Juste avant la fin de l’année, les Syriens « installés » (si on peut l’écrire ainsi…) dans les camps de réfugiés en Turquie ont reçu la visite, très médiatisée, du Premier ministre, Recep Tayyip Erdoğan, accompagné de son épouse et de Moaz al-Khatib, l’homme devenu, à l’issue d’une réunion tenue à Doha à la mi-novembre, le président officiel de la Coalition nationale des forces de l’opposition et de la révolution (à lire dans la fort sérieuses revue nord-américaine Foreign Policy, un portrait de cet Islamist-in-Chief, fort peu repris par la presse française)….
Voisin de palier sur la plate-forme Hypothèses, Jean Marcou, spécialiste de la Turquie, consacre son dernier billet de l’année à cet événement, en rappelant le nombre effarant des personnes déplacées : 150 000 réfugiés officiels, sans doute plus de 200 000 en tout, rien que chez le voisin nord de la Syrie. Se faisant manifestement l’écho de la vision turque de la situation quand il évoque les forces rebelles qui gagnent du terrain tandis que se profilerait une bataille dramatique à Damas où « 100 000 soldats fidèles au régime [sont] retranchés dans la ville », l’Observatoire de la vie politique turque évoque les rumeurs de plus en plus insistantes au sujet de discussions en cours pour une solution négociée, discussions qui achopperaient sur la destinée politique réservée à Bachar el-Assad…
Pour ceux qui en doutaient encore, les actuelles tractations sont bien la preuve que la crise syrienne n’est plus une affaire locale et que son dénouement passe désormais par un accord entre les nombreuses puissances engagées dans cette affaire. Que souhaiter d’autre aux Syriens en ce début d’année, si ce n’est que les marchandages entre les intérêts des uns et des autres se règlent assez vite pour que le pays ait encore une chance de survivre au drame qu’il traverse ?…
En arabe, les cordons qui tiennent en place la keffieh sur la tête se nomment 3iqâl, mot à mot « les entraves » du keffieh, en quelque sorte ce qui empêche l’esprit de s’égayer, voire de battre la campagne. C’est la même racine qui, avec juste une interversion des voyelles, donne l’adjectif 3âqil, celui qui est raisonnable, sage.
Faisons donc des vœux en ce premier jour de l’année pour que le 3iqâl d’ Erdoğan l’aide à retrouver la voie de la sagesse, et avec lui tous les protagonistes, locaux et étrangers, d’un conflit qui, manifestement, a aujourd’hui échappé à toute raison (3aql).