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Une vieille rencontre, des retrouvailles

Publié le 18 janvier 2013 par Arsobispo

Hervé Le Borgne vient de publier « Glenmor, le refus, le rêve, la quête » aux Editions Les oiseaux de papier. Cela m’a rappelé des souvenirs, de très vieux souvenirs lorsque je courrais sur le chemin des douaniers entre Ploumanach et Perros Guirrec, avec mon ami Pilou. Le soir, on allait refaire le monde devant des bolées de cidre ou des pintes de whisky. A moins que ce fussent de bières. Allez savoir. Nous étions insouciants et heureux ! Libres de choisir tout ce que promettait notre jeunesse. Parfois  le soir, Glenmor venait jouer dans ce rade de Ploumanach. Il était pote avec le patron et donc un habitué. Comme nous. Je pense que Pilou l’est toujours, habitué à ce bar, puisqu’il habite là-bas maintenant.

Lorsque Glenmor ne chantait pas, nous lui tenions compagnie devant ces mêmes verres dont je ne me souviens plus la teneur. Nous avions des discussions enflammés. Nous buvions ses paroles tout autant que nos verres. Pensez-donc, nous n’avions pas 20 ans. Il en avait 20 de plus. La sagesse donc, mais aussi et toujours cette révolte, qui nous fascinait, nous qui sortions du printemps 68, déçus et désemparés, comme échoués sur une rive sans horizon. Il était un remontant plus puissant que tous les verres que nous avions éclusés.

En 1969, nous l’avons retrouvé. Etait-ce Pilou ou plutôt Nounours qui m’accompagnait ? Je ne m’en souviens plus. Je confonds parfois ces deux amis, les plus chers à mon cœur, tout deux perdus au gré des méandres de nos vies, tous deux que je regrette amèrement de ne plus voir. S’ils m’entendent…

Quoi qu’il en soit, nous lui avions demandé un interview. Il avait rigolé, comme s’il ne nous prenait pas très au sérieux. Il avait probablement raison. C’était en 1969. Voilà cet interview, inédit puisqu’il ne trouva jamais preneur auprès des journaux, innocents que nous étions, que nous avions contactés, certains de tenir un papier de quelques interêts.

Le voici aujourd’hui, mon Dieu, 40 ans après !

Une vieille rencontre, des retrouvailles

© Patrick Planès

Glenmor qui êtes-vous ?

J’ai trente-huit ans, Je suis né en Bretagne, Je suis Breton, Partisan du F.L.B., partisan de tout ce qui fout 1a France en l'air "

Le fait de vouloir la Bretagne libre est-ce pour vous un but on soi ou bien un moyen de parvenir à une industrialisation décente ?

Bien entendu, lorsque l'on se bat sur la plan économique, on veut toujours que son pays puisse nourrir ceux qui y naissent, Ceux qui y vivent. Mais je crois que, c'est plus profond que ça. Il s'agit de vouloir vivre Breton, d'être Breton, D'être soi-même et non pas un homme tronqué, un homme qui n'a plus sa personnalité, qui est devenu un numéro dans une société. Ce qu'on veut, c’est redevenir nous mêmes, c'est-a-dire rester Bretons. En ce sens je ne suis pas séparatiste du tout. Je crois que même la France à intérêt à reconnaitre un jour les droits de la Bretagne.

Vous, n’êtes pas athée, mais anticlérical.

Non je ne suis pas athée, loin de là ! Et je ne suis pas non plus anticlérical en tant que tel, c'est-à-dire systématique. Je suis contre une certaine forme de cléricalisme ! Le fonctionnarisme dans l’église. Je suis simplement croyant.

"Sodome" c'est un coup de pied au cul des parisiens.

Ca n'est pas méchant, et les parisiens adorent ça. C'est très français. "

Dans votre dernier 33 tours, la bande orchestrale à été rajoutée sur celle enregistrée avec vos musiciens.

Oui. J'enregistre toujours seul et c'est par la suite qu'on met l'orchestre. Ce n'est pas moi qui fais du play-back sur l'orchestre, c'est l'orchestre qui fait du play-back derrière moi.

Justement, que pensez-vous de cat emploi d'orchestre derrière vous ?

Je ne suis pas forcement pour. Mais il se trouve que ça fait mieux passer certaine choses. Si je faisais un trente centimètre avec uniquement guitare et contrebasse, ce serait directement moins vendable qu'avec l'orchestre. Cela ne veut pas dire que ça rajoute, quelque chose à la chanson, mais dans "Sodome" par exemple, la partition de flute, une merveille, ne se jouerait peut être pas. François Raubert n'a orchestré que "Dieu me damne" et "Sodome". Pour les autres chansons, ce sont mes orchestrations et je suis accompagné par mon orchestre personnel et Alan Stivell à la harpe celtique. Par contre c'est Raubert qui habille les deux 45 tours qui sortent le mois prochain. Un, où figureront "La Tour de Babel", "Les chemins de la bohème", "Les temps de la colère"et "Les larmes d'un copain". Sur l'autre, cinq chansons en breton. Un 33 tours sortira en juin, je l'enregistre en mars."

A travers vos chansons on sent la nostalgie d'une Bretagne disparue…

Non! C’est une façon de chanter, En réalité c'est pour l'avenir que je parle. Je ne me sers du passé qu'au travers d'images.

Si vous tirez la moralité de la chose, vous vous apercevrez que c'est pour demain que je travaille. La mer, pour moi, c'est toujours une image d'infini, ça ne veut rien dira d'autre. Je ne suis pas marin, Je n'aime pas la mer.

Vos livres ?

le premier tome de mes chansons est sorti.

Un roman ésotérique, "le septième mort", qui en principe devrait être publié à "la Table Ronds", mais je ne sais pas si je vais signer.

A propos d'Anatole Le Braz ?

Si la Bretagne n'aimait pas Anatole Le Braz, on se demande qui on aimerait…

Et vos goûts littéraires ?

J'aime beaucoup Chateaubriand, quoique je trouve son romantisme un peu larmoyant. En breton nous avons deux mots pour mélancolie : le mot latin "mélkoni" qui veut dire mélancolie, cette mélancolie qui consiste à dire "Ah ! Demain c'est passé. Je ne revivrais plus. Ce qui est passé est passé." C'est une espèce de romantisme à suicide. Mais nous avons un autre mot: "irès", qui veut dire "le rêve d'avenir". C'est une mélancolie basée sur l'avenir. Ce mot là n'existe pas en français.

En fait le Breton est toujours rêveur, un type qui cherche l'évasion, et c'est demain qu'on s'évade, pas hier. C'est pour cette raison qu'on a deux mots, pour dire le romantisme stupide et morbide de Chateaubriand qui est le romantisme français, et le romantisme celte qui est un rêve d'avenir.

Il n'est absolument pas question de ségrégation, c'est uniquement une question de culture. Comme il existe une forme de pensée chinoise, il existe une forme de pensée celte. C'est certain ! D'ailleurs, les Français sont les pires racistes du monde. La France, pays qui se dit de la liberté, est le seul où vous êtes obligés de remplir une fiche d'hôtel pour aller vous coucher. Pays où ceux qui sont élus sont propriétaires des pouvoirs, alors qu'en démocratie, ils ne devraient qu'en êtres délégués. Je ne vois pas Pompidou[1], s'il se casse la gueule, même s'il fait mal, donner sa démission. Parce que personne ne l'obligera à donner sa démission, il est propriétaire des pouvoirs. Le France n'set pas un pays de démocratie.

D'ailleurs c'est un pays en train de crever. ~

Vous semblez porter vos sympathies vers la gauche ?

Oui! je suis moi même un type de gauche. Je ne parle jamais de politique pour la bonne raison que ce n'est pas mon combat. Mais, je serais plutôt de tendance gauchiste. Largement. "

BON 1 ÇA VOUS VA ?

On n’a pas insisté. « oui, oui, bien sur ! » On l’a remercié et alors, il nous a dit :

Allez donc voir Alan Stivell. Je suis sûr qu’il a plein de choses à vous dire.

Ce qu’on a fait. Et c’est ainsi que nous avons obtenu le même soir, deux interviews.

Je vous relaterai cela la prochaine fois.

Et pour en revenir à Glenmor et à aujourd’hui, je conseille vivement la lecture du livre d’Hervé Le Borgne. L’auteur sait bien rendre la personnalité de ce grand poète qu’il fut. Un barde engagé, rebelle et militant., éveilleur de conscience dont le propos est toujours actuel, si ce n’est plus encore ; le centralisme parisien laissant petit à petit place à un centralisme encore plus aveugle, celui de Bruxelles.



[1] Alors Président de la République

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