On pourrait se faire dire que nous parlons souvent de Hillouloths, cela est bien vrai, mais ces événements ponctuels sont bien inscrits dans le calendrier
communautaire de la communauté Juive Marocaine. Ils sont en fait des réunions sociales, certes en l’honneur des Tsadikkim enterrés en terre du Maroc, mais automatiquement créent un rassemblement
plein de croyance, de ferveur, d’amour pour ces saintes figures enterrées à travers les quatre coins du royaume Marocain.
Avec les années l’éventail de population de pèlerins s’est élargie par rapport aux origines traditionnelles, on voit beaucoup de nouveaux visages, venir de nouvelles
provenances, comme le Brésil, l’argentine, la côte ouest des états unis, la branche de visiteurs séfarades marocains se voit greffée de cousins juifs d’origine Irakienne, yéménite, on voit
également beaucoup d’ashkénazim venir honorer les Saints Juifs du Maroc. Cela est bien évidemment un des signes de la reconnaissance de nos Saints enterrés en terre Marocaine, mais aussi du fait
de leur reconnaissance internationale aujourd’hui, vient s’ajouter à cela, la banalisation du transport international, avec la venue de produits low-cost, charters, etc… et de l’accessibilité en
terre Marocaine, facilitée par les autorités locales, qui œuvrent au bon déroulement de ces « Moussems Juifs », en facilitant le transfert de tous ces groupes qui traversent de long en
large le pays, avec une facilité et une aisance grandissante, nous les saluons et remercions, cette assistance est grandement appréciée et plébiscitée.
Une hilloula, dans les années 50, attirait essentiellement les originaires de la région qui y vivaient, les populations des villages avoisinants faisaient des journées
de voyages pour se rendre au Tsaddik du village de Agouim, de Ouled Berhil, d’Asjen ou de Toulal dans le Tafilalet. On voyait rarement la population citadine de Casablanca ou de Marrakech se
rendre à 600 kms de là.
Aujourd’hui, bien que moins importante, la population juive Marocaine vivant au Maroc se mobilise et fait le déplacement tous azimuts pour se rendre à plus de 800 kms
à la ronde des grands centres citadins où elle se trouve pour marquer cet événement qu’est la Hilloula. Et comme nous le disions précédemment, s’ajoute les originaires Juifs Marocains et les
fervents à travers le monde.
Très rapidement, l’effectif de ces pèlerins monte, pour certaines Hilouloths, au plus haut pic, entre 1500 et 2000 personnes sur la durée d’une soirée, et descendre à
800 minimum sur 2 ou 3 jours pour un séjour prolongé dans le cas d’un Shabbat en milieu de calendrier.
Tenant compte de ces quelques chiffres estimés, vous imaginez tout de suite les problèmes de logistique et de commodités sur les sites accueillant toute cette
population de pèlerins, automobiles, personnel accompagnant, aides ménagères, chauffeur, gardiens de sécurité, tout ce beau monde se retrouve confiné dans des espaces très restreints et non
prévus pour accueillir autant de personnes.
Malgré cela, toutes les organisations et comités de Lieux Saints du Maroc, travaillent toute l’année à la solution unique à ce problème, acquérir des terrains
adjacents, pour augmenter et aménager des lieux de vie et d’accueil, construction, à chaque année de chambres additionnelles de contenance minimum pour une famille de 5 à 6 personnes,
installation d’eau courante, électricité, eau chaude, toilettes privatives, douches, toilettes communes, il est même possible suivant certains sites, d’avoir le service traiteur organisé et
planifié pour tous ceux qui le désirent, pour les citer, les Saints de Ouezzane, Ait Bayoud, Taroudant, Agouim et d’autres.
Vivant pour ma part, hors du Maroc, j’ai beaucoup apprécié et respecte grandement, toute cette mobilisation, organisation et évolution autour des lieux saints et
l’état à l’année 2012 de ces lieux de pèlerinage qui sont d’une qualité plus que respectable et un exemple même à tenir pour tous les lieux saints d’Afrique du nord.
En ce mois de Janvier 2012, lors de ma tournée de pèlerinage, je me suis rendu sur le site d’un Saint, que je n’avais jamais visité à aujourd’hui et qui se trouve dans
la région de Meknès Tafilalet, proche de la bourgade de Gourrama, plus exactement Toulal, et me joindre à la Hilloula de Rabbi Itshak Abouhatsera (z”tl), membre de la grande famille des
Abouhatsera. Sa hilloula attire un grand nombre de pèlerins venant de tous les coins du monde, dûe à la renommée internationale de cette grande famille de Tsadikims et surtout celui que nous
connaissons tous, car ayant vécu de notre siècle Baba Salé (z”tl). J’arrivais donc après un long voyage, obligé d'atterrir sur la ville de Casablanca, alors que l’aeroport de Fes tout proche
était fermé à cause d’intempéries, nous arrivâmes à quelques heures de la hilloula. La nuit déjà tombée, enveloppait le site d’un froid glacial, les montagnes aux alentours enneigées, nous
faisait découvrir un paysage extraordinairement beau, typique de l’Est Marocain, à une trentaine de Kilomètres de la frontière Algérienne. Quelle ne
fut ma surprise de voir autant de monde de tous horizons, jeunes, vieux, enfants, tout le monde s’était mobilisé pour venir honorer le Tsaddik.
Le site comme à l’accoutumé, était bien encadré par la sécurité et les autorités, la propreté du site impeccable, les aides et personnels venant des villages voisins
étaient tous badgés et filtrés afin de mieux contrôler tout le monde, le lieu de la tombe impeccablement tenu était déjà envahi par tous les visiteurs arrivant en masse par toutes sortes de
transport possible, taxis, vans, mini cars, voitures personnelles envahissent la place centrale du Saint.
La soirée débute par des allées et venues incessants de tous les touristes et habitués du lieu, qui se retrouvent à grands cris de joie et de chants traditionnels en
l’honneur du Saint, la soirée se fera en 3 temps, la prière commune à la synagogue, les séoudoths privées et retour au pied de la tombe du Tsaddik pour la fête qui devait durer toute la
nuit.
Etant venu avec un groupe, moi même, je pensais pouvoir trouver un minimum de logistique, pour un brin de diner et un espace où dormir, moi et mes quelques compagnons
de voyage. Une fois l’étape 1 de la synagogue fini, les habitués disparaissent et se confinent chacun dans quelques maisons magnifiquement aménagées, où des séoudoths sont offertes à leurs
convives, sous l’accompagnement de troupes gnaouas, d’orchestres orientaux, les traiteurs sont amenés de Casablanca et des soirées magnifiques sont organisées, privatives, en compagnie de leurs
proches.
Ma curiosité et mon étonnement me poussèrent à demander à qui appartenaient toutes ces maisons et si il y avait un endroit où le commun des visiteurs, comme moi et
nombre de gens pouvaient se réfugier du froid et avoir un petit repas, bien évidemment, nous étions prêts à payer ce service. Il n’en était rien, rien n’était prévu pour cela, les quelques
maisons appartiennent aux natifs de la région, 4 ou 5 familles bien connues, vivant à Casablanca pour la majorité et qui ont aménagé avec le temps leur villa de réception et d’accueil privé. Avec
de plus en plus de questions posées par notre groupe et d’autres, curieux de savoir, notre stupeur fut grande de savoir que personne ne pouvait développer ni être autorisé à le faire, quiconque
voudrait agrandir et construire pour permettre le lieu saint d’accueillir le surplus de visiteurs toujours grandissant devait être de la région. Il fallait pour cela, en quelques sortes, être
dans les bonnes cordes de ceux qui tiennent la gestion de ce site. Il devait bien y avoir une trentaine de maisons, mais toutes étaient occupées par des membres de ces familles ou étaient de bons
amis.
Le pire est qu’à la fin de la soirée, interrompue brutalement par une coupure de courant des lieux communs (Tombe du Tsaddik, Synagogue, toilettes publics,
parking de voitures) beaucoup de monde, mis à part les privilégiés, ne trouvant pas de lieu où dormir, durent rebrousser chemin vers la ville la plus proche, Midelt, pour y passer la nuit, à plus
d’une heure et demi de route, avec tous les dangers que la route peut avoir, surtout après avoir bu quelques verres en l’honneur du Tsaddik, ou pour les moins courageux de dormir dans leur
automobile ou mini bus, par un froid glacial, vacillant entre 0 et 5°C.
Mon souvenir du lieu Saint restera magnifique, du fait de la force qui y régnait et l’ambiance effrénée, de la popularité et de la mobilisation de tout ce beau monde
qui a traversé plusieurs continents pour venir au Saint.
Mais une petite note amère au niveau de l’organisation, qui devrait prendre exemple sur les autres saints et différentes gestions qui y règnent, bien que différentes
chacune, aucune ne néglige l’hébergement minimum pour les visiteurs de passage. Il est évident qu’aucune organisation, ne pourrait prendre en charge les repas de tous les visiteurs de passage, on
ne le fait pas à Rabbi David Ben Barroukh (z”l), mais on trouve pour chacun une chambre et un logis, et l’affluence en nombre de visiteurs est similaire. A Rabbi David Ou Moshe (z”l), on y trouve
repas et logis, encore une fois, le nombre de pèlerins y est inférieur. Je ne me lancerai pas dans le jeu des comparaisons, mais il est évident qu'à Toulal, cette lacune en terme de logement et
de restauration provient de cette main de fer que les familles originaires du coin et qui gèrent le site, mais également et sûrement du fait que ces dernières, depuis fort longtemps ne se parlent
pas entre elles et ont leur propre rivalité et de ce fait les choses n’avancent dans les grandes lignes. Il est inconcevable que ces derniers ne pensent à construire une série de chambres avec
quatre murs, un toit, quelques literies, les visiteurs s’en arrangeront parfaitement et en seront heureux. Il est inconcevable de voir des maisons à 10 et 12 chambres uniquement pour les
privilégiés, alors que d’autres dorment dans leurs voitures.
Il est dit que les organisateurs du Saint, n’acceptent pas les dons ou Nedarims, qui je pense, est une erreur, car ils serviraient au moins à aménager l’hébergement,
une salle de restauration payante, des toilettes communs de qualité, un endroit ou faire sa toilette matinale, pour les visiteurs de dernière minute, sans quémander ni déranger les propriétaires
de maisons. Nous n’aborderons pas le cas où il faudrait passer un Shabbat, au cas où ce dernier tombe en pleine période de Hilloula, que ferions-nous alors ? Ne pas venir ? S’imposer ? Non
messieurs, cela est impensable.
Du moins, c’est ce que nous autres, simples visiteurs en retenons et ressentons.
En espérant que pour le 100 ème anniversaire de la mort de ce grand Tsaddik, vous en reteniez ces quelques suggestions, messieurs les organisateurs. Par contre,
il faut tirer chapeau bas à l'évolution du site depuis de nombreuses années et à l'état des lieux chaque année en developpement, mais évolution timide par rapport à la demande grandissante.
Par contre bravo à tous qui venaient en grand nombre et merci de rendre honneur à ce grand Tsaddik et qui en font que cela soit cette magnifique Hiloula de
Rabbi Itshak Abouhatsera et Viva Rabbi Itshak.................