C’est la question que je me suis posée l’autre jour en regardant la vidéo de la présentation d’Elikia sur France24. Elle m’est à nouveau revenue hier après un diner avec le Directeur général d’une boîte de représentation d’Apple dans un pays francophone. Je vous partage mes réflexions là-dessus.
C’est une question qui est assez délicate. Mais commençons par noter que de manière générale, notre analyse va concerner essentiellement quatre secteurs dans lesquels on peut d’une certaine manière sentir Apple en Afrique : les ordinateurs (laptops et desktops), les Smartphones, les tablettes et les applications.
Commençons par parler des faits même si les chiffres feront défaut. On peut dire sans grand risque de se tromper que la marque s’est faite une certaine présence en Afrique. Je me souviens que dans un pays comme le Cameroun au début des années 2000, on comptait le nombre de boîtes qui utilisaient des Mac pratiquement sur le bout des doigts (des banques surtout). Aujourd’hui, il n’est pas extraordinaire de voir une PME équiper son personnel du sésame de Steve Jobs. Il faut également reconnaître qu’il est devenu fréquent de rencontrer dans les rues d’Accra, Ouaga, Brazza ou Dakar, des jeunes et des adultes pas nécessairement riches avec un IPhone en main… Même s’il s’agit souvent d’une, deux ou trois générations en retard par rapport aux sorties les plus actuelles d’Apple. Et si l’IPhone 5 est récent, il est forcément présent dans au moins quelques mains sur presque toutes les capitales africaines. Il en est de même pour l’IPad. Bref, on peut dire sans aucune crainte d’être démenti que les produits Apple sont bel et bien présents en Afrique.
Mais pour être fidèle avec la réalité, il faut ajouter que cette présence est très vite à relativiser et les facteurs qui justifient cette relativisation posent des questions de fond.
Notons par exemple qu’il y a très peu d’entreprises ayant fait des Mac le seul outil de travail. À la rigueur, on peut compter les boîtes de production audio, vidéos et graphiques qui se font en général un point d’honneur de travailler sur des macs. Mais s’il faut comparer on est quand même bien loin du compte. Quant aux particuliers qui utilisent des Mac, on est aussi là dans une proportion faible, presqu’élitiste quand dans d’autres environnements, le Mac se fait présent dans les foyers. Enfin, s’il faut sortir des grandes villes, le Mac commence à devenir une vérité lointaine, inconnue même… Il en est de même pour l’IPhone et l’Ipad. Plusieurs entreprises continuent d’offrir des Blackberry à leurs cadres et j’en ai même vu qui offraient des smartphones Android (c’était quand même des Galaxy S3)… Ne parlons pas des Ipad qui restent encore l’apanage de quelques personnes privées bien souvent privilégiées. Quant aux IPods…disons-le sincèrement, ce sont des jouets pour enfants de riches voulant frimer au lycée.
Là où la situation est plus intéressante à analyser, c’est dans le secteur des applications. Les applications intéressantes sous Apple sont presque toutes payantes. Les utilisateurs africains des produits Apple restent pour presque tous, focalisés sur les applications gratuites. Conséquence, les applications sous Apple sont presque côtoyées de loin.
La faute à qui ?
Cette situation est due à plusieurs facteurs.
D’abord le coût des produits Apple. Un PC avec un core I7 moyens coute la moitié d’un MacBook Pro. Avec les mêmes capacités de disque dur, de RAM et de taille d’écran. Quant aux IPhone et Ipad, ils sont largement au-delà des salaires africains moyens.
Ensuite l’absence de facilité de paiement. Alors qu’il est possible de rassembler souvent l’argent suffisant pour acheter un PC, les facilités qui font obtenir des Mac ou des Ipad ailleurs n’existent presque pas dans la plupart des pays africains. Et en plus, s’il faut regarder les priorités de dépense, il faut reconnaître que les produits Apple ne se font pas particulièrement prioritaires là où on pourrait céder pour un HP, un Samsung ou même un produit VMK.
Il faut ajouter à ces raisons l’intérêt réel des produits Apple par rapport aux autres. Pourquoi acheter un Ipad 4 au lieu d’un Ipad 2 ? Et puis finalement, pourquoi un Ipad 2 alors que c’est si facile d’avoir une Samsung Tab ? J’ai rencontré des utilisateurs qui se demandaient pourquoi ils s’étaient tant cassé la tête à acheter un mac dont ils ne voient pas vraiment la différence avec leur laptop PC ? Il y a un réel déficit de formation sur l’usage des Mac là où les PC sous Windows et sous Linux ont fait plus de percée.
Enfin, il y a la marginalisation de l’Afrique dans les politiques d’Apple. Depuis les boutiques d’achat jusqu’aux produits en passant par les moyens de paiement ; l’Afrique est clairement de côté chez Apple. Si par exemple vous avez votre produit Apple au Burkina Faso où il existe bien un store Apple, il n’y a pas de boutique Burkina Faso. Vous allez devoir vous enregistrer au Mali ou au Niger. Et une fois enregistré dans l’un de ces pays, ce sont des tonnes de restrictions qui pleuvent sur vous et qui font que vous ne pouvez pas avoir accès à certains produits parfois élémentaires comme les livres sur Ibook. Et vous n’aurez certainement pas l’application qui vous permet de trouver la pharmacie la plus proche de chez vous (la faute aux développeurs africains). Sans compter que les moyens de paiement électroniques sont jeunes en Afrique et pour le moment, le domaine d’une classe urbaine élitiste.
La situation va-t-elle évoluer dans l’avenir ?
Difficile de lire dans une boule de Crystal. De toutes les façons, je n’en ai pas encore ce don. Mais je crains que cela ne change pas vraiment et en grande partie, à cause des doutes et des interrogations qui risquent de prendre de l’ampleur sur les produits Apple. Avec la disparition de Steve Jobs, Apple donne de moins en moins des raisons de rêver. Les innovations vont trop vite sans qu’on sache vraiment dans le fond ce qui a innové…et au prix que ça coute…pourquoi changer son parc informatique ou téléphonique…surtout que de l’autre côté, les choses bougent. Difficile de ne pas reconnaître le véritable saut en avant de Windows avec Windows 8 surtout sous tablette… Difficile aussi de fermer les yeux sur l’émergence d’une concurrence Chine-Afrique qui fait émerger des Vérone Mankou ou d’autres velléités qui peuvent donner plus de raisons de jouer avec leurs jouets qu’avec Apple.
Peut-être qu’en décidant d’en faire un marché prioritaire, L’Afrique pourrait apporter quelque chose à la marque. Et donc recréer des positionnements. Pour le moment, ce n’est pas le cas. Et à tort, il me semble.