CES 2013 : l'innovation en panne

Contrairement aux journalistes spécialisés (imaginez la vie dorée qu'ils ont d'ailleurs ces cocos, à courir tous les salons hitech de la planète aux frais de la princesse), je n'ai pas la chance de pouvoir aller au CES de Las Vegas. Enfin la chance, c'est beaucoup dire car les quelques reportages vus sur le sujet montrent plutôt une grosse panne d'innovation.
Même pour les plus geeks d'entre nous, on nagerait plutôt en plein délire là où les fabricants croient faire de l'innovation. La tendance générale est de connecter tous les objets à notre smartphone : frigo, lumières de la maison, machine à laver, four, plantes vertes, etc. Et les commerciaux de nous expliquer que faire ses courses, laver son linge (à distance !), cuire ses tartes, faire pousser ses plantes, etc. ne se feront plus comme avant et que ce sera beaucoup mieux. Bientôt on nous expliquera qu'on ne peut plus faire caca sans un smartphone qui, via un suppositoire connecté, nous balance tous les paramètres de l'opération sur l'iPhone et nous indique le moment optimal et la force qu'il faut mettre pour pousser. Je suis persuadé qu'il a déjà des ingénieurs qui travaillent là-dessus (il va falloir que je me dépêche de déposer le brevet avant de me faire piquer l'idée).
Autre délire du CES, les TV à écran non pas plat mais courbe (dans le sens horizontal). Et les explications ahurissantes du commercial : "votre oeil n'est pas plat mais courbe. L'image est donc bien plus confortable sur ce genre d'écran que sur un écran plat". Eh coco, d'abord j'ai 2 yeux, on devrait donc avoir 2 courbes sur la TV selon ton raisonnement. Ensuite mes yeux sont sphériques et non cylindriques, donc je ne vois pas le rapport avec une TV cylindrique.
Appeler innovation le fait de faire, en consommant du courant électrique, des choses qu'on savait faire avant sans consommer de courant électrique, et ce avec une valeur ajoutée ridicule, c'est fort.
J'ai gardé pour la bonne bouche la dual TV qui diffuse 2 programmes en même temps sur le même écran. Chacun chausse la paire de lunettes correspondant au programme qu'il souhaite et ne voit ainsi pas le programme de l'autre. Cet argument est utilisé pour nous proposer des TV allant de 10 000$ (pour le modèle ne coupant pas le son d'un des programmes dans la pièce) à 30 000$ (pour le modèle qui donne le son via le casque intégré aux lunettes de chacun). L'individualisme qui ne s'assume pas. Dans les familles modernes, chacun regarde ses films dans son coin sur sa tablette ou son PC, la TV du salon n'est utilisée que pour les rares programmes regardés en commun comme le JT (et encore, entre ceux qui préfèrent BFM et ceux qui préfèrent iTV, ceux qui préfèrent le JT de France 2, ça se bat). Avec la dual TV j'imagine celui qui regarde une grosse comédie, bien bidonné devant l'écran, pendant que le 2ème regarde un truc bien sentimental qui fait chialer ou carrément un film d'horreur. On la voit bien dans ce cas l'hypocrisie de l'expérience en commun. Sans compter que si un 3ème larron veut regarder la TV (les familles de 2, c'est rare) il devra lui aussi acheter une paire de lunettes dont je n'ose même pas imaginer le prix, et ce contenter d'un des 2 programmes seulement. Une pensée émue pour l'invité de passage qui lui n'aura pas sa paire de lunettes adaptée et qui verra lui à l'écran une cacophonie d'images des 2 programmes mélangées. Bonjour l'hospitalité.
C'est beau le modernisme. Et tout ça pour des appareils qui, loi de l'obsolescence programmée oblige, seront caducs dans l'année.
- Posté depuis Blogpress pour Ipad