J'entends souvent une réponse qui me frappe quand je marque mon désaccord avec une opinion ou une mesure qui se veut majoritaire : parce qu'elle est majoritaire elle serait la vérité révélée ou encore elle justifierait d'opprimer l'individu en lui imposant l'ordre de la majorité.
J'avoue que cet argument ne laisse pas de me faire bondir. Je crois qu'il y a là la principale ligne de fracture entre la démocratie libérale et la démocratie socialiste. La démocratie libérale a comme principal souci de défendre avant tout chose les droits naturels imprescriptibles de chaque individu, pas de représenter la moitié du corps social plus une personne.
Il existe bien sûr des biens supérieurs non parce qu'ils servent les desseins de l'État mais parce qu'ils profitent à chaque individu : la liberté, la sécurité, par exemple.
Mais pour le reste, je demeure sceptique. Même la solidarité que l'on brandit dans tous les discours, souvent synonyme d'impôts nouveaux devrait au fond relever de l'éthique personnelle.
Quand l'État me prend mon argent pour le redistribuer il m'impose de donner le fruit de mon travail à des gens que je ne connais pas et parmi lesquels je pourrais bien compter nombre d'individus auxquels je ne souhaite faire grâce de rien.
J'aimerais choisir qui j'aide, quelles causes je soutiens, pas que ce soit un État et a fortiori une "majorité" qui me l'impose au nom de la "solidarité.
Si au moins on pouvait choisir, sur sa feuille d'impôts ne seraient-ce que les secteurs que l'on souhaite favoriser il y aurait un (très) léger progrès dans le sens du respect de chaque choix individuel mais à l'heure actuelle nous sommes dans des fers fiscaux qui ne respectent rien de nos choix personnels.
Parmi les biens supérieurs, certains paraissent évidents, d'autres moins : la démographie d'un État est une condition sine qua non de sa survie comme peuple. On peut donc comprendre qu'il fasse l'objet d'une politique fiscale générale. Bien sûr, de tels choix empiètent sur le choix de vie de chacun, mais si une nation s'éteint faute de citoyens, tous en paieront les conséquences sans exception.
Mon grand-père, libéral qui s'ignorait, me disait souvent que je me coucherais dans le lit que j'aurais laissé au petit matin, après le lever. Froissé si je n'avais pris le temps de le refaire, bordé et lisse si j'en avais fait l'effort.
Renvoyer la générosité aux choix individuels c'est en finir avec l'hypocrisie d'une morale d'État qui ne procède que par contraintes.
Ceci ne signifie pas qu'il soit interdit à l'État de mettre en place des dispositifs (vois, cher lecteur, comme je diffère des libéraux sur ce point), mais il ne devrait pas se donner le droit de contraindre les individus à s'en servir, fût-ce au nom du choix d'une majorité.
Nos élections ont vocation à nous donner des représentants pas à donner à certains tous pouvoirs popur faire faire à plusieurs d'entre nous ce que nous ne voulons pas faire...
Bref, la démocratie, ce n'est pas la guerre inexpiable d'une majorité contre sa minorité...
