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Je suis juste moi

Publié le 29 janvier 2013 par Gentlemanw

Je suis arrivée ce matin, heureuse de réjouir d’avoir décroché un entretien. Enfin ! Oui mon handicap ne rend pas simple les recherches d’emploi. Certes certaines entreprises ont compris le processus d’un travail adapté au handicap mais beaucoup préfèrent encore payer la taxe et ne pas avoir 6% de leur effectif avec des gens si différents, c’est-à-dire comme moi.

Je dois envoyer tant de CV, tant d’emails, mais je reste stoppée par le téléphone, les courts entretiens.

 

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Je suis assise dans la salle d’attente de ce bel immeuble transparent, un parallépipède se reflétant dans une pièce d’eau plate en face de moi. Un jeu de miroir, avec la structure moderne, un jardin extérieur avec des chaises de couleur, un espace de vie, une entreprise conviviale apparemment. Je me suis calée dans un angle du canapé, pour voir arriver mon interlocuteur.

Une personne se présente, prononce mon nom et prénom. Je me lève, je la salue, je la suis, je me mets à côté d’elle. Nous marchons dans les couloirs, entre des bureaux, des personnes assidues à leur travail derrière l’écran.

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Nous arrivons dans une salle, un bureau classique, le sien ainsi qu’une table ronde, elle me propose de m’asseoir, je pose mon manteau. Je pose ma pochette contenant CV et autres papiers administratifs classiques. Je pose mes mains dessus. Son regard va immédiatement vers ma main gauche avec les deux phalanges qui me manquent.

« Oui deux doigts avec un raccourci clavier » dis-je pour me décontracter. La personne sourit.

Nous commençons notre discussion, elle nous permet un échange classique sur le poste à pourvoir, puis pour moi mes compétences, un rapide résumé de mon expérience, souvent de courts CDD. Nous évoquons mon handicap, elle se tourne encore vers ma main, je lui précise que cela ne m’a pas empêché bien au contraire d’apprendre à taper sur un clavier comme les assistantes qui tapaient sur une machine. J’ai pris des cours pour cela. Elle veut savoir, me questionne, une bêtise d’enfant dans un atelier de grand-père menuisier. Une époque où l’on ne savait pas encore maîtrisé la chirurgie de la main aussi bien qu’aujourd’hui.

Nous évoquons mon parcours, mon choix, mes objectifs et ma volonté d’avoir ce poste.

Mon handicap, ce n’est pas celui-là, pourtant si évident, il est invisible aux yeux de tous, et plus encore à mes oreilles. Je suis sourde, mais je parle totalement comme les autres personnes. Je lis avec rapidité, sur les lèvres depuis mon plus jeune âge, et comme je viens d’une famille avec d’autres enfants, j’ai toujours pris le dessus sur ce handicap. Je vis avec depuis toujours, c’est mon quotidien. Mais il me faut traverser le miroir de la différence.

 

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Les limites, nous les évoquons, je ne peux avoir de téléphone, une économie, sauf en SMS, nous rigolons ensemble. Je ne peux avoir de contact avec les clients que par email ou en visio-conférence, mais aucun souci avec mes collègues, juste choisir un bureau face aux gens. J’explique que la téléphonie mobile a fortement progressé en ce sens et que mon dernier employeur utilisait la visio-téléphonie ou sa webcam de son pc portable. Nous avons bien travaillé ensemble. Mes références, je les présente, sont bonnes mais malheureusement les CDD s’enchainent trop souvent, le handicap fait peur.

Nous échangeons encore, je précise que je ne peux comprendre qu’une personne en vision frontale ou latérale, lors de réunion. Mais que mon handicap n’est qu’un rien, qu’un silence qui me pousse à parler et à communiquer encore plus à l’ère des nouvelles technologies.

Je sens une véritable écoute, un univers de travail qui me conviendrait. Je suis sereine. Nous approfondissons le besoin pour ce poste, elle me fait confiance, elle a déjà oublié mon handicap. J’aime cette convivialité naturelle.

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Elle me laisse quelques minutes, elle revient avec une autre personne. Une future collègue avec laquelle je dois passer un autre entretien, elles ne font aucune allusion à ma surdité, nous conversons.

Depuis je travaille aux services achats comme comptable adjointe, j’ai des collègues, des nouveaux amis. Et je sais me faire entendre, m’a encore dit récemment ma responsable avec un grand sourire partagé.

Nylonement


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