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La tribune d’Ayrault aurait mérité meilleure presse

Publié le 08 janvier 2013 par Nicolas007bis

Tip et TapIl y a quelques jours, Jean-Marc Ayrault a publié une tribune dans Le Monde qui aurait, me semble t-il, mérité d’être un peu plus commentée et mieux considérée.

Certes on y retrouve un discours dans l’ensemble assez convenu et les incontournables thèmes de gauche comme la promotion de la solidarité, de l’égalité, de la laïcité ou encore la lutte contre la précarité et le chômage. On y trouve également l’apologie de la méthode Hollande qui peut se résumer en deux mots : concertation et négociation. Mais une fois ces poncifs rapidement dépassés, cette tribune marque une véritable et saine rupture dans le langage politique de la gauche.

Tout d’abord parce qu’à ma connaissance, c’est la première fois qu’un dirigeant socialiste au pouvoir exprime clairement la nécessité de « renouveler en profondeur le modèle français ». Je dirais même plus, comme dirait Dupont (ou Dupond je ne sais pas), je n’ai entendu ce type de propos de la bouche d’aucun premier ministre en exercice (sauf peut-être Chaban avec sa « Nouvelle société » mais j’étais trop jeune pour m’en souvenir).

Jusqu’à présent, le modèle français ou plus précisément le modèle social français, était intouchable. Hors de question pour un homme politique au pouvoir de le remettre ouvertement en cause sous peine de se voir considéré comme un gros réactionnaires antisocial. A plus forte raison pour un politique de gauche. Certes beaucoup d’économistes et de commentateurs de la vie publique avisés nous disent depuis longtemps que le modèle de nation-providence à crédit qui est le notre n’est plus viable, mais de la part d’un premier ministre, c’est une grande première.

Ensuite, parce que Jean-Marc Ayrault ne tombe pas, dans ce que j'appelle, le syndrome du bouc émissaire qui touche toute la classe politique à gauche comme à droite mais surtout à gauche. La crise, notre endettement pharaonique, nos exportations qui s'écroulent, notre croissance famélique ou notre chômage pléthorique, c'est évidemment de la faute des "autres". Les autres étant selon les jours et les tendances, les banques, les marchés, la mondialisation, les grandes entreprises, les riches, la Chine, les américains, l’Europe et j’en passe et des meilleures.

Or, en évoquant la crise économique et sociale, Jean-Marc Ayrault nous dit: « La tentation est grande d'en reporter la responsabilité sur autrui, d'accuser la libéralisation des échanges commerciaux et financiers, la concurrence des pays à bas coûts et les politiques conduites en Europe. » !

Et d'en conclure qu’il nous faut « remédier à nos propres faiblesses, et (…) mieux tirer parti de nos innombrables atouts ».

Voilà enfin un discours de responsabilisation. La situation dans laquelle nous nous trouvons n’est pas de la faute d’autrui, ce qui signifie que si nous nous sommes assez « clairvoyants pour identifier les causes de nos difficultés », nous pouvons l’améliorer.

Au passage d’ailleurs, il réaffirme très clairement, l’erreur que serait pour la France, le repli sur soi protectionniste préconisé par le Front de Gauche et par Montebourg.

Enfin, autre raison d’apprécier cette tribune décidément iconoclaste à plusieurs égards, c’est lorsque Jean-Marc Ayrault écrit noir sur blanc qu’il « nous faut d'abord repenser le rôle des pouvoirs publics » et lui de faire un constat encore inédit dans la bouche d’un socialiste : « (…) la dépense publique a perdu de son efficacité : elle est passée en cinq ans de 52 à plus de 56 % de la richesse nationale, sans que notre niveau de vie ait progressé. »

Fini le « toujours plus », cher aux tenant d’un Etat providence obèse et inefficace, réexaminons ce que doivent être les missions de l’Etat et des collectivités territoriales et adaptons les moyens mis à leur disposition à ses objectifs.

Comme évoqué en introduction, cette tribune n’a pas été bien mise en valeur, probablement du fait de la personnalité d’Ayrault et parce que les points importants ont été noyés dans un discours plus traditionnel. Pourtant, elle marque une rupture nette avec l’habituel langage de gauche et surtout avec celui d’une partie du PS, Montebourg en tête. On est bien loin de la plupart des discours du congrès de Toulouse.

Même si tout ces points peuvent apparaître à beaucoup comme autant d'évidences, et même si l'Europe y est expédiée bien trop rapidement, à travers cette tribune, l’exécutif a le mérite de se coltiner sans faux semblants et sans ambiguïtés volontaires, avec plusieurs gros tabous de gauche : le modèle social français, le rôle des pouvoirs publics, la mondialisation ou encore la nécessité de réduire les coûts de production des entreprises.
En fond, il exprime également sa prise de conscience que face aux bouleversements auxquels nous sommes confrontés, c’est tout le paradigme français qu’il faut reconsidérer.

C'est plutôt rassurant, il est seulement dommage que ce soit Ayrault et non pas Hollande qui ait exprimé tout cela. A ce propos, j’ose espérer que ce n’est pas, de la part de ce dernier, par crainte de mécontenter tels ou tels alliés ou supposés alliés politiques.


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