La présentation du plan quinquennal lors du CILE* c'est pour aujourd'hui ! Les résultats du Baromètre 115 hivernal publiés par la FNARS** témoignent du chemin qu’il reste à parcourir pour répondre aux besoins croissants des personnes sans-abri.
Les chiffres donnés ci-contre ne sauraient prendre en compte les innombrables appels donnés au 115 qui ne revoivent pas de réponse faute d'affluence...
Chaque hiver, la question de la capacité d'accueil des SDF se repose en France. En cause :
- la crise économique qui fragilise des personnes auparavant à l'abri ; on observe une hausse de 22 % des demandes d'hébergement sur un an (59.476 appels au 115 en décembre dernier)
- la structure même du 115 qui pose problème : le système ne peut pas répondre à tous les besoins, car il dépend fortement du nombre de places d'hébergement mises à disposition par l'Etat.
Avant de lever le voile sur le plan quiquennal, François Hollande vient de désigner François Chérèque, ex-secrétaire général de la CFDT et président de Terra Nova , pour en « surveiller les avancées ».
*CILE : Comité
interministériel de lutte contre la pauvreté
**FNARS : Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale
*** Terra Nova : « think tank » progressiste indépendant ayant pour but de produire et diffuser des solutions politiques innovantes, en France et en Europe
En décembre 2012, les demandes d’hébergement dans les 37 départements ont légèrement ralenti par rapport au mois dernier. Les chiffres du baromètre montrent que plus structurellement la dégradation de la situation de l’urgence sociale se poursuit avec une augmentation du volume de demande de 22% par rapport à décembre 2011.
Des moyens supplémentaires mobilisés, mais insuffisants et précaires
Le dispositif, saturé depuis de nombreuses années, tente d’apporter des réponses sans toutefois y parvenir. D’importants efforts sont mobilisés pour offrir des solutions temporaires aux personnes. Ainsi 8 425 orientations ont été faites vers des structures hivernales en décembre (+41% par rapport à l’année dernière). Si ces moyens supplémentaires permettent de baisser les non attributions (57% en décembre 2012, contre 71% en novembre 2012), ils restent cependant très largement insuffisants pour répondre à l’ensemble des demandes.
1 personne sur 2 reste sans solution
Le système continue de laisser une partie importante de personnes sans solution. En cause : l’insuffisance de moyens, face à l’explosion des demandes constatée depuis 1 an. Le taux de réponses négatives pour absence de places disponibles demeure important en décembre : 66%, contre 78% le mois dernier. Les familles continuent d’être les plus durement touchées, avec 64%. de réponses négatives.
La disparité territoriale est par ailleurs encore très prégnante, avec une dégradation de la situation sur des territoires ruraux et semi-urbains pour lesquels peu ou pas de solutions supplémentaires ont été ouvertes. L’ouverture des places ne s’est pas faite dans tous les départements, ni en totalité sur la majorité des départements malgré l’engagement de la ministre d’une accélération du plan hiver via une mobilisation des capacités supplémentaires de mises à l’abri « sans attendre la dégradation des conditionsclimatiques ». La logique du thermomètre demeure sur les territoires, avec une mobilisation progressive de solutions supplémentaires « grand froid » ouvertes puis fermées au gré des variations de températures.
Que vont devenir les personnes accueillies à la fin de l’hiver ?
L’hiver se déroule comme chaque année en utilisant des locaux précaires inadaptés (casernes, gendarmeries, locaux hospitaliers, gymnases, hôtel ….) qui ne respectent pas les normes d’accueil nécessaires et qui devront fermer au printemps prochain.
Dans ces conditions, que vont devenir les personnes accueillies cet hiver ? Le gouvernement s’est engagé à mettre fin à la gestion saisonnière de l’hiver. Le plan quinquennal doit proposer des solutions de long terme, à rebours des mises à l’abri proposées chaque hiver. Les projets de territoires portent cet objectif. Or sur de nombreux territoires, la dynamique n’est pas amorcée.
La FNARSregroupe 870 associations de solidarité et organismes qui vont vers et accueillent les plus démunis. Réseau généraliste de lutte contre les exclusions, la FNARS promeut le
travail social, ouvre des espaces d'échanges entre tous les acteurs du secteur social, et défend la participation des personnes en situation d’exclusion à la réflexion sur les politiques
publiques qui les concernent.
En clôture de la conférence sur la pauvreté du 11 décembre 2012, Jean-Marc Ayrault avait annoncé la création pour 2013 de 4 000 places d'hébergement d'urgence et de 4 000 places en Centre d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA), soit 8 000 places au total. Elles viendront s'ajouter aux 1 000 places déjà budgétées en 2013. Ce sont donc 9 000 places d'hébergement supplémentaires qui devraient être attribuées au secteur cette année.
En outre, pour permettre l'accompagnement des sans-abri vers le logement, le premier ministre s'était aussi engagé sur la création de 9 000 places en logement adapté (maisons relais ou système d'intermédiation locative). Un plan de relogement de 15 000 ménages reconnus prioritaires au titre de la loi DALO (droit au logement opposable) est également prévu. "Il s'agissait de donner un vrai coup de fouet pour 2013, mais notre action va se déployer tout au long du quinquennat", explique-t-on dans l'entourage de la ministre du logement, Cécile Duflot, qui assure que l'ensemble du chantier de l'hébergement sera précisé lundi 21 janvier.
Face à ces bonnes intentions, les associations restent vigilantes. "Les projets territoriaux de sortie de l'hiver annoncés en octobre par le premier ministre ne sont toujours pas mis en place dans la majorité des territoires", déplore M. Gueguen de la Fnars.
Quelques exemples de ce qui va si mal...
RODEZ
Dépassés, débordés. Anne Gervais, la responsable du Samu social de la Croix-rouge et son équipe d'une quarantaine de bénévoles ne savent plus quoi faire. Ces deux premiers mois de maraude (ndlr : lorsque les bénévoles sillonnent en camion ou à pied les rues du piton à la rencontre des personnes isolées et exclues pour leur apporter une présence, autour d'une boisson chaude et d'un encas) s'avèrent alarmants.
Et pour cause, en comparaison à l'an passé et alors que pour l'instant la ville n'a pas connu de vague de
froid, le nombre de personnes rencontrées pendant leurs tournées de nuit a presque triplé. Les lieux les plus propices aux rencontres demeurent les rues piétonnes, la place Foch et la gare.
«Surtout que l'on croise des familles avec des enfants. Ils sont plus nombreux à dormir dans des voitures», note Anne Gervais. L'autre particularité cet hiver, c'est l'arrivée de migrants en
provenance des pays de l'Est souvent dépouillés par leur passeur. Malgré un petit répit pendant les fêtes, l'année 2013 n'a pas forcément bien débuté puisque dès mercredi, les bénévoles ont
trouvé un couple avec un enfant de huit ans en insuffisance cardiaque…
Au vu des conditions météorologiques, les maraudeurs que la période la plus difficile reste à venir, en attendant la fin de campagne, le 31 mars.
Si en terme d'alimentation, les budgets ont été explosés, les réserves sont fournies par la Banque alimentaire. C'est plus du côté des logements que le bât blesse. «Nous avons logé quelques démunis mais les structures ne sont pas adaptées. Nous avions des chambres à l'hôtel de la Roquette l'an passé mais l'établissement affiche complet depuis septembre», se désole la responsable. Du coup, l'association finance des hôtels au détriment d'autres activités. Enfin la Croix-rouge manque de duvets et de couvertures. À bon entendeur…
METZ
En pleine offensive hivernale, les sans-abri de Metz ont-ils tous les mêmes chances de trouver une place au chaud dans un centre d'hébergement d'urgence ? Il semble que non. L'information, révélée par nos confrères de RTL, est confirmée par la préfecture de Moselle : le Samu social, qui gère les 1.100 places d'hébergement d'urgence disponibles dans le département, les attribue en priorité aux Français et aux demandeurs d'asile.
Or, "les Roms ne font partie ni de l'une ni de l'autre catégorie", explique un porte-parole de la préfecture, qui confirme la règle en vigueur. Tout en précisant que cela permet toutefois de régler "99 % des cas", et que la recherche d'une solution reste néanmoins "inconditionnelle" pour tous.
Dans le reportage de nos confrères, une famille de Roms qui appelle à
l'aide se fait refouler, au motif qu'il n'y a plus de place pour eux.
Contrairement à ce qu'affirme l'association Relais, qui gère le Samu social à Metz, les centres
d'hébergement d'urgence ne seraient pas totalement saturés, selon la préfecture. Mais les autorités n'auraient dénombré que quatre Roumains sans hébergement jeudi soir, quatre personnes qui n'en
voulaient pas. "Ou on s'est trompé, ou il y a eu manipulation", ajoutent les autorités.
De son côté, Relais ne souhaite plus s'exprimer : "On n'a jamais refusé de communiquer,
mais là, je trouve ça lamentable", déclare à l'agence Reuters le directeur de Relais, Michel Gocel.
HAUTE GARONNE
L’ensemble du personnel de la Veille Sociale (115, PAIO, EMSS) de Haute-Garonne a exercé en octobre dernier son droit de retrait. Une rencontre s’est déroulée entre les représentants des services de l’Etat (Sous-Préfète et Directrice départementale de la cohésion sociale), de la Ville et du CCAS (Adjointe au Maire, directrice et secrétaire général du CCAS) et l’ensemble de l’équipe salariée de la Veille Sociale pour tenter de trouver des solutions pérennes.
Les morts de la rue a publié le témoignage édifiant d’un travailleur social sur ses conditions de travail.
Je suis travailleur social sur la Veille Sociale Départementale de la Haute-Garonne. J’ai pour mission d’accueillir, d’informer et d’orienter les personnes les plus démunies en intervenant sur les trois services : le 115, le PAIO ou l’EMSS. J’ai surtout pour mission de faire valoir les droits des personnes, notamment le droit à l’hébergement et au logement.
Depuis jeudi dernier j’use de mon droit de retrait car je me sens en situation de danger imminent. Je ne peux plus assurer correctement et sereinement ces missions. Je suis en souffrance sur mon lieu de travail.
Je travaille depuis de nombreuses années sur le service, j’ai acquis de l’expérience. J’ai toujours exercé ces missions en toute connaissance des difficultés.
Mais aujourd’hui :
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Je ne peux plus répondre à l’appel d’une femme sur le 115, en espérant qu’elle soit victime de
violence conjugale, seule situation qui me permet actuellement de trouver une solution d’hébergement.
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Je ne peux plus, suite au signalement d’un citoyen bienveillant, rencontrer un homme installé sur un
trottoir le soir à 22h et lui dire que je ne peux pas répondre positivement à sa demande d’hébergement. Je ne peux plus rappeler ce citoyen et lui dire que la personne va passer la nuit sur le
trottoir et que finalement son appel n’a servi à rien.
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Je ne peux plus rencontrer une famille dans la rue la nuit et évaluer la situation sereinement,
sachant qu’alors que je lis la fatigue dans les yeux des enfants je vais devoir lui dire que je n’ai pas de solution.
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Je ne peux plus comme seule réponse à une demande d’hébergement me résigner à ne donner qu’un
duvet.
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Je ne peux plus rencontrer, à la gare le soir, une femme fragile, épuisée, désespérée qui me demande
de la protéger sachant que je vais lui répondre qu’elle va devoir passer la nuit dehors lorsque la gare va fermer et qu’elle sera alors encore plus en danger.
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Je ne peux plus recevoir une famille sans hébergement au PAIO, en espérant qu’elle va me dire qu’un
des enfants souffre d’une maladie grave ou qu’elle a été victime de sévices, car je suis en quête d’éléments dramatiques qui me permettraient d’éventuellement lui proposer quelques nuits de
repos à l’hôtel.
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Je ne peux plus accueillir correctement un homme qui se retrouve brutalement dans une situation de
dénuement et qui se sent amoindri car je sais que sa situation risque d’empirer sachant que je n’ai pas de solution à lui proposer.
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Je ne peux plus recevoir une famille en sachant que je vais être tenté de proposer au père de se
séparer du reste de sa famille car cela pourra peut-être me permettre de mettre la mère et les enfants à l’abri.
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Je ne peux plus voir la santé d’hommes et de femmes se dégrader de jour en jour, voire des personnes
mourir à la rue, faute de solution d’hébergement adapté.
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Je ne peux plus voir les larmes dans les yeux des femmes et des enfants que je suis sensé aider ou
dans les yeux de mes collègues entre deux entretiens difficiles.
- Je ne peux plus exercer mes missions dans la mesure où je ne peux plus faire valoir un droit reconnu comme fondamental, le droit à l’hébergement et au logement. »