Comme l’analyse le journaliste Thierry Desjardins, certains affirment que l’histoire ne se répète jamais. D’autres, sans doute plus judicieux, font remarquer qu’il lui arrive bien souvent de repasser les mêmes plats. Nous avons ainsi aujourd’hui l’impression de revivre certaines scènes déjà vues, et que notre petite histoire politique ressasse inlassablement. En France, le rachat du Groupe Hersant Médias (GHM) par Bernard Tapie provoque autant de remous et suscite toujours autant d’émoi. Tapie a réussi son retour, il va devenir patron de presse, à la tête de La Provence, Nice-matin, Corse-matin. Les années 80 sont à la mode. Tapie revient à Marseille, comme au bon vieux temps de « nanar ».
Dans son livre intitulé La décennie, le grand cauchemar des années 80, paru aux éditions de La Découverte en 2006, François Cusset retraçait en treize étapes ce que nous ont légué « les années fric ». Années fric, années Tapie, années 80 sont devenues synonymes. Alors Tapie chantait le blues du businessman. Son franc-parler, son physique et sa force de conviction le font citer en exemple par les médias, qui l’élisent « Homme de l’Année » en 1984. Son succès dans les affaires n’est en tout cas contesté par personne à l’aube des années 1990. Galvanisé par son expérience dans le cyclisme, Bernard Tapie décide de tenter la même réussite dans le football. En 1986, il répond à l’invitation d’Edmonde Charles-Roux, veuve de l’ancien maire de Marseille Gaston Defferre, de reprendre l’Olympique de Marseille (OM), préfigurant son engagement politique marseillais, dès 1987, puis à l’échelle nationale, au travers son bref passage au ministère de la ville. Homme d’affaires symbole des années fric et frime, le retour de Bernard Tapie inquiète les socialistes marseillais, à l’approche des municipales de 2014.
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A l’époque, au ministère des finances, Pierre Bérégovoy, intimidé par l’arrogance des hauts-fonctionnaires du Trésor, donnait les clefs aux banquiers, tandis qu’à Bruxelles, un autre socialiste méritant, Jacques Delors, leur ouvrait en grand les chemins de l’argent mondialisé. L’argent n’avait jamais été aussi à la fête, depuis Guizot et Napoléon III. Près de trente ans plus tard, après les excès et les dégâts que l’on connaît, un autre gouvernement socialiste promettait de refermer la parenthèse dorée. François Hollande avait retrouvé, pour l’occasion, le souffle épique de François Mitterrand dans les années 70, au travers son fameux discours du Bourget contre la spéculation et la finance mondialisée. Mais le prosaïsme des années 80 avait rapidement pris le dessus. « I’m not dangerous », avait-il même glissé entre deux plaisanteries. La réforme bancaire – concoctée par le gouvernement -, a beau annoncé pompeusement « une régulation renforcée », c’est un martinet sans fil. Comme l’analyse Monsieur Zemmour, même les Anglais et les Américains sont plus exigeants et plus sourcilleux avec les activités spéculatives, c’est dire. Comme l’analyse toujours ce-dernier, il est vrai que ce sont les hauts fonctionnaires du Trésor, qui ont concocté cette loi, en lorgnant déjà sur le fauteuil doré, que leur ont préparé une de ces banques qu’ils étaient censés égorger. Les banquiers français peuvent dormir sur les deux oreilles. Aujourd’hui, sur les 8000 milliards d’euros de bilan des banques françaises, seulement 22 % sont prêtés à l’économie réelle.
Dans le même temps, Tapie joue avec son magot au comte de Monte-Cristo prenant sa revanche, sur tous ceux qui l’avaient envoyé en prison. Dans le célèbre roman de Dumas, il avait été enfermé dans une forteresse près du vieux port. Les businessmen rêvent toujours d’être des artistes. Les années 80 brillent de tous leurs feux. Comme d’habitude, la gauche se couche devant la finance, en faisant semblant de la menacer. « Les businessmen rêvent d’être des artistes. Et les artistes devenus des businessmen sourcilleux et avisés, vont planquer leur magot en Belgique…»
J. D.