Incapable de préserver son "pacte social", la social-démocratie fait payer l'addition aux générations futures.
Par l'auteur du site Bobo libéral.
Il semblerait qu'il n'y ait plus de consensus dans nos sociétés d'aujourd'hui. En témoignent les atermoiements du fiscal cliff aux USA, qui n'a débouché que sur un accord à minima, et dont on a relégué les problèmes de fond à une échéance de deux mois.
On pourrait aussi évoquer l’interminable série de sommets de la dernière chance que l'Europe a connu ces deux années, dont chacun n'a abouti qu'à des accords à minima repoussant la résolution des vrais problèmes, eux aussi, à une autre échéance. Et pour noircir un peu plus le tableau, des Anglais de plus en plus nombreux, veulent prendre leur distance avec l'UE et des régions entières en Europe sont tentées par le séparatisme.
Personne n'arrive à se mettre d'accord, les divisions sont telles entres les partis politiques, comme aux USA, ou entre les pays, comme en Europe, qu'aucun compromis durable et digne de ce nom n'est trouvé pour assurer cette fameuse vie en société. Assistons-nous à la désintégration de la société ?
En conséquence les médias et la classe intellectuelle sont dans le désarroi et rejettent cette incapacité à œuvrer ensemble pour le bien commun sur l’égoïsme des politiques qui font passer leur intérêt personnel avant celui de la communauté.
Mais est-ce vraiment la faute des politiques ? Ils ne sont que les dommages collatéraux de cette époque marquée par un libéralisme à outrance qui a déifié l'individu aux dépens de la société. En somme, nous sommes tous devenus d'horribles égoïstes. C'est en tout cas ce que l'on nous ressasse à longueur de journée. Les coupables sont désignés d'avance : le capitalisme et le marché.
Il faut bien comprendre cette inquiétude qui agite nos politiques et surtout nos intellectuels et journaleux de tous bords face à cette incapacité à trouver un consensus. Le mot consensus en notre époque fait presque l'objet d'un culte. Il est une des pierre angulaires de nos social-démocraties, ce qui fait en sorte leur marque de fabrique, leur devise, leur raison d'être. Nos social-démocraties se sont toujours flattées, par la recherche de ce consensus, nommé aussi "pacte social", "contrat social", "vivre-ensemble" et j'en passe, de mettre d'accord des intérêts divergents voire antagoniques pour obtenir cette fameuse paix, bien évidemment qualifiée de "sociale".
Mais à y regarder de plus près, ce fameux consensus établi par nos prédécesseurs, dont on ne cesse jamais de faire l'éloge pour leur clairvoyance, cache une réalité bien sordide.
Pour faire simple, reprenons le fonctionnement de ce que l'on appelle nos social-démocraties. Certains groupes d’intérêts privés bénéficient de privilèges, des subventions ou des monopoles par exemple. Et comme tout privilège, cela ne peut se faire qu'aux dépens d'autres individus. En fait la chose est plus complexe : beaucoup de monde se retrouve dans les deux catégories à la fois, et à des degrés divers. Mais peu importe, ce qui compte c'est que pour maintenir cette situation, déjà précaire, les privilèges doivent être soit maintenus au détriment d'autres individus, soit abolis au grand dam de ses bénéficiaires. Dans tous les cas, un groupe sera lésé. Personnellement j'ai une préférence pour la deuxième solution.
Ne voulant mécontenter aucun parti, les hommes d’État ont recouru à une troisième méthode, l'endettement. Ce qui revient à faire payer l'addition aux générations suivantes, celles qui ne sont pas en mesure de se révolter, puisqu'elles ne sont pas physiquement présentes. Elles supporteront à elles seules le coût de ces privilèges, que l'on pourra d'ailleurs étendre à toute la société ! C'est la solidarité entre les générations.
Cette méthode est bien vieille. Elle ne date pas de trente ans, ni d’après-guerre, elle fut déjà largement pratiquée par les régimes fascistes d'antan, comme ceux d'Italie et d'Allemagne. On peut se référer à l'excellent ouvrage de John T. Flynn, As We Go Marching, écrit en 1943 et qui détaille avec une rare précision le recours à l'endettement de ces régimes, avec celui des USA de Roosevelt, pour éviter les tensions entre segments influents de la société. Pour obtenir ce fameux consensus. Évidemment la guerre qui s'ensuivit et les massacres envers les minorités attestent de l’échec de cette politique.
Mais l’auteur ne considère pas ces régimes autoritaires comme les seuls coupables, ni d'ailleurs les USA de l'époque. Il explique que le mal a des origines encore plus lointaines, et que nos figures du mal, telles Hitler ou Mussolini, n'ont fait qu'appliquer sur une plus grande échelle les méthodes de leurs prédécesseurs qui remontent à la fin du 19e siècle.
L'endettement fut l’expédient le plus efficace des politiques, qu'ils soient démocratiquement élus ou arrivés au pouvoir par la force, pour résoudre les conflits internes d'une société. On relègue la résolution du problème à une autre date.
C'est exactement ce que nos contempteurs d'aujourd'hui reprochent à nos politiques actuels. Mais ces derniers ne sont coupables en rien, puisqu'ils font ce qui a toujours été fait. S'endetter pour reporter la vraie résolution du problème à une autre échéance. C'est cela faire consensus selon eux.
Sauf que ce processus de relégation s'est accéléré, d'un coup, depuis 2008 et a rendu visible le caractère frauduleux de cette mécanique de report par l'endettement, mais surtout a fait dire involontairement à nos bonnes âmes la réalité des faits, c'est qu'il n'y a jamais eu de consensus, mais qu'un enfumage à grande échelle.
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