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Les indignés de l'économie de demain

Publié le 11 janvier 2013 par Copeau @Contrepoints

Les bouleversements à venir dans l'économie de demain seront considérables. S'en indigner est la mauvaise posture à adopter.

Par Fabio Rafael Fiallo.

Les indignés de l'économie de demain
Le personnage de Don Quichotte reste associé à l’image de ce prétendu chevalier muni de bouclier, lance et épée, et prêt à se battre contre des moulins à vent. Une telle représentation correspond en fait au trait essentiel que Cervantès voulut insuffler à sa créature, à savoir : quelqu’un fasciné par une culture chevaleresque dépassée, inadaptée à un monde en pleine mutation technologique, comme l’était le Moyen Âge finissant tel que décrit par l’historien Jean Gimpel dans son ouvrage La Révolution industrielle du Moyen Âge. À la fin du roman, Don Quichotte rentre bredouille dans son foyer, alors que les moulins à vent – symboles des changements technologiques – continuent à proliférer.

Un combat semblable sera mené au 19e siècle, non pas contre des moulins à vent, mais à l’égard de la Révolution industrielle et ses conséquences sociales. Cette fois-ci, la lutte sera incarnée par un penseur en chair et en os, muni d’un programme politique aux prétentions scientifiques : Karl Marx.

Pour Marx, le capitalisme n’était plus un moteur de progrès économique et serait englouti par une crise finale qu’il voyait toute proche.

L’échec de la critique marxiste du capitalisme n’aura pas été moins cuisant que celui de la révolte de Don Quichotte contre les moulins à vent. Les crises économiques, pour nombreuses et profondes qu’elles soient, ne réussissent pas à jeter le capitalisme dans les poubelles de l’histoire. D’autre part, n’en déplaise à Marx, on ne compte plus le nombre de bouleversement technologiques engendrés par le système honni. Il suffit de regarder le chemin parcouru depuis l’automatisation de la production par Henry Ford jusqu’aux transformations apportées par Silicon Valley pour comprendre que l’inventivité du capitalisme, contrairement aux vaticinations de Marx, n’est pas prête de s’essouffler.

Par ailleurs, de nouvelles mutations technologiques se profilent à l’horizon. Elles tournent autour de trois axes.

  • L’expansion et diversification des sources énergétiques, notamment avec l’émergence du gaz et du pétrole de schiste. Loin sont les jours où le fameux Club de Rome et autres catastrophistes prédisaient que nous allions nous trouver bientôt à court de sources d’énergie.
  • Le développement de la robotique, et en particulier de ce qu’on appelle l’« imprimante 3D». On dirait de la science-fiction. Il s’agit d’engins qui permettront de fabriquer les produits les plus divers en petites quantités et dans des ateliers plutôt réduits. Plus besoin de produire à grande échelle. Qui plus est, l’avantage comparatif des pays à main-d’œuvre bon marché perdra en importance. La production pourra ainsi revenir aux pays aux salaires élevés mieux que ne l’eût fait n’importe quelle politique volontariste anti délocalisations.
  • L’essor futur de l’éducation en ligne. Les établissements universitaires ne pourront pas ignorer l’irruption de cours en ligne préparés et impartis par des centres académiques de renom et accessibles aux étudiants de tous les pays.

Le bouleversement sera considérable. Pas toutes les universités ne tiendront le choc. Un processus de concentration académique (qui rappellera celui de la concentration industrielle) se mettra en marche, ce qui fait dire à Sebastian Thrun, fondateur de l’université en ligne Udacity, que d’ici à 50 ans il restera dix universités dans le monde [[1. “Free education: Learning new lessons”, The Economist, 22-12-2012.]].

Ces grands bouleversements qui frappent à nos portes ne feront pas que des heureux. Ils engendreront une cuvée de mécontents. On peut même anticiper leurs profils. Les voici.

Au nom du fameux « principe de précaution », il y aura ceux qui s’opposeront à l’exploitation du gaz et du pétrole de schiste. Ils ont déjà réussi à bloquer, non seulement l’exploitation, mais même l’exploration de ce type de gisements en France. Il n’empêche, le gaz bon marché a permis de réduire de 450 millions de tonnes les émissions de CO2 aux États-Unis au cours des cinq dernières années, alors que, sur la même période, ces émissions n’ont cessé d’augmenter en Europe[[2. “An unconventional bonanza”, Special report on natural gas, The Economist, 14-07-2012.]].

Les intérêts corporatistes opposeront une farouche résistance à la technologie robotique. À n’en pas douter, la digitalisation de la production sera source de nouveaux emplois. Le problème réside dans le fait que de nouvelles compétences seront demandées et que d’anciens postes de travail auront vocation à disparaître. Et il arrive que les corporatismes sont plus réactifs aux licenciements dans leurs sites de travail qu’à la création de nouveaux postes dans les secteurs d’avenir.

Brandissant l’oriflamme de la « diversité culturelle », les universités les moins dynamiques se battront pour survivre face à la concurrence de cours en ligne qui se prépare. Quand on apprend que des universités fort réputées (Harvard, MIT, Princeton, d’autres encore) envisagent de pénétrer le marché des cours en ligne ou ont commencé à le faire, on peut aisément comprendre que, pour les universités ringardes et bureaucratisées, il y a péril en la demeure.

Les anticapitalistes, altermondialistes et Indignés de tous poils auront donc plein de matériel pour protester et manifester dans les rues et les campus d’universités. Il leur manquera, il est vrai, et le panache du personnage créé par Cervantès et la cohérence philosophique du dogme de Marx. Mais, à l’instar de ces illustres prédécesseurs, les nouveaux Indignés sont condamnés à mordre la poussière de la désillusion, pendant que les mutations technologiques continueront à transformer en mieux – comme le firent en leurs temps les moulins à vent et la Révolution industrielle – nos modes de vie.


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