Paroles de bénévoles : Béber le rebel au fourneaux pour les sdf

« Ce n’était rien qu’un peu de pain, mais il m’avait chauffé le corps »… L’Auvergnat de Georges Brassens a trouvé l’un de ses successeurs dans cette petite brasserie de Villejuif. Sauf que c’est une soupe que ce restaurateur au grand cœur a décidé d’offrir, tous les samedis soirs, à 150 sans-abrissans-abri de Paris.

Il s’appelle Jean-François Berton, mais lui préfère qu’on l’appelle « Béber », ou « le Rebel », du nom que cet amateur de moto a choisi pour sa taverne, ouverte en 1995 dans le quartier des Barmonts.

Tous les jeudis après-midi, des volontaires viennent l’aider à éplucher carottes, oignons et pommes de terre. « Ils sont toujours trois ou quatre à venir me donner un coup de main, explique-t-il. Je prépare ensuite la soupe le vendredi matin. Je rajoute quelques herbes pour lui donner peu de goût et, le soir, un membre de l’association Action Froid vient la chercher pour les maraudes. »

Avec soin, le cuisinier touille le potage de 20 litres, avant d’y plonger une grande cuillère pour goûter le tout. La recette n’a rien d’un secret, même si l’homme « essaie de varier un peu pour éviter qu’elle ait le même goût tous les samedis. J’y rajoute du jus de viande, ça la parfume. C’est meilleur ». Il taira en revanche le nom du mystérieux donateur qui lui apporte chaque semaine la somme nécessaire à l’achat des légumes. On saura seulement qu’il s’agit d’un artiste « qui a un petit local à Villejuif… »

L’idée de cette soupe pour les sans-abri, il la tient de la rencontre de deux associations fondées, à quelques jours d’intervalle, en février 2012. « Je suis pote avec le créateur du 115 du particulier, raconte-t-il. Il venait à peine de monter son collectif quand on a été contactés par le fondateur d’Action Froid. » Les associations lancent alors un appel sur Facebook à tous les volontaires souhaitant aider à éplucher des légumes, marauder ou offrir des habits aux sans-abri. Bref, apporter n’importe quelle pierre à ce grand édifice de solidarité.
Le bar-restaurant de Béber s’est ainsi peu à peu transformé en point de collecte, où le restaurateur rebelle récolte couvertures, habits, chaussures, rasoirs, peluches… Tout ce qui peut venir apporter un peu de confort à ceux qui n’ont plus rien ou presque.

« Durant la maraude, on distribue la soupe, mais aussi tout cela, explique Laurent Eyzat, le président d’Action Froid, habitant d’Arcueil. Et on prend même les commandes! » rigole-t-il. « Un jour, un monsieur chaussait du 39 alors que sa pointure, c’était plutôt 45, se souvient André, fidèle parmi les bénévoles. Le problème, c’est qu’on n’avait pas la pointure adaptée. Alors, le lendemain, Laurent s’est débrouillé pour lui trouver une paire et il est revenu la lui apporter. »

« Tout ça, on le fait par passion, mais aussi parce qu’on aimerait bien trouver un peu d’aide si, un jour, on devait se retrouver dans la rue nous aussi », conclut Béber derrière le comptoir de son bar, où la photo de son idole, Coluche, trône en bonne place.

Anthony Lieures - Le Parisien - 19 01 2012