L’analyse des travers du socialisme opérée par Tocqueville se conjugue très bien au présent de notre génération.
Par Jean-Baptiste Noé.
Il reconnaît ainsi dans le socialisme l’amour passionné de l’égalité, jusque dans la servitude. Si la passion égalitaire est le grand fait social de la démocratie, qu’il faut bien comprendre, dans la pensée tocquevillienne comme un état social, et non pas comme une forme de gouvernement, cette passion égalitaire atteint son acmé dans le socialisme, qui vibre pour la défense de cette idée. Le socialisme vise alors à une révolution sociale, et non pas à une révolution politique. S’il cherche à modifier le politique, c’est dans la mesure où celui-ci influe sur le social. L’action politique n’est donc qu’un chemin vers une transformation sociale qui est le véritable but visé par le socialisme. Cette visée sociale est encore opérante de nos jours. Même si les socialistes ont déserté la question économique pour se concentrer sur la question sociétale, entre autres avec le mariage homosexuel, c’est bien de la transformation de l’homme qu’il s’agit, et non pas d’une amélioration quelconque des conditions de vie.
Ainsi, pour Tocqueville, trois traits caractérisent le socialisme : il flatte les passions matérielles, il diminue le poids de l’individu face à l’État, réduit à un mineur sous tutelle, il détruit la propriété privée.
La flatterie des passions matérielles se retrouve de nos jours dans la thématique du pouvoir d’achat, qui est une thématique sans fin, car celui-ci peut toujours augmenter, et l’homme est toujours limité dans sa frénésie consumériste. C’est donc un but inatteignable, et source de perpétuelles rancœurs. La flatterie de cette passion sensualiste est un jeu gagné à coup sûr.
La mise sous tutelle de l’individu par l’État, déjà présente au XIXe siècle, est plus que jamais actuelle. L’édification d’un État maman, ou nourrice, qui se traduit notamment par la dévalorisation systématique du rôle du père, est le moyen optimal pour retirer tout sens de l’initiative à l’individu, pour l’enfermer dans un état d’asservissement béat face à la providence totale de l’État. On attend tout de lui : travail, retraite, loisir, aides sociales, culture. L’individu se trouve énervé, c’est-à-dire sans nerf, impuissant dans son action créatrice, incapable d’autonomie personnelle.
Enfin, l’attaque contre la propriété privée a de nos jours changé de substance. Il ne s’agit plus de nationaliser les entreprises, mais de retirer aux peuples la propriété qui leur est le plus chère, c’est-à-dire leur pays. La volonté de substitution de population et de culture, à l’œuvre en Europe, est le fruit de cette atteinte à la propriété privée. Comme autrefois l’État socialiste voulait retirer l’entreprise au patron, ou les terres aux paysans, aujourd’hui il veut retirer son pays au peuple, considérant que celui-ci est la propriété de tous, c’est-à-dire in fine la propriété de l’État, qui peut l’accorder à n’importe qui. Derrière cette atteinte à un bien fondamental on retrouve le même procédé d’émission de bons sentiments, qui a chaque fois ne font qu’engendrer pauvreté et misère.
Tocqueville va jusqu’au cœur de l’analyse du socialisme, en montrant que celui-ci engendre une guerre civile permanente en montant les classes les unes contre les autres. Cette guerre des classes ne produit que frustration et haine sociale, détruisant les liens fondamentaux d’un pays, provoquant une dissolution de celui-ci. Le socialisme se présente alors comme l’apôtre exclusif de la démocratie et de la liberté, alors que son action politique en est tout l’inverse. L’analyse passée du moraliste de la génération de 1848 se conjugue très bien au présent de notre génération.
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