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Vers une nouvelle banque privée

Publié le 15 janvier 2013 par Sia Conseil

Vers une nouvelle banque privée Après 5 ans de crise financière, il serait légitime de penser que les banques privées aient eu du mal à maintenir leur base de clientèle. En réalité, le nombre de millionnaires et leurs encours n’ont jamais été aussi élevés qu’aujourd’hui.

 Mais cette embellie cache une profonde mutation du secteur. Entre une nouvelle répartition des richesses parmi la population mondiale, l’inflation des textes réglementaires et l’évolution des besoins des clients dans cet environnement post-crise, les banques privées sont confrontées à des défis majeurs qui pourraient redessiner le visage de l’industrie à l’échelle planétaire.

High Net Worth Individuals

Toutes les études le montrent, le nombre de HNWI[1] connait une croissance continue malgré l’environnement international agité et les crises financière à répétition. Ces millionnaires étaient plus de 10 millions dans le monde avant la crise de 2008. Malgré une chute de 15% en cette année agitée, leur nombre est rapidement revenu à son niveau d’avant crise et il n’a pas cessé de grandir depuis. Aujourd’hui, plus de 11 millions de HNWI sont identifiés à travers le monde.

Leur richesse cumulée a aussi rapidement retrouvé son niveau antérieur à 2008 (estimée à 41 000 milliards de dollars) pour dépasser les 42 000 milliards de dollars. Alors que les chiffres globaux ont tendance à décrire un monde calme et résilient pour les HNWI, les tendances régionales indiquent de profonds changements. Même si l’Amérique du Nord concentre toujours la majorité de la richesse des HNWI, elle a été dépassée en 2011 pour la première fois par la région Asie-Pacifique dans la course au plus grand nombre de millionnaires. Plus révélateur encore, tandis que le taux de croissance du nombre de ces derniers en Occident (Europe et Amérique du Nord) stagne autour de 1 à 3%, la région Asie-Pacifique a vu leur nombre croitre de 20% sur les cinq dernières années.

Les marchés et les acteurs

Même si la structure fondamentale de cette clientèle évolue rapidement, l’industrie de la banque privée est toujours dominée par les acteurs Nord-Américains et Suisses. La crise financière a déclenché un mouvement de consolidation qui a fait apparaître de nouveaux noms parmi le Top 10 mondial tout en renforçant la position d‘acteurs plus petits. Bien qu’elle n’apparaisse même pas dans ce classement avant 2007, Bank of America est maintenant le leader de ce marché très actif. Wells Fargo (ayant acquis Wachovia), RBC (ayant acquis Fortis Hong Kong Wealth Management) et BNP Paribas (ayant acquis Fortis et BGL) ont également tiré avantage de la crise pour améliorer leurs positions sur le marché.

Le renouveau de la banque privée

Même si le nombre de clients éligibles à la banque privée est en croissance, la confiance dans les gestionnaires patrimoniaux a été profondément affectée par la crise. A l’instar de l’ensemble du secteur bancaire, les banques privées ont perdu une partie de la confiance de leurs clients. Elles doivent par conséquent adapter leur approche globale pour conquérir de nouvelles parts de marché tout en prenant garde à :

  • la segmentation des clients pour identifier la clientèle la plus rentable ;
  • l’adaptation de l’offre pour fournir au client des produits transparents, flexibles et adaptés ;
  • la gestion de la relation client avec une attention sur la qualité de service et la formation ;
  • la prospection à travers un réseau de distribution dynamique adapté aux clients ciblés.

A cela s’ajoute l’effet ciseau provoqué par la baisse continue des marges commerciales et la hausse des coĂťts d’exploitation. L’amélioration de l‘efficacité opérationnelle devient un enjeu majeur. Afin de pouvoir présenter des niveaux de profitabilité satisfaisants, les banques n’ont d’autre choix que de réduire leurs coĂťts opérationnels tout en augmentant leurs actifs sous gestion. Un équilibre doit être trouvé entre l’amélioration des systèmes d’information, l’optimisation des processus et la réduction des coĂťts, afin d’avoir la meilleure efficacité possible, sans dégrader le niveau de service.

Enfin, comme pour l’ensemble du secteur financier, l’inflation réglementaire post-crise financière a un effet direct sur les banques privées. MiFid II, FATCA, Bâle III, les accords Rubik et les nombreuses autres réglementations vont fortement impacter le métier de la banque privée. Des changements devront être faits dans l’organisation des banques privées afin de répondre aux nouvelles régulations tout en menant une réflexion stratégique sur l’adaptation de leur business models.

Focus sur les marchés belge et luxembourgeois

Ces deux pays, à forte tradition de banque privée, sont représentatifs de la tendance globale. En Belgique, environ 80 000 millionnaires profitent d’un capital total d’environ 300 milliards d’euros. Cette population suit l’évolution globale de l’Europe avec un taux de croissance de 1,7% en 2011. Pour sa part, le Luxembourg concentre 6% de l’activité internationale de banque privée avec plus de 330 milliards d’euros d’actifs sous gestion.

En Belgique, comme pour le marché de la banque de détail, les quatre plus grosses banques attirent la plus grosse part de marché. Elles capitalisent sur leur large réseau pour attirer et retenir les individus à fort pouvoir d’épargne. Ensemble, elles concentrent plus de la moitié des encours des HNWI belges. Cependant, la domination des banques de détail dans le secteur de la banque privée est un phénomène récent. Avant les années 2000, les banques de détail ne développaient pas d’offre spécifique et la gestion de ces clients était entre les mains de l’agence de rattachement. Les offres spécifiques restaient le privilège de quelques acteurs historiques qui ont développé leur activité de banque privée à partir de rien (comme Puilaetco Dewaay) ou sur la base d’un département de gestion d’actifs (Degroof, Petercam ou Delen). Ces acteurs de la première heure représentent toujours une large proportion de l’industrie de la banque privée en Belgique.

Durant les dix dernières années, la Belgique a également vu l’émergence de nouveaux acteurs, à savoir les familly offices. Ces établissements se spécialisent dans une prestation exclusive très personnalisée et pointue dédiée à quelques familles qui ne peut pas être fournie par les banques universelles (planification de succession, philanthropie, investissements dans le marché de l’art, du vin, ‌).

C’est pourquoi la segmentation de clientèle est une des clefs du marché belge où les clients changent facilement de fournisseur de services. Facteur aggravant, la crise a montré que les plus grandes banques belges étaient fragiles ce qui a poussé les HNWI à diversifier leur risque en l’allouant entre différentes banques. Il est donc essentiel d’identifier les groupes de clients ciblés et de mettre en Ĺ“uvre des stratégies dédiées pour les retenir.

Le marché luxembourgeois de la banque privée est, de son côté, l’un des plus actifs en Europe. Avec 56 banques privées, l’industrie financière du Luxembourg génère une partie conséquente de ses revenus de cette activité. Le marché local est dominé par les acteurs étrangers qui attirent une clientèle internationale grâce au cadre réglementaire luxembourgeois très attaché au respect du secret bancaire. Cette spécificité, au milieu de l’Europe, a offert au Luxembourg une réputation d’excellence de son centre financier qui a longtemps été la plaque tournante de la banque privée en Europe. Cependant, le pays est maintenant confronté aux mêmes défis que ses voisins concernant le renforcement de la transparence financière et de la lutte contre l’évasion fiscale.

Au Luxembourg, c’est le combat mondial contre le secret bancaire qui pénalise le plus l’activité bancaire. La Place luxembourgeoise est reconfigurée selon les nouvelles règles de transparence et elle est maintenant confrontée à une nouvelle concurrence provenant de centres financiers plus exotiques.

Finalement, les banques privées devront adapter leur modèle aux nouveaux défis et développer leur présence dans les marchés émergents pour attirer de nouveaux clients. Tandis que nombreux sont ceux qui pourraient être tentés de simplement exporter leur expertise et leur connaissance, l’adaptation des business models et des portefeuilles de produits aux conditions locales de marché sera la clef pour devenir un leader dans ces nouvelles régions.

Sia Partners


[1] : High Net Worth Individuals – Individus possédant une fortune supérieure ou égale à 1 million de dollars.


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