992, à la suite d’une bulle immobilière, les causes étant très semblables à celles de la crise des subprimes américains de 2007. Le déficit  budgétaire représente alors 12% du PIB. Le système bancaire doit être sauvé en catastrophe par le gouvernement suédois.

Sous la pression des circonstances, le gouvernement dut :

  1. Garantir tous les dépôts des 114 banques suédoises.
  2. Prendre en charge les mauvaises créances, en contrepartie d’une prise de participation en actions ordinaires, les banques devant supporter les pertes encourues. Les actionnaires perdirent tout ou partie de leur capital investi, mais les propriétaires d’obligations furent épargnés.
  3. Nationaliser deux banques importantes, Nordbanken et Göta Bank, leurs créances douteuses étant transférées à des sociétés spécialisées dans la gestion d’actifs (notamment Securum), qui prirent en charge surtout les mauvaises créances immobilières.
  4. Créer une agence nationale de supervision bancaire, la Bank Support Agency, pour aider les banques qui avaient besoin d’être recapitalisées.

Quand les actifs toxiques furent vendus après la crise, les profits éventuels retournèrent au gouvernement. Le sauvetage des banques, qui avait initialement coûté environ 4% du PNB suédois, vit son coût révisé à la baisse, la perte finale se situant plutôt entre 0% et 2% du PIB.

La Suède reste donc l’exemple type d’une politique de l’offre qui a réussi. Le pays n’est pourtant pas représentatif de l’ultralibéralisme. Il a néanmoins déréglementé et privatisé son système éducatif, l’hôtellerie dans les hôpitaux, ses systèmes de retraite et tous ses transports en commun. Le pays a utilisé la crise pour faire de la pédagogie, et au nom de la préservation de leur modèle social, les Suédois ont accepté ces sacrifices.

Au niveau de l’État, tout le monde a été mis au régime sec. Les effectifs de la fonction publique ont été réduits de 20%. La fonction publique représente désormais une partie infime des effectifs publics ; le ministère des Finances emploie environ 500 fonctionnaires, le reste étant des contractuels de droit privé. Les dépenses publiques ont fortement diminué. En sept ans, de 1993 à 2000, les dépenses publiques de la Suède sont passées de 71,5% du PIB à 55% du PIB. De nombreuses missions de l’État ont été transférées vers des agences spécialisées soumises à des obligations de résultat et au respect de l’équilibre budgétaire.

Il importe de souligner que l’ensemble de ces réformes ont été menées à bien sans casser le lien social (une majorité des Suédois soutient à présent le choix d’école, de médecins, de maisons de retraite etc). Moyennant quoi la Suède, vingt ans après, est en excédent des comptes courants, a des excédents budgétaires et a réduit sa dette en 20 ans de 90% a 42% du PIB tout en connaissant un quasi plein emploi, et emprunte aujourd’hui à des taux inférieurs à ceux de l’Allemagne.

L’État-Providence reste financé par les prélèvements obligatoires, mais les prestations sont de plus en plus déléguées au secteur privé/associatif. Alors que la pression fiscale (essentiellement les échelons locaux et régionaux) reste très élevée, le gouvernement actuel affecte l’essentiel de l’excédent budgétaire au désendettement.

Cet exemple montre que tous les pays développés qui ont redressé leur croissance et leurs finances publiques à l’image du Canada, de la Suède ou de l’Allemagne ont accordé la priorité à la compétitivité et à la baisse des dépenses publiques, dont l’effet récessif est moindre que la hausse des impôts.

La France, qui est dans la même situation que la Suède en 1992, est en train de faire exactement le contraire de ce qu’a fait la Suède à l'époque, et depuis :

  • Elle porte ses recettes à 52% du PIB et ses dépenses à 58% du PIB.
  • Elle accroît de 10Md€ les prélèvements sur les grandes entreprises qui constituent un atout décisif dans la mondialisation.
  • Elle provoque un exil massif des centres de décision, des managers, des entrepreneurs et des patrimoines en appliquant une fiscalité confiscatoire sur le capital et le travail.
  • Elle impose les revenus de l’épargne au-delà de 100% en supprimant les prélèvements forfaitaires sans neutraliser l’inflation…

La Suède au contraire met de l’argent de côté les bonnes années. Entrée dans la récession de 2007 avec un solde public excédentaire de 3,8% du PIB, elle a pu financer de généreuses mesures de relance sans que son déficit ne se creuse au-delà de 0,5% du PIB. Sa dette publique n’a pratiquement pas grossi pendant toute la période (42% du PIB). En 2006, l’impôt sur la fortune qui touchait les patrimoines au-dessus de 1,5M de Couronne (215 000€) a été supprimé. La Suède a décidé d’utiliser la manne venant de la dévaluation pour sortir l’État de la production (où il n’a rien à faire) tout en conservant les fonctions de contrôle et de financement à l’État.

Sur les vingt dernières années, le succès de cette stratégie a été tout simplement prodigieux. Charges sociales patronales et salariales de la Suède sont en % du salaire brut de 31% (part patronale), 7% (part salariale) contre 50% (part patronale), 16% (part salariale) en France. En 2010, Friedrik Reinfelt le premier ministre de centre droit a été le premier gouvernement non socialiste de l’histoire de la Suède à être réélu pour un deuxième mandat. En 2011, Andres Borg, Ministre des Finances, a été reconnu par le Financial Times comme l’homme le plus influent de l’Union Européenne. Son pays a regagné son Triple A en 2004. Les dépenses publiques sont maitrisées à 53% du PIB contre 58% en France. Le budget est excédentaire de 7,7Md€ (1,8% du PIB).

En 1976, Ingmar Bergman est arrêté. Le grand metteur en scène de cinéma et de théâtre est accusé d’évasion fiscale. Toutes les charges retenues contre lui seront par la suite abandonnées, mais entre temps, il aura fait une dépression nerveuse, fermé ses studios de cinéma en Suède. Il s’installera en Allemagne pendant des années.

Si le « moment Depardieu » en France ressemble au « moment Bergman » en Suède, il y a tout lieu d’être extrêmement optimiste. Tout comme Ingmar Bergman avait été le révélateur de ce qui ne fonctionnait pas dans son pays, on pourra peut-être un jour remercier Gérard Depardieu d’avoir pris la décision de s’installer en Belgique pendant quelques années.

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