Magazine Juridique

Dans l’oeil d’une poursuite-bâillon

Publié le 15 janvier 2013 par Veritejustice @verite_justice

Capture d’écran 2013-01-15 à 11.10.01

Pour faire taire un citoyen il existe plusieurs moyens!

Une poursuite stratégique contre la mobilisation publique ou poursuite-bâillon est une action en justice visant à entraver la participation des citoyens à prendre part aux débats public. Il s’agit le plus souvent d’une poursuite civile pour raison diffamatoire, intentée contre un individu ou un organisme ayant pris parti dans le cadre d’un enjeu public.

Le concept inclut également les menaces de poursuite, car le succès d’une telle opération ne découle pas tant d’une victoire devant les tribunaux que du processus lui-même, visant à intimider la partie défenderesse (celle attaquée) ou l’épuiser financièrement dans le but de la réduire au silence.

Bien souvent comme nous le savons au Québec les procédures judiciaires traines en longueur et parfois cela semble donner certaines envies aux poursuivants dans le but de faire taire la partie attaquée par tous les moyens possibles incluant le dépôt d’accusations criminelles.

2013 Commence avec le procès qui se tient contre Pierre Lacerte un résidant d’Outremont ayant un blogue Internet et dénonçant certaines pratiques de la famille Rosenberg et cette fois-ci un ancien défenseur de la liberté d’expression, Me Julius Grey, représente la partie demanderesse afin de faire taire le citoyen qui dénonce.

Mais la saga ne s’arrête pas là!

2011 la famille Rosenberg dépose une plainte criminelle contre Pierre Lacerte!

La question serait de savoir si cette poursuite fut une forme d’intimidation ou si elle était justifiée.

Regardons de plus près

[1] Une dénonciation visant l’obtention d’une ordonnance, en vertu de l’article 810(3) du Code criminel, a été déposée pour contraindre le défendeur, Pierre Lacerte, à contracter un engagement de garder la paix.

[..]

[4] Selon la demanderesse, la famille Rosenberg a raison de craindre Pierre Lacerte parce que, depuis 2005, il a une fixation incompréhensible, sur Michael Rosenberg et son fils Martin (afin d’alléger le texte, ils seront appelés « les plaignants » ). Il s’agit de personnes qui appartiennent à la communauté juive d’Outremont. Ils brassent des affaires au niveau international. Lacerte leur impute la responsabilité de tout ce qui le dérange dans les affaires de sa rue, de son quartier, de son arrondissement, de sa ville.

[5] Il leur impute, à tort selon les plaignants, plusieurs événements survenus à Outremont et plus particulièrement des événements reliés à une synagogue située directement en face de sa résidence. Selon eux, Lacerte les surveille constamment, il les a photographiés des centaines de fois, les a caricaturés, les a dénoncés et les a ridiculisés. Il les a même suivis sur la rue. Il a ouvert un blogue qui les met régulièrement en vedette. Ils ont dû modifier leur habitude de fréquenter la synagogue fondée par le père de Michael Rosenberg. Ils ne comprennent pas, se sentent persécutés et craignent pour leur sécurité et celle de leur famille.

[6] La demanderesse plaide que le fait de surveiller constamment les Rosenberg est un comportement nettement exagéré, voire une obsession maladive. C’est du harcèlement criminel. L’ordonnance recherchée vise à assurer l’intégrité physique et psychologique des plaignants et de leur famille en empêchant le défendeur de les approcher, de communiquer de quelque façon avec eux et de les photographier durant une période de 12 mois.

[7] La défense plaide que Lacerte est un citoyen engagé mais pacifique. Il s’est intéressé aux Rosenberg, non pas parce qu’ils sont juifs, mais parce qu’ils sont riches et puissants et ils commettent des illégalités sur lesquelles les autorités semblent fermer les yeux. La qualité de vie des résidents de la rue Hutchison a diminué.

[8] Le défendeur a le droit de parler d’eux, de dénoncer les illégalités commises, les injustices, le favoritisme et la corruption. Toutes les photographies ont été prises à partir de chez lui ou très près et visaient essentiellement à prouver, à l’aide d’une preuve matérielle, ses allégations. Il nie avoir suivi les plaignants sur la rue. Il n’a jamais posé de gestes ni tenu de propos menaçants à leur endroit et n’en a pas l’intention.

[9] Il dit que les Rosenberg sont des gens très puissants qui ne le craignent pas du tout. Il raconte que Martin Rosenberg est même venu le narguer sur son terrain après avoir porté plainte à la police. Selon lui, les Rosenberg n’aiment pas se retrouver sous les feux de la rampe et ils tentent de le bâillonner par des poursuites civiles et criminelles

[..]

[20] Rosenberg dit qu’il se sent intimidé et menacé. Il ne sait pas ce qui motive Lacerte. Il dit que ce n’est pas normal de consacrer autant de temps et d’énergie pour suivre et écrire sur quelqu’un, pour tant vouloir lui faire du tort à lui et à sa famille. Il dit qu’il est le fils d’un survivant de l’holocauste et comme Lacerte s’en prend à lui de façon gratuite, il croit qu’il s’en prend à lui parce qu’il est juif. Il y a plein de gens qui stationnent illégalement; pourtant Lacerte ne parle que de lui, son fils et une autre personne. Il reconnaît que Lacerte, qui le surveille, met en ligne des photos de lui quand il est en infraction des lois ou des règlements municipaux avec son automobile, mais en faisant cela, tout le monde est au courant et Rosenberg estime que cela brime ses droits. Il veut que sa vie privée soit respectée.

[21] Rosenberg trouve le comportement de Lacerte excessif et anormal. Lorsqu’il lui a demandé de cesser de le surveiller et de le suivre, Lacerte a souri. Il croit qu’il n’a peur de rien et qu’il pourrait s’en prendre à lui et à sa famille. Il dit qu’il doit regarder derrière son épaule quand il va à la synagogue, il fait attention quand il est avec ses petits-enfants. Il est toujours sur ses gardes et vit un stress constant. Tout le monde lui parle de ce qu’ils ont vu sur le blogue et il doit toujours fournir des explications et cela l’importune.

[22] En 2007, Micheal Rosenberg a mis Lacerte en demeure puis a intenté une poursuite civile contre lui pour une somme de plusieurs centaines de milliers de dollars. En 2008, il a porté plainte à la police pour que Lacerte ferme son blogue et cesse de le surveiller

[..]

[42]  Lacerte s’est plaint auprès de la ville, il s’est plaint à la police, sans grand succès. Il a donc commencé à monter un dossier en prenant des photos des illégalités constatées. Il précise qu’il n’a jamais suivi personne et toutes les photographies qu’il a prises l’ont été à partir de chez lui, sauf à l’occasion pour photographier le numéro d’une plaque minéralogique d’un véhicule en infraction afin de prouver ses dénonciations.

[..]

[51] Le défendeur affirme qu’il n’a jamais proféré de menaces ni verbales ni par gestes. Il ne leur a jamais crié après. Sa seule arme est sa plume, dit-il. Il déclare que s’il avait voulu faire un mauvais parti ou poser des gestes contre les biens des Rosenberg, il aurait pu le faire à de multiples occasions dans le passé. Il n’est pas violent.

[..]

[81] La jurisprudence, très largement majoritaire, reconnaît que le fardeau de preuve requis et auquel réfèrent les termes « convaincu » dans la version française et « satisfied » dans la version anglaise est celui de la preuve prépondérante. R c. Soungie 2003 A.J. 899 et Réhel c. Guimont 2004 IIJCan 20200 (C.Q.)

[..]

[83] En ce qui concerne la recevabilité de la preuve, les règles sont souples. La preuve par oui-dire est admissible tout comme la preuve de caractère dans la mesure où la preuve est crédible et digne de foi. Voir R. c Budreo précité; R c. Stewart (1988) J. Q. no. 715, C.S. Montréal

[..]

[86] On sait aussi que les lésions psychologiques peuvent constituer des lésions corporelles. Dans l’arrêt R. c. McCraw (1991) 3 R.C.S. 72, la Cour suprême a conclu que l’expression lésions corporelles comprend une blessure psychologique grave ou importante, une blessure psychologique qui nuit de manière importante à la santé ou au bien-être d’une personne.

[87] La jurisprudence en matière d’ordonnance de garder la paix reconnaît donc que la lésion personnelle inclut la lésion psychologique. Voir R. c. Soungie 2000 A.J. 899, R. c. Hujdic (1997) S.J. 779, R. c. Labarge (2006) CarswellQue 9223.

[..]

[100] La preuve a également révélé que l’enquêteur au dossier a informé Lacerte au début des procédures que les plaignants étaient prêts à retirer leur plainte s’il fermait son blogue. Mme Martine Deslauriers, témoin de la défense, a entendu la proposition de la bouche de Martin Rosenberg lui-même. La plainte au criminel aurait-elle été utilisée comme outil de négociation? Le fait que la fermeture du blogue demeure un objectif poursuivi par les plaignants jette forcément une ombre sur l’existence d’une crainte réelle de subir des lésions personnelles de la part du défendeur.

L’enquêteur au dossier a informé Lacerte au début des procédures que les plaignants étaient prêts à retirer leur plainte s’il fermait son blogue.

Intéressant… Pour lire le jugement rendu à savoir si la famille Rosenberg à réussie le stratège: Cliquer ici


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Veritejustice 6769 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine