Changer le traitement du chômage aidera à le résorber, mais sera insuffisant sans encouragements à la création d'emplois.
Par Jacques Garello.
Un article de l'Aleps.
Flexibilité ou chômage ?
Le rapport de la Cour des Comptes publié mardi fait grand bruit. Il impute le niveau du chômage en France à l’importance des aides financières apportées aux chômeurs. De plus, et c’était la mission de la Cour de le souligner, ces aides grèvent lourdement les finances publiques, l’assurance chômage dispensée par l’UNEDIC aura coûté 50 milliards d’euros en 2012. Là encore la hausse des cotisations ou la diminution des prestations est à prévoir.
Le rapport pourrait mener le gouvernement – s’il en a le courage – à rompre avec la politique du traitement social du chômage, inventée jadis par Pierre Mauroy.
Ce serait sans doute un progrès important. Serait-il décisif pour autant ? Je ne le pense pas, car il y a une autre composante du chômage : en France la création d’emplois ne cesse de diminuer. En d’autres termes, nous avons d’un côté une demande d’emplois pléthorique à cause des illusoires protections dont on entoure le chômeur, et d’un autre côté une offre d’emplois insuffisante à cause des illusoires protections dont on entoure le salarié employé. C’est sur l’offre d’emplois comme sur la demande d’emplois qu’il faudrait agir pour diminuer le chômage, à peu près deux fois plus élevé chez nous qu’en Allemagne, Autriche, Hollande, Suisse ou Norvège.
Mais revenons à la demande.
Le « traitement social » consiste à garantir au chômeur un niveau de revenu doublement suffisant : suffisant pour assurer une vie décente à sa famille, suffisant pour lui donner le temps de trouver un emploi à sa convenance et assortir cette recherche d’une formation qui lui permette d’accroître ses chances de se réinsérer. L’impact économique que l’on espère est le maintien de la consommation à un niveau élevé, garantissant un maintien de l’emploi global.
En effet, on considère la demande globale – suivant la pseudo-théorie keynésienne – comme le moteur de la croissance, donc de l’emploi. Des chômeurs sans ressource seraient causes de diminution des carnets de commandes et des ventes, et condamneraient au licenciement des milliers de salariés.
Les gouvernements français successifs n’ont pas lésiné sur les moyens. Les indemnités de chômage sont parmi les plus élevées en Europe (en moyenne 67% du salaire précédent), et surtout les plus durables (2 ans dans la plupart des cas, 3 ans pour les plus de 50 ans). Les conditions requises pour y avoir droit et les conserver sont les plus larges possibles : seulement 4 mois d’activité au cours des 28 derniers mois, contre 1 an au cours des 2 dernières années en Allemagne. De ce point de vue, on a effectivement fait du « social ». Mais du même coup on a peu stimulé les chômeurs à reprendre un emploi dans les meilleurs délais, et le chômage de longue durée est aussi parmi les plus élevés d’Europe. La longue durée est un poison pour certains qui s’installent dans la précarité et l’oisiveté, et une aubaine pour d’autres qui arrondissent leurs ressources avec du travail au noir. L’assistanat débouche sur l’irresponsabilité et parfois sur la corruption.
L’invention des « emplois aidés », autre pièce maîtresse du traitement social, n’a rien arrangé. Il peut intéresser quelques entreprises ou associations, mais il est précaire et ne débouche que très rarement sur une embauche. D’autre part, un emploi aidé dissuade l’entrepreneur de créer un véritable emploi. De même l’invention des « emplois d’avenir » par le gouvernement actuel revient à gonfler à grand coup de subventions les effectifs d’associations, organisations et administrations diverses dont l’utilité économique est loin d’être prouvée, et qui grèvera davantage encore les finances publiques.
J’en viens ainsi à l’offre d’emplois. La courbe du chômage est en phase inverse de celle des créations d’emplois. La création d’emplois est liée à la création de richesses par les entreprises. Encore faut-il que les entrepreneurs soient incités à créer. Et la France n’est pas une terre fertile où poussent la créativité et la compétitivité, la preuve en est des délocalisations de firmes et de l’exil des jeunes, dont la motivation n’est pas seulement ou pas principalement fiscale.
Pas d’incitation financière à créer des emplois, à cause des impôts dont le taux et la progressivité sont autant de pénalités de la réussite, mais aussi des charges sociales dont le poids est dû à un système de « protection sociale » appelé Sécurité Sociale, inefficace, ruineuse et ruinée. Pas d’incitation juridique non plus, à cause du droit du travail qui freine l’embauche en imposant des contrats et des conditions de travail paralysants. L’introduction d’une certaine flexibilité, et l’apparition des « accords de compétitivité entreprises » sont des avancées dans le bon sens, mais timides pour l’instant. Enfin pas d’incitation psychologique, car les entrepreneurs sont désignés à la vindicte populaire comme les responsables de la crise et des licenciements, et le profit est tenu pour une spoliation.
Les libéraux n’ont cessé de décliner et de répéter les mesures de nature à éliminer le chômage : baisse de la fiscalité et surtout de sa progressivité, exonération fiscale de l’épargne et privatisation totale de sa gestion, libre discussion de contrats de travail individuels, réforme de la protection sociale. Il faut libérer les entrepreneurs des chaînes fiscales, financières, règlementaires, syndicales, qui les enserrent. Ces mesures sont connues, et ont prouvé leur efficacité partout et toujours. Voilà pourquoi je soutiens depuis des années que le taux de chômage français est un « scandale public » : un refus par les gouvernants, pour des raisons politiques, d’appliquer ces réformes. Les gouvernants veulent compenser leurs erreurs en proposant un « traitement social », ils ne font qu’aggraver le mal. Seule la liberté économique est porteuse de progrès social.
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