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Les Revenants : Welcome to Twin Peaks, Haute-Savoie.

Publié le 27 décembre 2012 par Lauramaz @LauraMaz

Les RevenantsLa série française la plus attendue de l’année vient de se terminer et déjà le doute s’installe. Du casting à l’écriture en passant par la réalisation, Les Revenants frôle le sans-faute. A tel point que déjà certains parlent de révolution de la fiction française. Mais le dernier épisode de la saison a semé la confusion dans l’esprit des fans. Certes, la série de Fabrice Gobert est une réussite mais beaucoup se demande si elle ne risque pas de devenir le Lost français et contrairement à ce qu’on pourrait croire, c’est loin d’être un compliment.

Succès public et critique, Les Revenants est certes un événement mais elle ne doit pas faire oublier les excellentes productions de Canal + et France Télévisions, ces dernières années, qui ont réconcilié les fans de séries avec la fiction française et permis son succès. Engrenages, Braquo, Un Village Français, Les Hommes de l’Ombre pour ne citer qu’elles, sont autant d’exemples que nos auteurs ont autant de talent que les autres (on ne va pas se mentir, les Américains !) quand on leur en donne les moyens. Forts de ces succès les producteurs ont osé le glissement vers des thématiques moins conventionnelles que les flics ou la seconde guerre mondiale avec des séries comme Hard, Maison Close ou encore les Borgias, qui ont contribué à préparer les Français à un genre que la télévision n’avait (presque) jamais osé en prime-time : Le fantastique. En devenant la création française la plus regardée de l’histoire de Canal +, Les Revenants prouve que les Français sont prêts pour toutes les productions nationales si tant est qu’elles soient bien faites. Le pari ambitieux d’imposer une série « de genre » comme Les Revenants est réussi comme la série elle-même d’ailleurs. Seul ombre au tableau, l’épisode final, qui n’est pas à la hauteur de ses promesses.

Pourquoi les chamois flottent ? Dans une petite ville, coincée entre deux montagnes (des pics jumeaux ?) les morts reviennent et essaient de reprendre le cours de leur vie là où ils l’ont laissée. Dés les premières minutes du pilote on est saisi par son ambiance anxiogène qui nous rappelle Les Rivières Pourpres de Mathieu Kassovitz et son rythme lent, sa bande originale à la fois paisible et angoissante et son réalisme (si on oublie que les morts reviennent évidemment !) lui donne un côté Twin Peaks qui aurait dû nous alerter, a priori ça va pas aller très vite cette histoire. Mais qu’importe, on n’est pas pressé, le casting est excellent, la photo est sublime et l’histoire intrigante. Contrairement au 4400 qui racontait plus ou moins la même chose,  il ne s’agit pas ici de répondre aux questions pourquoi ou comment à grand renfort de FBI et d’effets spéciaux mais plutôt de comprendre comment ces gens ordinaires vont faire face à cette situation extraordinaire. Cet événement rouvre les blessures et révèlent les secrets enfouis de chacun. On est comme ça en France, on aime bien, bien connaître les gens avant de commencer, alors on nous raconte leur histoire, longtemps, très longtemps… Sauf qu’au bout d’un moment, maintenant qu’on les connaît bien et qu’on s’y est attaché plus ou moins, on aimerait bien savoir quand même, pourquoi ces braves gens sont revenus, comment l’un est mort, pourquoi l’eau baisse, comment elle s’est fait cette cicatrice, qui est mort, pourquoi les chamois flottent, qui est vivant ? Bref, on aimerait bien avancer un peu. Et surtout la filiation avec la série de David Lynch commence vraiment à nous inquiéter sur le dénouement. Le Lake Pub nous rappelle étrangement The Roadhouse et le diner (oui il y a un diner qui sert des burgers avec des serveuses habillés en bleu qui prennent les commandes avec des petits crayons jaunes, comme dans n’importe quelle ville savoyarde) ressemble à s’y méprendre au Double R.  Chaque épisode se termine sur un cliffhanger qui amène une nouvelle question et ouvre une nouvelle voie mais de réponse, toujours pas. Si à mi-saison, on avait encore envie de croire que cette histoire allait quelque part, force est de constater, au vu du final que les auteurs nous ont mené en bateau sur le lac d’Annecy. Si ABC n’avait pas intimé l’ordre à David Lynch de révéler le nom du meurtrier, personne n’aurait jamais su qui avait tué Laura Palmer. Le réalisateur n’en avait lui-même aucune idée en commençant à écrire. Et on a bien l’impression que comme pour Twin Peaks, les auteurs se laissent porter par de bonnes idées et espérant qu’elles les amènent quelque part. Malheureusement, Twin Peaks est l’exception à la règle pour une raison simple : C’est David Lynch qui l’a écrite ! Qui peut honnêtement dire qu’il a tout compris à Mullholland Drive (qui est  l’origine un pilote de série) ou Lost Highway ? Son œuvre entière est construite sur le principe que chacun peut y voir ce qu’il a envie et comprendre ce qu’il veut, lui se contente créer un univers qui porte le spectateur au gré de son imagination. Twin Peaks s’adresse avant tout aux cinéphiles ce qui explique sans doute son absence d’audience, son annulation et son statut de série culte. Mais n’est pas Lynch qui veut et la série a plus de 20 ans. Les créateurs des Revenants n’ont sans doute pas mesuré les attentes d’un public de plus en plus exigeant et de plus en plus difficile à surprendre, dont la culture série est désormais bien plus vaste.

C’était pourtant bien parti. C’est sans doute le succès et la promesse d’une deuxième saison qui sont, en partie, responsables de ce final sans saveur. La structure narrative des Revenants repose sur plusieurs saisons et pas une. Ce n’est pas un drame en soi et plutôt normal pour une série. En revanche ce qui l’est moins, c’est de n’apporter aucune réponse et de ne clore aucune des intrigues secondaires avant d’ouvrir la porte à de nouvelles questions. Il n’y a pas de vrai cliffhanger, puisqu’il n’y pas de conclusion, le dernier épisode ne crée pas un sentiment d’attente mais de frustration. Sans bien sûr révéler le fin mot de l’histoire (si tant est que quelqu’un le connaisse, ce dont on doute quand même un peu), aucune des histoires secondaires pourtant nombreuses ne trouvent de fin. Sans compter que si jusque-là, Les Revenants avait réussi à éviter les clichés sur les zombies, les derniers épisodes nous les servent tous d’un coup. Oui, le mort-vivant marche lentement et en groupe, il se décompose un peu et ne peut pas s’empêcher de faire peur aux vivants qui sont obligés de se barricader dans des lieux vitrés. L’enfant bizarre (pour faire peur il faut toujours un gosse bizarre) et la femme enceinte (ah bah oui si personne n’est enceinte c’est nul) sont la clé. Et que serait une histoire de morts-vivants sans une bonne poursuite dans les bois ?

Des Disparus au Revenants. L’impossibilité pour les habitants de quitter la ville ou la présence d’un personnage qui semble comprendre tous les évènements, nous amène évidemment à penser à Lost. En multipliant les mystères sans en résoudre aucun, Les Revenants risque de s’embourber dans un scénario trop complexe et trop ambitieux comme celui qui a causé la perte de la série de J.J. Abrams. Car à trop vouloir durer et stimuler l’imagination du public, les fans deviennent plus créatifs que les auteurs eux-mêmes et donc forcément frustrés lors de la révélation finale. Quand J.J. Abrams nous a dit savoir exactement où il allait, il ne mentait sans doute pas, mais les voies ouvertes pour faire durer la série n’avaient sans doute pas été prévues dans le scénario original. Quand les audiences, toujours en baisse, l’ont forcé à conclure, il a proposé la fin qu’il avait prévue, 6 ans auparavant mais elle n’était plus à la hauteur des attentes que la série avait suscitées. Comme toutes les séries trop attendues Les Revenants ne pouvait que décevoir un peu. Bon en même temps vous noterez qu’il vaut mieux avoir les défauts de Lost que les qualités de Joséphine Ange Gardien. C’est sur sa conclusion qu’on juge une bonne série donc nous avons encore un peu de temps puisqu’il faudra attendre 2014 pour le retour des Revenants.



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