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Tibet (14) Col Tsurphu-la 5150 m

Publié le 06 avril 2008 par Argoul

Au dîner, serrés dans la tente mess autour des plats fumant en raison du froid qui règne à cette altitude, Véronique nous raconte une belle histoire. Après Gérard et son passé, Véronique expose son avenir désiré. D’ici quatre ans, une fois assez d’argent ramassé, elle quittera son emploi actuel de VRP en instruments chirurgicaux pour revenir dans la ferme familiale qu’elle entreprend de restaurer étape par étape, près de Saint-Cirq Lapopie dans le Lot. Elle en a déjà financé la remise à neuf d’un tiers. Elle veut neuf chambres et créer une ferme-auberge. Elle a planté son verger, compte élever des poules, d’autres animaux comestibles, et des enfants pour égayer le tout. Elle veut vivre du tourisme vert et des produits du terroir. Elle y sera chez elle, parmi les gens qui l’ont connue toute petite et près de sa famille. Comme sa mère et sa grand-mère, elle « a le don » : à l’aide d’une baguette de coudrier elle vous trouve une source en moins de deux ! Sa table d’hôte est déjà prête, longue « de deux mètres quatre vingt douze » et prévue pour douze personnes à la fois. Elle est taillée dans un vieux chêne de la propriété. Il lui manque cependant le principal… un homme avec qui partager sa vie et fabriquer les enfants. Une telle rencontre ne se planifie pas aussi facilement que le reste. Mais l’histoire est tellement belle que nous lui souhaitons tout le bonheur possible et la réalisation de tous ses souhaits si simples, si humains. Un peu régressifs, mais c’est l’époque et le pays vieux qui imprègne.

Il fait si froid dans la nuit que le duvet est bienvenu. Enveloppé dedans comme dans un cocon, seul le visage reste à l’air. Je me réchauffe très vite à ma propre chaleur. Sous la tente spacieuse mais pas trop – prévue pour trois nous n’y dormons qu’à deux et nous pouvons donc ranger nos sacs à l’intérieur – nous sommes protégés du vent par la double paroi. Toutes nos affaires à portée de la main, nous avons l’impression de faire l’œuf, isolés dans une nature indifférente.

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Le lendemain, nous passons l’un des plus hauts cols du trek, le Tsurphu-la, à 5150m.

Nous appréhendions un peu ce passage, si élevé pour nos constitutions. Mais nous avons déjà dormi à 4700 m et le dénivelé restant n’était pas si élevé à grimper. Chaque jour qui passe nous voit un peu mieux acclimatés. Dans notre montée, le soleil éclaire progressivement les montagnes alentour. Le sol, givré au départ, se détend petit à petit. On enlève les grosses vestes, puis les pulls polaires pour rester en chemises ou en ces tee-shirts synthétiques faits pour la montagne. Le ciel est bleu, seuls quelques petits cumulus se dessinent sur les crêtes. Nous avons un ciel pur pour passer le col. Après une grimpée assez longue, nous marchons à flanc de pente un moment.

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Le paysage est minéral mais de nombreuses fleurs poussent à ras de terre, bien cachées : des pavots de l’Himalaya, des potentilles et bien d’autres. Michel est souvent à plat ventre pour prendre des macrophotos de ces êtres végétatifs mais vivants. D’autres êtres vivants descendent vers nous et nous croisent avec un signe de tête, deux Tibétaines colorées et chapeautées montées sur des mules.

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Un virage à gauche, des cairns successifs rythmant la voie, le col est déjà là avec les premiers arrivés au sommet qui fixent déjà sur la pellicule les drapeaux de prières et font des signes d’encouragement. 5150 m est une altitude inédite, un événement plutôt rare dans nos existences d’Européens. Chacun se veut immortalisé en photo face au paysage. Nous avons le visage brûlé par le soleil et les traits fatigués mais nous y sommes. On aperçoit du col un pic couvert de neige : c’est le Chomoganga qui dresse son sommet à plus de 7000 m. Véronique dispose ici, aux côtés des drapeaux de prières déjà en place, divers foulards que lui ont confié ses amis pour cette occasion. Superstition ? On retrouve en tout cas en Occident un certain art du symbole.

Nous pique-niquons sous le col d’une soupe chaude aux nouilles, cuisinée par nos aides sur des réchauds à fuel déchargés des mules. On ajoute du saucisson, du fromage, des olives, des cornichons et du pain en tranches venu de France. Nous sommes déjà fatigués et la digestion exige de l’énergie. Le bon soleil est tentateur et attire la torpeur. Nous faisons la sieste au bas du cairn qui marque le col, protégés du vent, emmitouflés contre les rayons solaires. Je dors franchement un bon moment.

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La descente vers l’au-delà est facile, mais nous paraît un peu longue en raison de notre fatigue. Nous dressons le campement dans une vallée où se rassemblent les ruisselets venus des crêtes, coulant entre les mottes de tourbe. Quelques enclos de nomades sont disséminés de ci delà dans le paysage, signalés par des aboiements de molosses. Un Tibétain aux cheveux longs se lave la tête dans le ruisseau le plus proche. Il accepte – contre quelque rétribution – nos tentes dans son enclos. Leur montage est laborieux car l’altitude nous épuise. Une jolie chèvre du Tibet est l’animal favori de notre hôte. Elle a la taille d’une antilope, gracile sur ses pattes, une robe gris-ocre et un museau caprin. Elle bêle comme toute chèvre qui se respecte et tente – c’est mignon – de grimper systématiquement sur tout ce qui se dresse, muret de pierres ou tentes de toile. Le coton souple et tendu la rejette au sol à son grand étonnement et la fait glisser au bas. Elle essaie plusieurs fois, étonnée, mais cela ne marche pas. Aujourd’hui, je fais la sieste de quatre heures et prends mon thé dans le duvet. Nous sommes encore à près de 4900 m !
 
Au matin, le temps est beau et, malgré le froid qui persiste jusqu’à ce que le soleil manifeste durablement son influence, nous prenons le petit-déjeuner au soleil. Nous ne sommes pas très en forme, fatigués de la grimpée d’hier et de l’altitude éprouvante.

A Ecouter : l’émission Rendez-vous avec X sur le Tibet


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