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Pourquoi la France rétablit la peine de mort ?

Publié le 21 janvier 2013 par Rsada @SolidShell

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L'hiver qui s'est abattu sur la France ne s'est pas contenté de nous livrer la neige et des températures nous laissant transi de froid. Glaciale, c'est bien le mot la sensation qui m'a envahi à la lecture de l'article de Daniel Bernard sur la version numérique de Marianne paru dans l'édition de vendredi 18 janvier.

Ce que je ressentais, ce que je craignais, ce qui me hantait depuis de longs mois n'était pas une vaine illusion : les français ont repris goût à la peine de mort !

Relayant une enquête du Cevipof passée inaperçue, Daniel Bernard lève l'omerta sur la dangereuse dérive rencontrée par la société française depuis quelques années, surnommée tantôt "droitière" par certains, tantôt "nombriliste" ou "égoïste" par d'autres.

La lune de miel entre les français et ce qui demeure comme un héritage du premier septennat de François Mitterrand est désormais révolue. Les français errent, s'égarent et se perdent en songeant sans se l'avouer, que la lame de la guillotine pourrait les sauver de l'indéniable déclin qu'ils semblent éprouver.

Cette monstrueuse révélation ne prête nullement à sourire. Elle est aussi effrayante que stupéfiante. Elle dresse le constat du terrible échec de notre société. En trente ans à peine, la "bête immonde" -surnom donné par Robert Badinter- hier terrassée, la bête immonde a refait son lit et la mort rôde à nouveau.

Cette résurgence de la peine de mort que l'on croyait à jamais enrayée n'est pas une surprise. Lorsqu'une société doute, lorsqu'elle est devenue incapable de reconnaître ses propres fautes, lorsqu'elle prête un quelconque intérêt aux obscures théories d'oiseaux de mauvais augures, une société s'abandonne, se laisse lentement déporter pour au final, cesser totalement de réfléchir. Nous portons la responsabilité collective de cette France qui a peur.

La solution de facilité serait de faire porter ce poids sur les épaules de ceux qui nous ont gouverné dans les dernières années. Celles et ceux, qui n'ont eu de cesse de monter les français les uns contre les autres, de lancer de perpétuels anathèmes leur permettant de masquer leur manque de courage ou de discernement. Cette option est tentante. Elle est hasardeuse et bien trop simpliste pour s'y laisser prendre.

Non mes chers compatriotes, le mal, le mal est bien plus profond que cela. Le refus de se pencher sur nos jugements souvent hâtifs, le refus de produire un effort collectif, le refus d'aller plus loin en assumant toutes nos différences et de préférer gâcher nos chances, se sont conjugués, ont coagulés et se sont transformés en véritable catalyseur de nos propres peurs, de notre intolérance chronique et de notre besoin de couper des têtes pour tenter de sauver les nôtres !

Nous avons tous renoncé, tous échoué et nous sommes bien trop fiers pour avouer à nos enfants que la société que nous leur transmettons n'est pas aussi belle que nous leur avions promis. Nous n'avons pas assez misé sur l'éducation et la transmission de nos valeurs fondamentales.

Soulager nos maux en trouvant les coupables idéals, en les décapitant, signerait l'acte de décès d'une République qui a toujours su se relever de ses multiples déconvenues. Se serait trahir ce qui a fait l'âme de la France de toute éternité. Cela ne nous rendrait pas plus fort et ne permettrait pas de décapiter notre propre faiblesse d'esprit.

La peine de mort est un crime contre l'Homme, contre l'Humanité toute entière. La peine de mort c'est un crime contre la République et contre la France !

Bien qu'il ne soit généralement offert qu'une possibilité de citation d'un article publié, il m’apparaît essentiel de donner la pleine mesure de l'intégralité du travail de Daniel Bernard ci-dessous.

A la manière de Victor Hugo : « On peut avoir une certaine indifférence sur la peine de mort, ne point se prononcer, dire oui et non, tant qu'on n'a pas vu de ses yeux une guillotine.  »

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Contrairement aux fleuves qui remontent rarement vers leur source, les Français reprennent goût à la peine de mort. Au cours des quatre dernières années, le rétablissement de la peine capitale a gagné 13 points, selon une étude du Cevipof, relançant ainsi le débat sur la droitisation de l’opinion.

En décembre 1980, 61% des Français étaient « personnellement favorables » à la peine de mort. En juillet 1984, ils étaient encore 55%. En 1998, 50%. En septembre 2006, 25 ans après l’abolition, 42% des Français étaient favorables au rétablissement de la peine capitale. Fin 2009, ils n’étaient plus qu’un petit tiers (32%). Fut-elle lente et limitée, cette évolution de l’opinion sur un sujet névralgique était essentielle dans le regard que les élites politiques et médiatiques portent sur elles-mêmes.

Pour réussir la conversion d’une plèbe barbare en nation civilisée, les gouvernants devaient savoir bousculer la démocratie et agir en avant-garde éclairée. Pour quelques mitterrandophobes, cette leçon d’audace était la seule chose à sauver du double septennat du président socialiste, qui assuma son engagement abolitionniste au risque de compromettre son élection.

Or, contrairement aux fleuves qui remontent rarement vers leur source, les Français reprennent goût à la mort. Au cours des quatre dernières années, le rétablissement de la sanction suprême a gagné 13 points ! Entre octobre 2011 et décembre 2012, les partisans de la guillotine, de l’injection létale, de la chaise électrique ou de la lapidation sont passés de 35% à 45%.

Soulignée par Pascal Perrineau, le directeur du Cevipof qui présentait la 4ème vague du baromètre de la confiance politique *, cette tendance a relancé le débat sur la droitisation de l’opinion. A première vue, en effet, elle s’inscrit en parallèle avec la progression de l’idée qu’il y a trop d’immigrés en France (49% fin 2009, 60% fin 2011 et 65% fin 2012), le recul du soutien aux mariage civil des couples homosexuels (58%, 60% puis 52%) et de l'opinion selon laquelle l’État, pour faire face aux difficultés économiques, devrait "contrôler et réglementer plus étroitement" les entreprises (52%, 58% et désormais 44%).

En réalité, s’agissant d’une question singulière par sa dimension éthique, le tête à queue sur la peine de mort ne remet pas seulement en cause les certitudes de la gauche. Sur ce point qui touche aux profondeurs de l’âme humaine – le droit d’ôter la vie, pour faire trivial – près de la moitié des enfants des Lumières décide d’entrer en sécession avec 100% des états-majors du PS, de l’UMP, du Modem et tous les autres centres, du PCF, des écologistes, du Front de gauche, etc., etc. Quitte à faire, au passage, un bras d’honneur aux médias de tous poils qui assument volontiers, sur ce front, une pensée parfaitement unique.

Cet alignement – relatif, pour l’instant – sur l’unique singularité idéologique de Jean-Marie Le Pen que personne ne lui dispute touche 56% des électeurs de Nicolas Sarkozy (second tour), mais aussi 25% des soutiens de François Hollande. «Il y a une polarisation droite/gauche, mais aucun camp n’est à l’abri», souligne Perrineau.

Plus symbolique que toutes les autres, cette rébellion devrait inspirer, par exemple sur le fédéralisme européen, l’inscription de l’islam sur une terre chrétienne ou l’euthanasie, une réflexion stratégique sur la manière de conduire une nation. La négation des arguments de l’adversaire idéologique, sa culpabilisation ou sa ringardisation s'avèrent être de pauvres tactiques à effet limité. S’agissant du droit pénal, répéter que la peine de mort ne dissuade ni tueurs, ni violeurs, ni trafiquants ne suffit pas, tant que les politiques alternatives échouent à faire reculer le crime. Les gouvernants – et ceux qui ne se lassent pas de commenter leurs beaux discours – ne renoueront des liens de confiance que sur des résultats.

*Quatrième vague du baromètre de la confiance politique publié par le CEVIPOF, en partenariat avec le Conseil économique social et environnemental. L'enquête a été réalisée par Opinionway du 5 au 20 décembre 2012 auprès d'un échantillon de 1509 personnes représentatif de la population française en âge de voter.


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