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Québec 2013 : il faut garder espoir

Publié le 14 janvier 2013 par Magazinenagg

L’année 2012 a été particulièrement déprimante : corruption, immobilisme, corporatisme, mépris des institutions, dette record, détérioration des services publics, etc. A-t-on atteint le fond du baril? Il faut l’espérer.
Il y a des signes qui nous permettent de garder espoir. Lorsque des gauchistes interventionnistes notoires comme Paul St-Pierre-Plamondon, fondateur de Génération d’idées, Dominic Champagne, metteur en scène et activiste environnemental, Pascale Navarro, journaliste et auteure, Yvon Bolduc, président-directeur général du Fonds de solidarité, produisent des textes dans lesquels apparaissent les mots concurrence, efficacité, productivité, décentralisation, responsabilisation, etc., il est permis de croire que quelque chose a changé.
Si les textes publiés dans Le Devoir les 3, 4 et 5 janvier dernier, journal gauchiste par excellence, avaient été signés par Pierre Duhamel, Claude Monmarquette, Lucien Bouchard, Nathalie Elgrably-Lévy et Joseph Facal, tous les gauchistes que compte le Québec les auraient dénigrés en accusant les auteurs de trahir le merveilleux modèle québécois qui a si bien servi les intérêts syndicalistes et corporatistes depuis plus de cinquante ans. _________________
La Suède et le Québec qu’elle nous inspire - La confiance au service de l’innovation
Le Devoir 3 janvier 2013 Dominic Champagne, Geneviève Dorval-Douville, Miriam Fahmy, Pascale Navarro, Paul St-Pierre-Plamondon - Les auteurs reviennent d’une mission d’exploration du modèle
Le Québec est à la croisée des chemins. Le climat de méfiance à l’égard des pouvoirs publics et de l’économie nuit à l’espoir, à l’optimisme. Il faut renverser la vapeur, mettre à jour nos connaissances sur ce qui se fait de mieux dans le monde. Le modèle suédois nous a attirés parce que, comme au Québec, il est bâti sur l’importance de la démocratie, de l’intervention de l’État et de la redistribution de la richesse. Mais les Suédois parviennent mieux que nous à réduire les inégalités et à redistribuer la richesse, et leur économie, plus productive, contribue à mieux gérer la dette publique. Comment font-ils ? Nous sommes allés voir.
Notre premier constat, qui tranche radicalement avec la situation québécoise, est le suivant : les Suédois misent sur la confiance. Confiance envers les institutions publiques, les entreprises privées, les gouvernements et leurs concitoyens. Par exemple, en Suède, les contrats ne comportent pas un nombre incalculable de clauses en petits caractères, mais se scellent plutôt sur une poignée de main, après entente écrite ou verbale sur les points importants. Une approche bien différente de ce qui prévaut en Amérique du Nord.
Cette confiance a son pendant : les Suédois ne tolèrent aucunement la corruption. Toute tricherie est systématiquement et sévèrement punie. Là-bas, lorsqu’une personne ou une organisation triche, détourne, abuse d’une situation, on ne rétorque pas en disant que c’est « normal », au sens de « tout le monde le fait ». Au contraire, si quelqu’un rompt le contrat social, il sera sanctionné, et durement.
Mona Sahlin, aspirante à la fonction présidentielle, en a fait l’expérience douloureuse lorsqu’elle a dû retirer sa candidature à la suite de l’« affaire Toblerone », où il a été révélé qu’elle avait utilisé sa carte bancaire professionnelle pour des petits achats privés, dont une tablette de chocolat. Les Suédois ont compris qu’en sanctionnant toute forme de corruption, ils contribuaient à la prospérité sociale et économique de leur nation.
Cette confiance s’appuie également sur un levier de taille : la grande transparence qui règne dans les affaires publiques. Par exemple, si un citoyen demande à avoir accès à un document des finances publiques, il n’a pas besoin de s’identifier ni de dire pourquoi il désire cet accès. Le document doit être fourni dans un délai raisonnable. Idem avec les déclarations de revenus des particuliers : celles-ci sont publiques et accessibles à tous, sur demande !
Permis d’innover
Ce principe de « tolérance zéro » à la tricherie rend les Suédois plus ouverts au changement : les gouvernements ont les coudées franches pour innover. Tant les mesures environnementales avant-gardistes que les expérimentations dans les modes de livraison des services de santé par le privé sont rendues possibles par la confiance qui règne : les Suédois savent que l’intérêt public est toujours dans la ligne de mire de leurs gouvernants, qu’ils soient de droite ou de gauche.
C’est ainsi que des réformes comme celle sur les régimes de retraite, évoquée récemment par l’Institut économique de Montréal, ont été mises en place. Devant certains problèmes identifiés, loin de proposer directement des solutions venues d’en haut, les Suédois ont amorcé une réflexion collective mettant à profit, de façon transparente, tous les partis, syndicats, institutions, entreprises et citoyens impliqués. Ils ont évalué différentes options et ont choisi celle qu’ils trouvaient la mieux adaptée à leur situation, dans une vision à long terme. Et ils ont fait un suivi par la suite pour évaluer les impacts et apporter les adaptations nécessaires.
Dans un tel climat de transparence et de confiance, beaucoup de choses sont possibles.
Est-ce que de telles réformes de la fonction publique ou des régimes de retraite seraient souhaitables pour le Québec ? Seule une réflexion en profondeur, impliquant toutes les parties prenantes, permettrait de le savoir. Il est toutefois essentiel de rappeler que plus de 70 % des travailleurs sont syndiqués en Suède, ce qui rend l’introduction de la concurrence ou de changements budgétaires moins périlleux pour la classe moyenne. De plus, la Suède misant sur une taxe de vente et des paliers d’imposition sur le revenu beaucoup plus élevés qu’au Québec, elle est en mesure de garantir à ses citoyens un filet social propre à maintenir la confiance même lors de décisions budgétaires ou économiques difficiles.
Les pressions de la mondialisation
Comme tous les autres États-providence, l’État suédois est soumis aux pressions de la mondialisation et du néolibéralisme. Mais la Suède se distingue en deux points :
contrairement à d’autres pays, elle n’a pas rejeté le vocabulaire social-démocrate, dont les mots-clés sont encore bien présents dans le discours ambiant : protection sociale, égalité, sécurité, bien-être. Parce que le champ lexical de la solidarité persiste dans le discours, la réalité qu’il représente continue d’être non seulement souhaitable, mais possible aux yeux des Suédois ;
tandis que l’Amérique du Nord et beaucoup de pays de l’Europe continentale allèguent l’impossibilité de maintenir en place une forte protection sociale en raison de son coût élevé, la Suède cherche des nouveaux moyens d’atteindre l’égalité. L’égalité continue d’être la cible, ce sont les moyens qui changent.
Pour les Suédois, l’univers des possibles n’a donc pas rétréci. Ils n’ont pas réduit leur vision du monde à deux propositions antinomiques : prospérité ou égalité. Ils ont continué de croire dans la possibilité d’un État-providence qui conjugue les deux, et ont choisi d’adapter les moyens d’y parvenir.
La droite ou la gauche québécoises seraient-elles disposées à envisager des nouvelles façons d’atteindre l’égalité et la prospérité ? Pour le moment, rien ne le laisse présager. La disposition à innover, à prendre des risques, se nourrit de la confiance et de la transparence. Au Québec, la méfiance (justifiée ou non) à l’égard des pouvoirs publics, privés et associatifs a engendré une rigidité dans la pensée qui empêche la recherche de solutions consensuelles et innovantes. La confiance, et la flexibilité cognitive qui l’accompagne, sont à édifier d’urgence pour relever les défis actuels et futurs du Québec !
La Suède et le Québec qu’elle nous inspire - La compétitivité pour mieux servir la solidarité
Le Devoir, 4 janvier 2013 Dominic Champagne, Geneviève Dorval-Douville, Miriam Fahmy, Pascale Navarro et Paul St-Pierre-Plamondon - Les auteurs reviennent d’une mission d’exploration du modèle suédois
Une différence fondamentale entre le Québec et la Suède, c’est que personne en Suède n’oppose compétitivité et solidarité. Ces deux notions sont au contraire vues comme complémentaires. Avoir des normes environnementales et de sécurité élevées, une éducation gratuite, l’égalité homme-femme et des politiques d’intégration au marché du travail inclusives est vu comme un investissement dans la compétitivité future de l’économie suédoise.
Ainsi, les Suédois font figure d’avant-garde en tout ce qui a trait à la réglementation environnementale ou en santé et sécurité. Loin de voir ces mesures comme un obstacle aux profits des compagnies, ils les voient comme des moyens d’amener les compagnies à se bâtir un avantage concurrentiel sur des compétiteurs étrangers.
L’avantage s’est révélé très réel dans le cas de l’industrie automobile : les normes de sécurité élevées imposées par le gouvernement suédois ont forcé les compagnies comme Volvo à innover, et cela leur a donné un avantage concurrentiel majeur durant plusieurs années lorsque les autres pays ont adopté de telles normes.
Dans le même sens, la Suède a décidé de se libérer du pétrole et de respecter Kyoto. Son calcul est le suivant : même si c’est plus coûteux aujourd’hui, l’expertise qu’elle développe présentement en matière d’énergies renouvelables sera une source d’avantage concurrentiel très important dans quelques années, car elle pourra exporter son expertise. Loin de miser sur le laissez-faire du néolibéralisme, la Suède mise sur une réglementation pointue et stratégique de ses sphères d’activité économique, dans le but de se donner un avantage concurrentiel à l’international à moyen et long terme.
Remettre en question des monopoles
De plus, la Suède ne craint pas la concurrence du privé et remet en question les monopoles étatiques. C’est ainsi que la Suède a introduit le privé dans le secteur de l’hydroélectricité tout en laissant la plus grande part de marché à sa société d’État. De plus, le système de transport collectif de Stockholm a été entièrement privatisé.
Dans le domaine de la santé, la Suède a introduit des mécanismes de concurrence entre les hôpitaux publics et expérimente présentement diverses manières d’introduire le privé en santé, lequel est financé par l’État. Ils ont également introduit un ticket modérateur depuis plusieurs années.
Le raisonnement sous-jacent à ces mesures est que l’intervention de l’État dans l’économie performe mieux lorsqu’elle est en concurrence avec le privé que lorsqu’elle prend la forme d’un monopole étatique. Cela ne signifie pas pour autant d’éliminer complètement le rôle de l’État ou de tout déréglementer, au contraire.
Miser sur le savoir
Par ailleurs, les études universitaires sont gratuites, car vues comme un investissement dans la croissance et la prospérité futures. L’État investit également massivement en recherche et développement, davantage qu’au Québec. En basant l’accès à l’université sur la méritocratie plutôt que sur les revenus, les Suédois souhaitent aussi faire profiter à leur économie des meilleurs talents en les formant à la hauteur de leurs capacités.
L’égalité homme-femme, appuyée par des mesures de conciliation travail-famille poussées et nombreuses, procède de la même logique : faire profiter la société de l’ensemble de ses talents en permettant aux parents de rester sur le marché du travail.
Un autre exemple, peut-être le plus frappant, de la combinaison gagnante entre compétitivité, prospérité et égalité est celui du marché du travail. À la suite d’un consensus entre syndicats regroupés, employeurs regroupés et gouvernement, survenu en 1938, les salaires sur le marché du travail font l’objet d’ententes par secteur, dûment négociées périodiquement. Plus tard, ces ententes sont devenues l’occasion pour l’État suédois d’imposer des salaires très élevés, dans le but avoué d’éliminer les secteurs économiques à faible valeur ajoutée, qui ne peuvent être concurrentiels vis-à-vis l’Asie et l’Europe de l’Est.
Plutôt que de subventionner les secteurs dont la viabilité est compromise par la globalisation, une telle purge a permis à la Suède de forcer l’innovation dans les secteurs économiques à haute valeur ajoutée fondés sur le savoir. Alors que les employés y voyaient un avantage indéniable vu l’obtention de salaires intéressants, les employeurs y voyaient une façon d’éliminer les concurrents qui ne tiraient leur compétitivité que de mauvaises conditions de travail, tout en favorisant une paix sociale avec leurs employés.
Une fiscalité stratégique
À l’inverse, la compétitivité et la prospérité ainsi acquises ne sont pas vues comme devant ne profiter qu’à une minorité, mais comme une source d’égalité et de réinvestissement dans la prospérité future. Taxe de vente de 24 %, taux d’imposition au palier le plus élevé à 57 %, soit le 2e plus élevé au monde : cette fiscalité qui ferait frémir bien des Nord-Américains est au contraire vue comme stratégique, car essentielle pour maintenir tous les services nécessaires au maintien de la solidarité, de la cohésion sociale, de la formation des travailleurs… et donc de la compétitivité à long terme.
De plus, l’évasion fiscale est presque inexistante. C’est dans un tel contexte que l’État suédois peut demander plus de flexibilité à ses syndicats quant aux régimes de retraite et à la sécurité d’emploi : le filet social et les programmes sociaux suédois sont au rendez-vous pour garantir la qualité de vie de chacun.
Du point de vue du Québec, il est essentiel de noter à ce titre que vu la performance économique exceptionnelle de la Suède au cours de la dernière décennie, il n’y a vraisemblablement aucune corrélation négative entre fiscalité élevée et prospérité économique, contrairement à ce que l’on a pu entendre lors du débat récent sur les paliers d’imposition au Québec. Leur fiscalité élevée n’a pas tué la poule aux oeufs d’or. Grâce à une prospérité économique soutenue combinée à des revenus fiscaux parmi les plus imposants au monde, l’État suédois dispose d’un budget élevé qui lui permet de fournir des services sociaux universels qui sont cohérents avec leurs idéaux d’égalité et de solidarité : système de santé efficace, politiques familiales innovatrices, suppléments de revenu généreux, etc.
Et ça fonctionne, car encore aujourd’hui, la Suède affiche, parmi tous les pays de l’OCDE, l’un des plus faibles taux d’inégalités au monde. N’est-ce pas là l’idéal de toute société avancée ?
Cependant, l’État-providence suédois fait actuellement face à des défis similaires au nôtre : participation au marché du travail réduite, intégration de l’immigration, précarisation des conditions de travail, vieillissement de la population… Cela entraîne une croissance des inégalités qui, si elle est moins perceptible qu’au Québec, commence déjà à poindre. Cela entraîne aussi une remise en question de certains pans du modèle à cause de l’augmentation des coûts sociaux qu’une telle conjoncture entraîne.
Malgré ces défis, les Suédois demeurent extrêmement fiers de leur modèle et de ses succès. Ils y voient encore plusieurs avantages indéniables, et sont conscients que, pour le maintenir, ils doivent y contribuer financièrement. Si des remises en question de certains pans du modèle peuvent être envisagées, c’est toujours en tenant compte de l’efficacité et de la compétitivité à long terme, ainsi qu’en misant sur la conviction profonde que, en misant simultanément sur les principes de concurrence et de solidarité, ils y gagnent tous, individuellement comme collectivement.
La Suède et le Québec qu'elle nous inspire - La gouvernance par le savoir
Le Devoir, 5 janvier 2013 Dominic Champagne, Geneviève Dorval-Douville, Miriam Fahmy, Pascale Navarro et Paul St-Pierre-Plamondon - Les auteurs reviennent d’une mission d’exploration du modèle suédois.
La résilience de la social-démocratie en Suède repose sur la façon dont les citoyens prennent leurs décisions. L’élaboration des politiques publiques est délibérative, ce qui suppose de longues périodes d’analyse et d’évaluation par des spécialistes bien formés, ainsi que des consultations publiques rigoureuses.
Au cours de ce processus, de grands efforts sont déployés pour acquérir une connaissance aussi complète que possible d’une question donnée, notamment par un examen approfondi des expériences historiques ainsi que des solutions de rechange proposées par les chercheurs, en Suède comme à l’étranger. Toutes les parties intéressées sont mises à contribution.
Par exemple, en matière d’acceptabilité sociale d’un projet donné, le gouvernement suédois s’oblige à consulter par écrit une liste d’organismes représentant tous les secteurs de la société civile qui sont appelés à donner leur opinion sur le projet. Si jamais la décision gouvernementale ne se conforme pas à l’opinion donnée par un organisme, le gouvernement doit également motiver sa décision par écrit à l’intention de celui-ci. Le résultat : une prise de décision qui n’est jamais brusque, ni bancale, ni idéologique, ni électoraliste. C’est la force du consensus.
Pour les Suédois, une décision est bonne lorsqu’elle atteint à un équilibre, concept qu’ils nomment lagöm. Ce mot, qui n’a aucun équivalent en français, pourrait être traduit par « juste ce qu’il faut ».
Véritable socle de l’élaboration des politiques publiques, la pondération est le passage obligé de toute prise de décisions. Elle commence par la recherche et l’analyse. L’un des lieux les plus importants de ce travail sont les agences conseils indépendantes, qui effectuent des travaux de recherche fondamentale et appliquée afin de conseiller le gouvernement sur les meilleurs choix, les meilleures stratégies pour atteindre les objectifs fixés. Les ministères sont relativement petits et ils ont pour fonction d’élaborer les politiques à la lumière des recherches des agences.
L’un des critères importants pour considérer qu’une décision est bonne est de mesurer son « acceptabilité ». Par exemple, l’organisme SALAR réunit des membres de la société civile, du monde politique et des entreprises pour s’assurer que les décisions prises à l’un ou l’autre des paliers sont cohérentes et font consensus. Signalons que le pouvoir en Suède est décentralisé à travers les 20 conseils régionaux et 290 municipalités de ce pays. Les municipalités constituant un palier de gouvernement distinct et autonome, leur consentement est requis pour la grande majorité des projets ayant une incidence locale.
Un peu comme les conseils québécois, les agences sont indépendantes. En Suède, il est interdit à un membre du cabinet d’interférer dans le fonctionnement des agences ou dans la publication de leurs résultats de recherche. Leurs dirigeants sont choisis selon leur réputation dans les cercles universitaires. Les nominations partisanes sont très mal vues, et donc inexistantes. Les résultats des recherches sont le plus souvent repris par les gouvernements, même s’ils ne « cadrent » pas avec l’idéologie au pouvoir, car leur valeur est tenue pour acquise.
Il faut dire que ces processus sont fondés sur le respect des Suédois pour le savoir. Jamais un citoyen ne serait raillé pour son haut niveau de connaissances ou sa grande culture générale, chose que l’on voit malheureusement trop souvent au Québec. En Suède, la valeur du savoir informe la vie économique, politique et sociale, qui s’appuie sur des données statistiques détaillées et nombreuses, les travaux de spécialistes, de professeurs et chercheurs pour documenter les dossiers et les valider. Toute cette connaissance circule grâce à des mécanismes organisés par l’État entre les universités, les agences, les ministères, les entreprises, les associations et le grand public.
Les idées se renouvellent facilement en Suède. Par exemple, les recherches universitaires sont en partie planifiées et nourrissent les débats sociaux, politiques ou scientifiques. Cela favorise l’innovation (voir texte 2 de la série) et évite de se cantonner à des idées toutes faites ou à la partisanerie aveugle.
L’intelligence du citoyen
La Suède compte l’un des taux d’analphabétisme les plus bas au monde. Ses citoyens sont en mesure de comprendre les enjeux de société et les solutions proposées. Au Québec, 49 % des adultes âgés de 16 à 65 ans ont des difficultés de lecture. Parmi ceux-ci, 800 000 adultes sont analphabètes. Comment partager une vision commune lorsque tous ne peuvent suivre le débat ?
Fondées sur le savoir et la pondération, la consultation et le dialogue, les décisions en Suède sont prises avec sérénité et confiance, bien loin du déchirement de chemise qui caractérise la prise de décisions au Québec depuis quelque temps.
L’un des effets les plus bénéfiques d’une prise de décisions basée sur l’étude approfondie des savoirs, c’est qu’elle suscite la confiance et l’adhésion et, plus encore, qu’elle permet de partager une vision. Cette vision s’acquiert par une compréhension commune des problèmes économiques, sociaux et budgétaires. Lorsque l’on peut s’entendre, par-delà les lignes partisanes, sur les défis à relever, on a fait la moitié du chemin.
Il y a en Suède un grand respect de l’intelligence du citoyen, dont on entretient méthodiquement la conscientisation au sujet des enjeux sociaux, et que l’on consulte systématiquement lors de consultations publiques, celles étant des outils de concertation, et non pas d’acceptabilité sociale ni des soupapes à récriminations.
Prendre le temps de bien faire
Parfois vue au Québec comme entraînant l’immobilisme, la recherche de consensus sociaux est vue en Suède comme la manière la plus efficace de fonctionner. En prenant le temps de discuter de l’enjeu et de choisir collectivement la solution qui semble la plus adaptée, les décisions prises sont moins susceptibles de se révéler, à moyen et à long terme, inadéquates.
Les Suédois sont conscients que, sur le coup, la prise de décisions est plus longue. Mais selon leur philosophie, il vaut mieux investir du temps avant la concrétisation d’un projet, plutôt que de réaliser après coup qu’on a oublié de se pencher sur certains éléments ou qu’une autre solution aurait été plus appropriée à long terme. Un exemple en forme de boutade nous a été donné par un Suédois à ce sujet : « Quelle est la manière la plus productive de faire sept tonnes de clous ? » La réponse peut surprendre : « Un clou de sept tonnes. » C’est effectivement plus productif, mais ça ne répond pas aux besoins .
Soucieux d’équité et d’égalité, mais aussi de stabilité, les Suédois ont porté à sa quintessence l’art de se fixer un but collectivement, en se frottant patiemment à l’exigence du débat nourri, en pesant le pour et le contre, à la recherche du juste milieu, de ce qui est raisonnable. Une fois le consensus établi, ils tranchent et foncent, tous au service de l’oeuvre, de leur société, de leur pays.

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