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Fiscal cliff : Reculer pour mieux sauter

Publié le 03 janvier 2013 par Copeau @Contrepoints

Fidèles à leur nature, les politiciens ont décidé de repousser les problèmes, et les décisions difficiles.
Par David Descôteaux, depuis Montréal, Québec.

Fiscal cliff : Reculer pour mieux sauter

Le roman-savon du « mur budgétaire » américain vient de se terminer… Il était temps ! Seul problème : la « saison 2 » va commencer sur nos écrans d’ici deux mois.

Pourquoi ? Parce que dans le rayon « prévision politique », l’issue de cette saga était facile. Fidèles à leur nature, les politiciens ont décidé de repousser les problèmes, et les décisions difficiles.

Mes faits saillants :

— En gros, le Congrès augmente le taux d’imposition des Américains gagnant plus de 400.000$ par an (ou les ménages gagnant plus de 450.000$). Il met aussi fin à une baisse d’impôt sur les cotisations salariales des employés et employeurs. Ce qui pénalisera particulièrement les travailleurs américains de la classe moyenne (d’environ 1000$ par année, selon The Economist). Et les politiciens reportent à dans deux mois les discussions sur les coupures de dépenses.

— Avec ce deal, on espère aller chercher quelque 620 milliards $ de plus pour le gouvernement… sur dix ans. Des pinottes, quand on sait que pendant cette période, le déficit se creusera de 4000 milliards $ (comparé à la situation sans entente) selon le bureau du Budget du Congrès des États-Unis (CBO).

— Toujours selon le CBO, l’entente réduit les dépenses de 15 milliards $, alors qu’elle augmente les revenus fiscaux de 620 milliards $. Un ratio de 41 pour 1… Tout un compromis ! Et gardons en tête que le 15 milliards en coupures, dans le langage d’un politicien, ça veut dire que les dépenses vont augmenter… mais de 15 milliards $ de moins que prévu.

— En d’autres mots, on vient d’augmenter les impôts de tous les Américains… dans le futur. Car des déficits (de plus de 1000 milliards $ annuellement) représentent autant d’impôt et de taxes que les futurs contribuables auront à payer.

— Le gouvernement américain — un président démocrate à sa tête — vient de rendre les baisses d’impôts de George W. Bush… permanentes ! Ce n’est pas rien. C’était le vœu des républicains depuis longtemps. Les démocrates, qui aiment blâmer à peu près tous les problèmes budgétaires des États-Unis sur George W. Bush et ses baisses d’impôt, doivent avaler leur café de travers. Oui, les très riches Américains vont payer plus. Mais c’est une infime minorité de citoyens, et leur hausse demeure relativement légère (leur taux marginal passera de 35% à 39,6%). Avec quelques autres mesures fiscales, on espère aller chercher, au mieux, une soixantaine de milliards $ de plus par année. Pour mettre les choses en perspective, le déficit du gouvernement l’an dernier a été de 1200 milliards $…

— Tout ça pour quoi ? D’ici deux mois, tout ce beau monde recommencera à s’obstiner. Ce sera l’heure de s’entendre sur les élusives coupures de dépenses à venir. Et sur le relèvement ou non du plafond de la dette, qui vient de crever encore son plafond (de 16 394 milliards $). Préparez-vous à ce qu’on relève ce plafond, pour la 77e fois depuis 1962…

On « kick la canette » plus loin…

Cette entente n’implique aucune décision difficile, comme l’écrit le chroniqueur du NY Times David Brooks. Elle ne fait presque rien pour contrôler les dépenses. Elle abandonne toutes les idées de réformes visant à rendre viables les programmes sociaux comme Medicare ou les prestations de sécurité sociale, dont les coûts vont exploser dans les années qui viennent. Si le Congrès est incapable de prendre une seule décision difficile dans les circonstances actuelles, écrit le chroniqueur, pourquoi croirions-nous qu’il en prendra dans le futur ?

Soit le pays — incluant les électeurs, qui sont aussi responsables — ne comprend pas le fardeau que nous léguons à nos enfants, soit il s’en fout, conclut Brooks.

Sans surprise, la bourse s’est emballée mardi. Les investisseurs sont contents qu’on repousse les vraies décisions à plus tard. Qu’on donne au drogué une autre shot de morphine.

Pathétique.

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