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2013 : le « made in France » est à la mode

Publié le 11 janvier 2013 par Delits

2012 terminée, le moment opportun pour tirer un bilan sur les tendances de consommation de cette année passée et celles à venir en 2013 : Délits d’Opinion a rencontré Rémy OUDGHIRI, Directeur du département Tendances & Insights, Ipsos Public Affairs.

Délits d’Opinion : Crise, crise, crise : l’année 2012 a été plutôt monotone. Quelles tendances dégagez-vous derrière ces slogans et comment réagissent les ménages français ?

Rémy Oudghiri : Le sentiment que la crise économique que nous connaissons est une crise durable est désormais ancré dans tous les esprits. La dernière vague de notre observatoire des modes de vie et de consommation des Français (les « 4500 ») est très claire de ce point de vue. En outre, le nombre de Français déclarant avoir du mal « à joindre les deux bouts » a franchi symboliquement en 2012 la barre des 50%.

Cependant, nous avons de nombreux signes qui montrent qu’en dépit des nuages qui s’amoncellent au-dessus de leurs têtes, de nombreux Français veulent adopter une attitude positive. Ainsi une forme de « résilience » s’exprime-t-elle dans les entretiens que nous conduisons. Ce que la crise contribue à diffuser, c’est l’idée que c’est d’un changement d’attitude et/ou de comportement individuel que viendra le salut. C’est une idée promue aujourd’hui avec succès par les tenants de la psychologie dite « positive ». Ce que la crise suscite également, c’est une réticence de plus en plus forte à ajouter de la contrainte à la contrainte. Ainsi les régimes alimentaires ont-ils de moins en moins la cote. Dans les enquêtes, les individus admettent se laisser aller (ils disent « se faire plaisir »). Quelques kilos de plus : la belle affaire ! D’une manière générale, la crise marque le triomphe du culte du présent. L’avenir étant désespérément en panne, le plus important est de savourer l’instant présent. Cette vieille philosophie n’a jamais été aussi partagée qu’aujourd’hui en France.

Conséquence : les pensées du long terme sont en crise. Cela devient un véritable problème pour certains acteurs comme les défenseurs de l’environnement : difficile de mobiliser sur les décennies à venir quand la majorité des gens ne parviennent plus à se projeter dans l’année qui vient…

Délits d’Opinion : Hard discount, low cost, réseaux sociaux, suppressions des intermédiaires de distribution : quelles tendances vont se prolonger et s’accentuer en 2013 ?

Rémy Oudghiri : On le voit depuis plusieurs années, et la dynamique s’accélère : la crise amplifie des tendances qui avaient émergé au début de la décennie 2000. La plus visible est la suppression des intermédiaires. Avec les réseaux sociaux, les individus ont pris l’habitude de se mettre en contact les uns avec les autres. Il en est résulté à la fois des réflexes désormais bien établis (on fait appel aux autres pour obtenir une information ou pour résoudre un problème) et une nouvelle culture marchande (on loue ou on achète des biens directement à d’autres particuliers).

Le Boncoin.fr est devenu le symbole plus éclatant de cette nouvelle culture. Cette tendance va se poursuivre, car une confiance se construit peu à peu entre les personnes alors même que les citoyens sont défiants face aux institutions jugées lointaines et inadaptées.

Quant aux offres « low cost », elles restent très attractives, même si la promesse du bas prix uniquement ne suffit pas à séduire la clientèle. Les arts de marché du hard discount en France ont commencé à baisser en… 2008. Dans un contexte de crise, les consommateurs ne veulent pas qu’on leur renvoie une image terne ou misérable. En outre, ils ne veulent pas renoncer à leurs petits plaisirs et deviennent de plus en plus sensibles à la qualité.

C’est l’effet mécanique de la rareté. Disposant de moins de moyens financiers, on réfléchit davantage avant d’acheter et l’on achète moins, mais mieux. Pour optimiser son avantage, le low cost doit donc montrer de plus en plus qu’il se soucie du client. C’est ainsi que certains acteurs du hard discount introduisent des marques dans leurs magasins. D’une manière générale, et c’est un effet intéressant de la crise, le « low cost » va monter en gamme dans les années qui viennent.

Délits d’Opinion : On constate une multiplication des plans sociaux : les marques grand public concernées souffrent-elles de l’image dégradée dans leurs ventes ?

Rémy Oudghiri : Rares sont les consommateurs qui établissent un lien direct entre les plans sociaux et les marques qu’ils achètent ; et encore plus rares sont ceux qui les boycottent pour ces raisons- là. Aujourd’hui la vigilance se porte sur le contenu des produits, leur origine et leur prix. Ce que la montée en puissance de l’internet a changé et renforcé, c’est l’esprit critique des consommateurs. Ces derniers en savent désormais davantage et ont adopté les réflexes de ceux qui savent. Ils s’informent sur la valeur d’un produit. Ils comparent. Ils renoncent quand ils ont des doutes. Mais des doutes d’experts… D’où cette ambivalence que nous rencontrons régulièrement dans nos enquêtes : les mêmes qui s’affichent très critiques à l’égard des marques expriment leur attachement à l’égard de celles-ci dès lors qu’elles remplissent leur cahier des charges : plaisir, simplicité, qualité, innovation…

Délits d’Opinion : Vous paraît-il vraisemblable de voir le repli identitaire observé au niveau des discours politiques (made in France, montée en puissance de la consommation locale…) impacter les modes de vie et de consommation ?

Rémy Oudghiri : Le « made in France » est à la mode. De fait, il y a aujourd’hui une envie très forte qui s’exprime dans l’opinion. C’est indéniable. On retrouve d’ailleurs cette tendance dans d’autres pays (Italie, Grande Bretagne, Allemagne…). Le « made in » est paré de toutes les vertus : qualité, responsabilité, authenticité, etc. En France, les consommateurs sont à la fois ceux qui se déclarent les plus sensibles aux produits nationaux et aussi ceux qui s’affichent comme les plus réfractaires aux produits fabriqués en Chine. Mais cette envie se heurte au principe de réalité. Dans les faits, rares sont ceux qui regardent systématiquement les étiquettes et dans certains domaines, comme le textile (hors luxe), les produits français sont ultra minoritaires. Il faut souligner que l’aspiration est bien là et qu’elle peut bénéficier à tous ceux qui afficheront des produits d’origine française… à prix accessible.

Propos recueillis par Olivier.


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