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Pas de cadeau (comme une suite à la question sur le jour de l’an)

Par Montaigne0860

Le temps ne connaît aucune trêve et donc nous fabriquons avidement des moments monuments, anniversaires, 14 juillet ou son équivalent déprimé du 11 novembre, dates des morts, et nouvel an évidemment. Ce dernier est étroitement lié à noël, lors de la renaissance du jour : les étrennes sont des dons que l’on fait passer par le père noël pour que les enfants n’éprouvent pas la culpabilité des cadeaux achetés par les parents. L’invention du père noël est récente. Le don aux enfants à la fin de l’année est très ancien. La religion l’a récupéré sous la forme des rois mages qui offrent des parfums à Jésus.

Pascal Quignard encore (« Les Paradisiaques », P. 97 et suivantes) : « Strenae est un vieux mot sabin. Suétone dit que ces petits dons étaient de bon augure pour commencer l’année. Il s’agit donc d’un sacrifice qui cherche à étrenner le temps à l’aide de petits cadeaux afin d’attirer les jours dans le neuf et d’empêcher la régression temporelle et la réitération de l’hiver… Les étrennes étaient aussi appelées dons de l’Avent. Avent n’est pas un mot descriptif mais énergique. Adventus est actif : qui fait arriver, qui pousse l’année, qui fait advenir les pousses. »

On voit que ce don ouvre avec optimisme sur l’année nouvelle et s’il m’est arrivé de n’avoir parfois aucun cadeau à noël, ce n’était pas cruauté consciente de mes parents, mais seulement l’idée ancrée en eux qu’il n’y avait rien à espérer de la vie. Ils avaient connu la guerre civile ; la dépression mondiale 1940-1945 résonnait en eux comme une vibration sourde, irrépressible. Et pourtant ils me firent un don : la vie.

C’est ce don qui est répété autour de la nouvelle année avec  la lumière qui revient. Offrir des cadeaux aux enfants, c’est leur rechanter ce don que les parents se firent dans le lit conjugal. Sans doute mes parents n’avaient-ils pas eu la chance d’éprouver quelque joie de vivre et leur désabusement se traduisit parfois par des chaussons vides, ou plutôt ces années-là nous ne mettions pas de souliers au pied de la crèche ou du sapin, ainsi aucune déception.

Étrenner, c’est mettre un vêtement neuf, essayer une nouvelle peau, se réjouir d’un cadeau qui a sans doute pour nom premier « naissance ». Si la vie ne fait pas de cadeau, ainsi que j’ai pu le vivre, il est difficile de remonter la pente, de croire en la vie. On y parvient cependant peut-être plus librement que si l’on a été doté de cadeaux princiers : chaque jour est un jour de l’an (ce qui est la vérité) et donner, offrir, m’a toujours paru une évidence. À mes yeux le jour de l’an précédé des étrennes n’est qu’un cas particulier d’une attitude générale qui consiste à donner. Recevoir – sauf à la boxe – n’est pas si délicat que les moralistes nous le font accroire. Il suffit de tendre la main. C’est donner qui est la seule attitude possible. Donner c’est donner de la voix, donner à rêver, donner à penser, donner des sourires, donner à être au milieu du monde pour le chanter encore. Le reste n’est que dogme pour les pauvres d’esprit.


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