Ce n'est pas une manoeuvre de la droite, majoritaire au sein du Conseil. Ce soupçon se retrouve pourtant dans les critiques exprimées par des blogueurs partisans du Front de gauche ou dans les colonnes de l'Humanité: « Budget 2013: le Conseil constitutionnel au secours des très riches ». Les mêmes applaudissaient que leurs élus aient récusé le volet fiscal de la même loi de finances qu'ils jugeaient trop indulgent pour les plus fortunés. Voici le Conseil constitutionnel qui trouve au contraire que le gouvernement a eu la main trop lourde.
Il est facile de considérer que c'est une manoeuvre politique. Cela ne mange pas de pain, c'est invérifiable, et, de surcroît, ça exonère de beaucoup d'effort.
Primo, le Conseil a censuré des dispositions mal ficelées. Notre confrère Politeeks explique très bien pourquoi certaines dispositions devaient être améliorées pour passer le cap.
Secundo, s'il est difficile de mesurer avec précision l'impact de la censure du Conseil Constitutionnel, on est quasiment assuré que l'essentiel des impositions supplémentaires est préservé. En particulier, le durcissement réel et massif des niches fiscales par foyer (10.000 euros par an au lieu de 18.000 et 4% du revenu) a même été ... durci.
Tertio, le Conseil a aussi censuré toutes les impositions symboliquement les plus lourdes. On peut regretter la chose. Mais la décision devrait interroger les dirigeants du Front de Gauche qui espéraient davantage de taxations. Souvenez-vous du « au-dessus de 300.000 euros, je prends tout ! » clamé par Jean-Luc Mélenchon pendant la campagne.
S'il parvenait au pouvoir, devra-t-il dissoudre le Conseil Constitutionnel ?
1. L'imposition exceptionnelle à 75% des revenus supérieurs à un million d'euros aurait dû être consolidée au niveau des ménages et non des individus. C'est beta. Ayrault a promis de corriger. Il était temps. A la clé, la mesure devait rapporter 210 millions d'euros.
2. L'imposition des retraites chapeaux à plus de 75% est trop élevée (elle « fait peser sur les retraités concernés une charge excessive au regard de cette faculté contributive contraire à l'égalité devant les charges publiques »). Le Conseil la plafonne à 68%, soit une baisse de 7 points.
3. L'imposition des dividendes au barème de l'impôt sur le revenu ne peut être rétroactive.
4. De même, le taux d'imposition sur les bons anonymes porté de 75,5 % à 90,5 % est jugé confiscatoire.
5. L'imposition marginale des gains et avantages tirés des stock−options et des actions gratuites attribuées à compter du 28 septembre 2012 pouvait atteindre 77% (versus 72% avant la loi), un niveau jugé trop élevé.
6. Même sanction pour l'imposition des plus−values immobilières sur les terrains à bâtir qui pouvait atteindre 82% en marginal.
7. La niche fiscale corse qui exemptait de droits de succession la transmission d'immeubles sur le territoire a été supprimée.
8. Deux autres niches fiscales (les SOFICA et les investissements outre-mer) n'étaient soumises qu'au plafond de 4% des revenus du foyers (et non le plafond fixe de 10.000 euros annuel par ménage), une disposition inégale et censurée par le Conseil.
9. Le Conseil a récusé le calcul du plafonnement de l'impôt sur la fortune, notamment l'intégration des revenus ou bénéfices capitalisés, «que le contribuable n'a pas réalisés ou dont il ne dispose pas».
10. Le Conseil a censuré, pour la forme, diverses dispositions « n'ayant pas leur place en loi de finances ». Sur ce point, rien de grave, il faut se remettre à l'ouvrage.
Finalement, l'introduction du communiqué de presse du Conseil Constitutionnel est sans doute la meilleure des conclusions: « Le Conseil constitutionnel n'a jugé aucune (des) trois orientations de fond de la loi de finances pour 2013 contraire à la Constitution »: (1) l'augmentation significative des prélèvements obligatoires (une trentaine de milliards d'euros); (2) la soumission des revenus du capital au barème de l'impôt sur le revenu, ces revenus étant désormais davantage taxés que les revenus d'activité; (3) l'accroissement du nombre de tranches et le rehaussement des taux de l'impôt sur la fortune, « rapprochant ce dernier de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en vigueur jusqu'en 2011 ».
A suivre
Lire le communiqué de presse.
