Derrière le personnage apparemment lisse, voire ennuyeux, se cache un terrible idéologue, un Pape laïque, un grand-prêtre du socialisme.
Par Vivien Hoch.
On critique souvent les politiques sur le fait qu’ils n’ont pas de vraies convictions. Avec Peillon, c’est tout l’inverse. Il faut rester très vigilant et très sérieux devant ce genre d’idéologue. Le grand adversaire de Peillon, c’est le réel.
Nul ne doit être dupe, ni se tromper sur le personnage. La dernière étude du CERU, le laboratoire d’idée sur la jeunesse et l’éducation, que j’ai rédigé, propose une exégèse de la philosophie de Vincent Peillon (disponible sur Amazon et Priceminister). Autant dire que je me suis collé à la lecture de son œuvre complète, et que le résultat se situe bien au-delà de toutes mes inquiétudes.
Derrière le personnage apparemment lisse, voire ennuyeux, se cache un terrible idéologue, quelqu’un de très dangereux, un Robespierre en herbe, un sans-culotte du XXIème siècle, un disciple en droite lignée des grands bienfaiteurs de l’Église que sont Jean Jaurès ou Ferdinand Buisson, qui sont ses deux papas.
Vincent Peillon, c’est un docteur en philosophie – et il n’y a rien de plus dangereux qu’un philosophe qui fait de la politique, un visionnaire pour qui « la révolution française n’est pas terminée », parce que cette Révolution est « un événement religieux», une « nouvelle genèse » un « nouveau commencement du monde », une « nouvelle espérance » qu’il faut porter à son terme, à savoir : « la transformation socialiste et progressiste de la société toute entière ».
En fait, Peillon n’est ni un homme politique, ni un simple philosophe. C’est un prophète, un Pape laïque, un grand-prêtre du socialisme, plus religieux que le Souverain Pontife lui-même.
Alors, il est responsable aujourd’hui de l’éducation nationale. Ce n’est évidemment pas par hasard. L’éducation a un rôle capital dans son système idéologique, car l’école est « un instrument de l’action politique, républicaine et socialiste. ». Plus encore, l’école est un instrument de la religion laïque dont il se fait le prophète :
C’est au socialisme qu’il va revenir d’incarner la révolution religieuse dont l’humanité a besoin. [1]
Et évidemment, l’école sera le temple de cette nouvelle religion :
C’est bien une nouvelle naissance, une transusbtantiation qui opère dans l’école et par l’école, cette nouvelle Église, avec son nouveau clergé, sa nouvelle liturgie, ses nouvelles tables de la Loi. [2]
On comprend alors dans le détail les grands thèmes qu’il impose à l’éducation nationale.
La scolarisation précoce des enfants
De moins de trois ans s’il vous plaît ! (annoncée le 10 septembre par Jean-Marc Ayrault) dans le but, selon lui, de « lutter contre la délinquance » (sic), mais qui correspond en fait en tout point à l’idée peillonienne de coupure totale de l’enfant d’avec autre chose que la République socialiste : (je cite son interview au JDD) « Il faut être capable d’arracher l’élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel… » [3].
Pour ce faire, Peillon se fonde sur une pédagogie bien à lui : il y a un « "infini flottant" dans l’âme de l’enfant », et l’éducation « se fixe pour tâche de lui donner une forme » [4]. Je vous laisse imaginer quelle forme il faut lui donner, à cet enfant nu et dépouillé face au dogme étatique.
La morale laïque
Alors une fois encore ne soyons pas dupes : évidemment que ce qui manque le plus à nos enfants, c’est de la morale. Mais ceux qui applaudissent cette idée doivent être vigilants. Car le but de la morale laïque, c’est de former des futurs électeurs socialistes avec la théorie du Genre, l’enseignement des « grands homosexuels de l’histoire », la lutte contre les discriminations et l’imposition d’une morale non pas seulement laïque, a-religieuse, voire anti-religieuse.
La morale laïque correspond en tous points à la ligne Buisson de la laïcité que Peillon s’est tracé – en référence à Ferdinand Buisson, l’acteur de premier plan de l’expulsion des congrégations religieuses, auquel Peillon a consacré un ouvrage en 2005. Cette ligne buisson de la laïcité, c’est « de forger une religion qui soit non seulement plus religieuse que le catholicisme dominant, mais qui ait davantage de force, de séduction, de persuasion et d’adhésion, que lui. » Aussi, si « la République socialiste perdure dans la mort de Dieu », elle perdure également dans la mort de son incarnation terrestre, l’Église…
On a déjà un exemple de ce que produit la morale laïque. Elle est déjà bien pratiquée par ce gouvernement, et on voit ce que ça donne : de l’inénarrable Cécile Duflot qui veut « réquisitionner les églises » au message outrageant et discriminant de Michèle Delaunay : « Aujourd’hui les catholiques condamneraient la Sainte Famille : un mari qui n’était pas le père, une mère vierge »… On le voit : la cathophobie est quasiment hérigée en dogme d’État.
La fronde contre l’enseignement catholique trouve elle aussi son sens
Peillon commence à s’attaquer aux retraites des enseignants du privé (déjà dévalorisée de quasiment 30% par rapport à celles du public), puis à produire une circulaire (en fait une bulle pontificale) qui enjoint les recteurs « à rester vigilant envers l’enseignement catholique » parce que ce dernier s’était prononcé contre le mariage homosexuel. « Rester vigilant envers l’enseignement catholique » veut dire, dans son système, qu’aucune idée ne peut se transmettre en dehors des cadres dogmatiques de la République socialiste.
Vous comprenez pourquoi il n’y a aucune contradiction dans leur esprit lorsque Peillon interdit à l’école privée de parler du mariage gay alors que Belkacem en fait l’apologie au collège. Nous sommes clairement dans une dialectique marxiste, que la contradiction n’effraie aucunement. Le moment passé (à savoir les traditions, l’histoire de France, les valeurs chrétiennes) doit être annulé par le moment à venir : le monde poli, libre, joyeusement socialiste, délivré enfin du joug de la méchante Église catholique et de ses principes désuets.
Grâce à ce genre d’idéologues au pouvoir, nos enfants en sauront bientôt davantage sur la contraception, le mariage homosexuel, l’homophobie, le trans-genre et le cannabis, que sur l’histoire de France ou les règles de conjugaison. Le catéchisme socialiste doit se réciter dans toutes les écoles, par la bouche de tous les fonctionnaires-prêcheurs, et les enfants doivent apprendre cette vérité tombée du ciel sans broncher…
Finalement, la plus grande honnêteté pour Monseigneur Peillon et son clergé serait de se l’appliquer à eux-mêmes, la laïcité, avant que ce pays ne sombre dans une théocratie socialiste…
---
Sur le web. Ce billet a fait l'objet d'une chronique sur Radio Courtoisie le 10 janvier.
Notes :
- Vincent Peillon, La révolution française n’est pas terminée, Seuil, Paris, 2008, p. 195. ↩
- La révolution française n’est pas terminée, op. cit., p. 18. ↩
- Entretien au Journal du Dimanche, 2 septembre 2012. ↩
- La révolution française n’est pas terminée, op. cit., p. 194 ↩