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Ghana, le royaume de l'or par Jean Christophe Huet

Publié le 10 janvier 2013 par Busuainn_ezilebay @BusuaInn_Ezile
lu sur le site de Clio
Le Ghana, royaume de l'or Jean-Christophe Huet Docteur de l'université de Paris IV-Sorbonne Membre de la Société des africanistes Ancienne colonie britannique, le Ghana a abandonné sa dénomination de Gold Coast – Côte-de-l'Or – pour prendre à l'indépendance son nom actuel. Son territoire a la forme d'un rectangle dont un des côtés ouvre sur le golfe de Guinée par une façade maritime longue de quatre cents kilomètres environ. Ses voisins sont à l'est le Togo, au nord le Burkina Faso et à l'ouest la Côte-d'Ivoire, dont la capitale Abidjan est à moins de deux cents kilomètres de la frontière. Pour mieux comprendre l'originalité de cette grande enclave anglophone au sein des territoires de l'ancienne A.O.F., nous avons interrogé Jean-Christophe Huet auteur de nombreux ouvrages sur l'Afrique.


Le nom de Ghana évoque un empire prestigieux…

C'est un faux ami ! À l'indépendance, le pays a emprunté pour des raisons purement politiques le nom d'un empire africain qui s'étendait, au moment de son apogée au XIe siècle, entre la moyenne vallée du fleuve Sénégal et la boucle du Niger. C'est dire qu'il était bien éloigné du Ghana actuel. Mais, pour le premier président de la République ghanéenne, Kwame Nkrumah, l'Afrique en recouvrant son indépendance avait besoin de rétablir des liens avec son passé. Et ce, quitte à provoquer certains rapprochements un peu hasardeux historiquement…
La Côte-de-l'Or n'avait-elle pas connu de grands royaumes ?
Au contraire, c'est sans doute l'un des pays d'Afrique qui possède le plus riche passé. Le site archéologique de Kintampo témoigne des débuts de l'agriculture et de l'élevage, dès le IIe millénaire avant notre ère. Plus tard, la confluence des vallées de la Volta noire et de la Volta blanche est au carrefour des voies commerciales qui conduisent vers le Mali et le pays Haoussa. L'extraction et le commerce de l'or vont avoir une importance capitale dans le développement des royaumes Akan à partir du XIVe siècle. C'est au sein de ceux-ci que se développera, autour de Kumasi, le puissant royaume ashanti.
Comment s'est constitué ce royaume ?
L'origine des populations Ashanti reste très discutée. Quoi qu'il en soit, Kumasi et certaines villes situées à proximité sont sans doute fondées au début du XVIIe siècle dans le but de contrôler les voies commerciales par lesquelles l'or et les noix de cola, qui viennent du sud, sont acheminés vers les régions soudano-sahéliennes, situées plus au nord. Les liens politiques entre ces cités sont tout d'abord assez lâches mais, à la fin du XVIIe siècle, le chef de Kumasi, Osei Tutu, réussit à les organiser en une puissante confédération dont il prend la tête. L'union se fait autour d'un objet symbolique et magique, le Siège d'or, qui donne son autorité spirituelle au nouveau souverain, l'asantehene ou chef des Ashanti.
Miraculeusement descendu du ciel sur les genoux d'Osei Tutu, grâce à l'intervention du grand prêtre Okomfo Anokye, le Siège d'or n'est pas un trône : nul ne peut s'y asseoir, pas même le roi. L'asantehene n'est que le gardien de ce qui constitue véritablement le symbole national ashanti. Cette nouvelle confédération forme une armée qui va conquérir les peuples voisins puis l'État de Denkyera, dont les Ashanti avaient été auparavant les sujets. Au maximum du leur puissance, au début du XIXe siècle, les Ashanti contrôlent un territoire qui couvre les deux tiers de l'actuel Ghana, l'ouest du Togo et l'est de la Côte-d'Ivoire. Cet État ne fut véritablement menacé que par l'arrivée des Européens. Une longue série de guerres avec les Britanniques commence en 1807 et ne se terminera qu'avec la défaite de 1901. L'Ashanti est alors proclamé colonie de la Couronne britannique.
Que reste-t-il de ce passé ?
Le premier anglais à visiter Kumasi, Thomas Edward Bowdich, nous en a laissé une description précise dans son récit Voyage dans le pays d'Achantie publié en 1819. Malheureusement, les expéditions militaires britanniques causèrent de multiples destructions : en 1874, la ville fut en grande partie détruite et le trésor royal pillé ; en 1895, le Barem, le mausolée des souverains ashanti, fut brûlé… Toutefois, l'architecture traditionnelle n'a pas disparu. Autour de Kumasi, de petits temples dédiés aux abosom (divinités secondaires) ont continué à être entretenus. Si leur taille est modeste, la beauté de leur décor mural est remarquable : motifs géométriques proches de ceux que l'on trouve sur les tissus imprimés adinkra ou sur les poids à peser la poudre d'or, mais aussi personnages, crocodiles, poissons, oiseaux, figurés en bas-relief. Ces monuments, pour certains d'entre eux récemment restaurés, permettent d'avoir une bonne idée de ce que fut l'architecture ashanti au XIXe siècle.
Le Ghana possède-t-il d'autres monuments ?
Entre les XVe et XVIIIe siècles, les Européens ont construit sur le littoral du Ghana quelque quatre-vingts forts et châteaux, dont une vingtaine est encore très bien conservée. En 1482, les Portugais fondent le fort Saint-Georges-de-la-Mine (aujourd'hui Elmina) afin de protéger les riches terres aurifères découvertes onze ans auparavant. Ils sont suivis par les Hollandais, les Danois, les Anglais qui veulent contrôler cette côte où le commerce de l'or est progressivement supplanté par celui des esclaves. Si les premiers châteaux, encore médiévaux d'aspect, ne sont pas sans évoquer ceux construits par les croisés au Moyen-Orient, ils sont peu à peu remplacés par des édifices de grande taille conçus pour la traite négrière : le château de Cape Coast pouvait contenir plus de mille esclaves en attente d'embarquement. Ils étaient défendus par d'impressionnantes rangées de canons, destinés à les protéger non des Africains mais des autres puissances européennes…
Outre tous ces monuments, qu'est-ce qui peut motiver un voyage au Ghana ?
Comme souvent en Afrique, l'essentiel réside dans la découverte des populations, d'une extraordinaire gentillesse, et de leurs coutumes : l'étrangeté des rites vaudous, la noblesse des grandes cérémonies de funérailles en pays ashanti, mais aussi la visite d'un simple marché ou bien encore la vision des pêcheurs rentrant dans le port d'Elmina quand le château est éclairé par le soleil couchant…
Jean-Christophe Huet

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