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Assia Djebar: "Le blanc de l'Algérie"

Publié le 19 janvier 2013 par Jpryf1
Je viens de relire  ce magnifique livre d'Assia Djebar: "Le blanc de l'Algérie". Je connais assez bien l'oeuvre  de cette femme, algérienne, écrivant en français, élue il y a quelques années a l'Académie française et à propos de laquelle j'ai fait naguère une conférence. J'ai aussi aimé le discours qu'elle a prononcé lors de sa réception à l'Académie française ou , tout en condamnant fermement la colonisation française et ses crimes , elle a fait un magnifique éloge de la langue française.( On peut aussi l'écouter ici)
Dans le "Blanc de l'Algérie" ce livre paru en 1995 chez Albin Michel elle évoque la mort , souvent brutale, de nombreux intellectuels et militants algériens pendant la guerre de libération et pendant la décennie noire du terrorisme islamique. C'est une évocation très émouvante , dans une langue superbe. On y retrouve de très nombreux écrivains et poètes Mouloud Ferraoun, Franz Fanon, Jean Amrouche mais aussi Albert Camus et Jean Senac et bien d'autres encore. Assia Djebar évoque plusieurs fois Camus , mais la page qu'elle  consacre a sa mort est le récit émouvant de l'annonce de cette mort a sa mère dans le petit appartement de Belcourt.
le livre est dédié et il est consacré , en grande partie a trois de ses amis disparus: Mahfoud Boucebci, M'Hamed Boukobza et Abdel Kader Alloula.
Mais laissons Assia Djebar dire ce qu'elle a voulu faire. (p.259)
"D'autres parlent de l'Algérie, la décrivent, l'interpellent;ils tentent, s'imaginent ils, d'éclairer son chemin. Quel chemin?
La moitié de la terre d'Algérie vient d'être saisie par des ténèbres mouvantes, effrayantes et parfois hideuses..Il n' y a donc plu seulement la nuit des femmes parquées, resserrées, exploitées comme de simples génitrices-et ce, des générations durant!
Quel chemin, c'est à dire quel avenir?
D'autres savent, ou s'interrogent... D'autres, certains compatriotes, comme moi, chaque matin soucieux, tremblants parfois, vont aux nouvelles, eux que l'exil taraude.
D'autres écrivent "sur" l'Algérie, sur son malheur fertile, sur ses montres réapparus.
Moi, je me suis simplement retrouvée, dans ces pages, avec quelques amis. Moi, j'ai désiré me rapprocher d'eux, de la frontière que je découvre irréversible et qui tente de me séparer d'eux...Moi, écrivant ici, j'ai eu enfin quelques larmes sur la joue: larmes soudain adoucies, parce que je voyais le demi-sourire de m'Hamed Boukhobaza ( " tafla" disait-il en parlant de moi, me rapporte l'ami commun- la "petite?" dois -je traduire, surprise); parce que je contemple l'image précise de Kader marchant dans les rues d'Oran- sa démarche haute, son visage apaisé et serein, son regard brillant, son aisa&nce de seigneur modeste et parfois son rire infulgent ou secret-; j'ai dansé à nouveau avec Mahfoud Boucebci, lui dont le regard se tourmente, par éclairs...
Moi, je me sui srapproché de ceux que j'aime, qui vivent encore auprés de moi. Je regrette de n'avaoir jamqsi su leur dire, de n'a'avoir pas osé avouer mon affection pour eux; je souffre d'avoir causé du chagrin, une fois - une seule fois,il est vrai- à Kader, Kader et sa bonté, sa patience inépuisables!
.......
J'écris et je sèche quleques larmes. Je ne crois pas en leur mort: en cela, pour moi, elle est inachevée.
D'autres parlent de l'Algérie qu'ils aiment, qu'ils connaissent, qu'ils fréquentent. Moi, grâce à quelques-uns de mes amis couchés là dans ce texte- et de quelques confrères, trop tôt évanouis- le dernier jour, certyains écrivaient encore: des poèmes, un article , une page en cours d'un roman destiné a rester inachevé- moi, opiniâtre, je les ressucite, ou j'imagine le faire.
Oui, tant d’autres parlent de l'Algérie, avec ferveur ou colère. Moi, m'adressant à mes disparus et réconfortée par eux, le la rêve."

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