Magazine Société

Jean-Daniel Levy : « Début 2013, une France un peu moins pessimiste qu’un an avant »

Publié le 09 janvier 2013 par Délis

Depuis 2009, Harris Interactive interroge chaque fin de mois de décembre, pour RTL, un échantillon représentatif de Français. Ces enquêtes visent à « prendre le pouls » de l’opinion, à identifier le regard rétrospectif porté sur l’année passée et mettre au jour leurs projections dans l’avenir.

Celle menée cette année s’inscrit dans un contexte passablement morose :

  • Une élection de François Hollande n’ayant pas suscité de passion. Rappelons, à ce titre, que seuls 27% de ses électeurs de deuxième tour se déclaraient « enthousiastes » à l’idée de son élection[1] ; que 44% des Français anticipaient une dégradation de la situation de la France [31% une amélioration][2] ; que concernant leur vie personnelle, 23% des Français anticipaient une amélioration et 41%… une dégradation ;
  • Un climat économique atone. Les prévisions de l’INSEE – auxquelles les Français font confiance – pour l’année 2013 annonçant une quasi-absence de croissance au premier trimestre ;
  • Des annonces relatives au niveau d’emploi donnant à voir une croissance forte – et s’accélérant – du nombre de chômeurs en France.

Fin 2011, pour la première fois, une majorité absolue de Français (55%) se déclarait pessimiste concernant leur avenir personnel ou celui de leurs proches. Jusqu’à présent, nos concitoyens adoptaient une posture amenant à considérer la situation nationale comme difficile mais leur situation personnelle (en comparaison) comme « acceptable ». Du fait du contexte économique et politique maussade, nous aurions pu nous attendre à ce que la situation d’opinion se dégrade de nouveau en cette fin 2012. En effet, outre la situation exposée ci-avant, la confiance dans le couple exécutif a subi – au cours des ces derniers mois – une forte baisse pour atteindre, chez Harris Interactive, 39% pour François Hollande et 38% pour Jean-Marc Ayrault. Il n’en est rien. A tout le moins lorsque l’on analyse la situation globale. En parallèle, l’INSEE, faisait part d’un léger rebond de la confiance des ménages en décembre 2012 et une progression tendancielle au cours de l’année passée[3].

49% des Français (+5 points par rapport à l’année dernière) se déclarent optimistes concernant leur situation personnelle en 2013. Dans l’absolu le niveau d’optimisme apparaît relativement faible. En relatif constatons qu’il progresse. Cette évolution étant manifeste parmi les jeunes.

Le – léger – progrès de l’optimisme ne se traduit pas par une moindre assignation d’action à l’exécutif. Au contraire, invités à se prononcer sur chacun des domaines d’action du gouvernement, les Français considèrent avec une intensité bien plus forte cette année que l’an dernier, la plupart des sujets comme devant être prioritaires pour le gouvernement. Le « chômage », prioritaire pour 84% des Français (+7 points), le système social (73%, +7 points également), le pouvoir d’achat (69%, +4 points). On le voit les dimensions sociales sont nettement en « tête » des préoccupations des Français. Ce qui vient confirmer un certain nombre de représentations et sont la marque de constantes de l’opinion : le chômage constitue invariablement la première préoccupation des Français. Et ces derniers restent toujours fortement attachés au maintien (à la sauvegarde) de notre « modèle social ».

Cette étude vient témoigner du souhait fort des Français (au moins dans son approche théorique) de voir l’Etat réduire déficits publics et dette (68%, +5 points)[4]. Elle atteste également de la création d’un lien plus fort que par le passé entre emploi et croissance économique. A ce titre, 70% des Français (+ 13 points) considèrent « la croissance économique » comme prioritaire. Cette évolution s’inscrit dans une forme de continuum. Rappelons que François Hollande en avait fait l’un de ses crédo tant dans le cadre de la primaire citoyenne qu’au cours de l’élection présidentielle ; rappelons que le rapport Gallois avait été accueilli favorablement par les Français[5] et que la compétitivité – présentée comme un des vecteurs de la croissance – était, dans son principe bien acceptée. Reste que cette compétitivité ne constituait que la douzième des motivations de vote des électeurs. Et, qu’à ce titre, l’évolution mesurée en cette fin d’année doit être considérée comme étant particulièrement forte.

Notons, pour compléter le tableau, deux points. Le premier : alors même que sur tous les sujets les Français considèrent les dossiers comme prioritaires, celui relatif aux inégalités sociales (à 47%), baisse de 5 points. Il s’agira d’une des dimensions à suivre. Actuellement cette baisse est essentiellement le fait du peuple de Gauche et des sympathisants frontistes. Au cours des années 2000, la Gauche avait perdu une frange de son électorat populaire autour de cette thématique (et d’une agglomération aide aux plus « démunis »/« assistanat »). Une partie des Français (notamment ceux disposant des plus faibles revenus issus de leur activité professionnelle) reprochait au gouvernement de l’époque une politique fiscalement trop avantageuse à l’égard des personnes n’exerçant pas d’activité.

Le second : les dossiers dits sociétaux. En aucun cas ceux-ci ne constituent, pour les Français une priorité. Sans préjuger de leurs effets politiques, il est indéniable – lorsque les interviewés rationalisent leurs attentes – que ces sujets sont loin de leurs priorités.

Assigner plus de missions à l’exécutif, est-ce pour autant considérer que la situation apparait de nature à pouvoir évoluer positivement au cours des mois à venir ? Pas nécessairement. En effet, les perspectives apparaissent ici également assez moroses. Ainsi 11% seulement des Français se déclarent optimistes quant à la situation du chômage en 2013. Certes ce regard progresse de 2 points en un an, mais la frange confiante de la population reste très faible. On observe les mêmes tendances stables ou légèrement à la hausse concernant « le pouvoir d’achat » (14%, +3 points), « la croissance économique » (15%, stable), « le système social » (17%, + 3), les « déficits publics, la dette » (18%, +5)…

Certains sujets sont vus, en revanche, cette année, avec nettement plus d’optimisme que l’an dernier à la même époque. Ainsi en est-il des thématiques européennes : 52% des Français affirment être confiants concernant « la sauvegarde de l’Euro » (+11 points) et, « la construction européenne » (38%, + 5). En décembre 2011, les Français affichaient un pessimisme nettement plus marqué. Ces dimensions sont, en cette rentrée, nettement moins anxiogènes pour les Français.

De même, la mise à l’agenda à travers des recrutements et la réforme des rythmes scolaires renforce l’optimisme des Français à l’égard de la politique en faveur de « l’éducation et de l’école » (40%, +14). Il s’agit là d’une évolution notable. Celle-ci apparait d’autant plus manifeste que la perspective de la création de 60 000 postes en cinq ans dans l’éducation nationale avait suscité des critiques fortes de la part de la Droite. Et qu’elle aurait pu, au regard des déficits publics, être considérée comme secondaire. Sur ce point, le lien entre moyens et efficacité politique semble toujours fonctionner.

L’on peut donc observer qu’en cette rentrée les Français sont un peu moins pessimistes que ce à quoi l’on aurait pu s’attendre. Il ne s’agit pas, loin s’en faut d’une situation que l’on pourrait qualifier d’optimiste. Reste que certains sujets notamment macro, apparaissent moins préoccupants que par le passé, ce aussi bien au niveau européen que – en dépit des prévisions annoncées – de croissance. François Hollande a fait de l’emploi son « cheval de bataille ». En ceci il est en cohérence avec les attentes des Français. Ceux-ci ne sont pas persuadés que la situation s’améliorera au cours des douze prochains mois. Rien n’indique qu’au final le Président – ou l’exécutif – seront jugés sur ce seul point. Début 2009, alors même que la France voyait croitre le nombre de ses chômeurs le couple exécutif (Nicolas Sarkozy/François Fillon) retrouvait une partie des faveurs des Français, dans un contexte marqué par la présidence française de l’union européenne, le G20 de Londres et les commémorations du débarquement de Normandie.


[1] Sondage Harris Interactive/Viadeo pour M6. Enquête réalisée en ligne dimanche 6 mai 2012 en journée. Echantillon représentatif de 2597 personnes inscrites sur les listes électorales, issu d’un échantillon de 2913 individus représentatifs de la population française âgée de 18 ans et plus.

[2] Sondage Harris Interactive/Viadeo pour M6. Enquête réalisée en ligne du dimanche 06 mai 2012 de 20h05 à 22h à l’issue du résultat de l’élection présidentielle. Echantillon de 1086 inscrits sur les listes électorales, issu d’un échantillon de 1167 individus représentatifs la population française âgée de 18 ans et plus.

[3] http://www.insee.fr/fr/themes/info-rapide.asp?id=20&date=20121227

[4] Rappelons que « la lutte contre les déficits, la dette » a constitué la deuxième motivation de vote des électeurs juste après… l’emploi. Sondage Harris Interactive/Viadeo pour M6. Enquête réalisée en ligne dimanche 22 avril 2012 en journée.  Echantillon de 2935 inscrits sur les listes électorales, issu d’un échantillon représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.

[5] Sondage Harris Interactive pour Le Figaro. Enquête réalisée en ligne du 6 novembre 2012, après l’intervention télévisée de Jean-Marc Ayrault sur TF1, au 8 novembre 2012. Echantillon de 1 562 individus représentatifs de la population française âgée de 18 ans et plus.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Délis 5050 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine