Magazine Journal intime

Peurs...

Par Moushette

Peurs...

The Scream - Edvard Munch


La peur.
La peur est un sentiment que nous côtoyons tous au quotidien dans nos petites vies : peur de perdre un proche lorsqu'il est malade ou lorsqu'il se met volontairement en situation de risque, peur de perdre son enfant lorsqu'il grandit et s'envole vers son autonomie, peur de perdre son travail et de ne plus pouvoir payer toutes les factures à la fin du mois, peur d'être encore trahi, peur de mourir lorsqu'on sent son corps et son esprit vieillir, peur de ... , peur de... Peurs. Il y a aussi la peur des inconnus, la peur des gens différents de nous qui peut se transformer en racisme chez les adultes ou en moqueries dans les cours de collèges, d'écoles. Nos vie sont peuplées de peurs, petites et grandes, il y en a tant et nous devons cohabiter avec.
Comme tout le monde, j'ai les miennes, que j'essaye d'analyser, décortiquer afin de pouvoir mieux les dominer ou tout du moins les accepter et vivre en harmonie avec, sans qu'elles ne prennent le contrôle. J'essaye de lutter contre la paralysie qu'elles génèrent : je les écoute, les comprends et les digère mais je continue d'avancer bien qu'elles soient toujours là.
La peur, les peurs,  je les ai côtoyées dans l'adoption, bien évidemment. Une parentalité atypique par rapport à la sacro-sainte biologie, quoi de plus logique ? Peur bien sûr avant de devenir le parent de chacun de mes enfants comme tout "parent-to-be". Oui, j'étais taraudée de peurs, de doutes et de questions avant la rencontre. Et à chaque fois, mes peurs étaient infondées, puisque les problèmes rencontrées étaient bien ailleurs que là où je les redoutais ! Ah, les surprises de la parentalité, nos vies seraient si linéaires sans elles, adoption on pas...
Et puis bien sûr des peurs j'en ai eu pas mal, oui même beaucoup pendant ces 8 ans de bénévolat en OAA. Des peurs, des doutes, des prises de tête à n'en plus finir. Mais comme pour mes propres peurs familiales, elles étaient pour la plupart totalement infondées, et les tristes surprises sont arrivées là où je m'y attendais le moins. Dans les périodes de grandes difficultés, ces épreuves pour tous ont eu un lourd impact sur mon moral et mes motivations : doutes, peurs et incertitudes ont fait leur grand retour, j'ai cherché, cherché et encore cherché à comprendre, sans juger, sans accuser, juste comprendre. Mais j'avais peur d'avancer, de recommencer. Et puis avec le temps, les peurs et leurs copines sont retournées dans leur terrier, et j'ai pu continuer d'avancer. Avec certes moins d'illusions, mais en regardant en avant plutôt qu'en arrière.
Aujourd'hui je me pose encore et souvent la question, sur ce qu'est "une adoption à risque". On a tant entendu parler des ces enfants appelés "à risque" souffrant de troubles de l'attachement. Et que dire de tous enfants que beaucoup de spécialistes regardent d'un mauvais oeil : les enfants grands, les fratries, les dossiers aux vécus lourds.... Pour eux, je ne me pose pas trop de questions, je les regarde simplement s'épanouir ou faire face à leurs épreuves avec leur étonnante résilience. Leur capacités de reconstruction ou de construction me laissent encore et encore sans voix. Je les kifs tous, un par un, je les trouve tous admirables.
Mais revenons à nos moutons de "l'adoption à risque" et abordons le sujet essentiel de ce billet : les "familles dites à risque". Les célibataires sont souvent les premiers pointés du doigt par les professionnels, les couples âgés aussi, d'autres jettent la pierre aux familles divorcés. Des professionnels lancent des avertissements, appellent à la vigilance ou brandissent la menace de "l'échec". A peur... A trètrèpeur.... Pourtant, pour chacune des ces familles "atypiques", je vois tant d'adoptions belles et épanouies, j'ai terriblement du mal à généraliser ou leur coller l'étiquette du risque d'échec ! Et je souris souvent aux raccourcis trop réducteurs...
Les seuls risques que je connaisse chez les familles et que j'ai réussi d'identifier dans les postulants avec un vrai projet parental, c'est celui des familles mal préparées aux réalités souvent difficiles de l'adoption, et/ou trop dans un imaginaire rigide de leur enfant, et/ou très peu disponibles matériellement pour consacrer tout le temps qu'il faut pour leur enfant.
Pour ce dernier point, vous pourriez me répondre que les célibataires sont seul(e)s pour élever leurs enfants, et donc qu'ils sont moins disponibles que les couples. Il est vrai qu'élever seul(e) son ou ses enfants demande une énorme disponibilité matérielle et affectivité. Point de vue perso, dès que je me retrouve seule avec mes enfants, je rame, et j'envoie des palmes virtuelles à tous les parents solos que je connais (divorcés, veufs, ou solos par l'adoption) qui élèvent leurs enfants avec brio !!!  Les familles monoparentales que je connais, que je côtoie ou que j'observe me donnent  pour la plupart une telle impression positive que je n'ai qu'un mot qui me vienne à la bouche : RESPECT. Respect de leur façon d'élever leur enfant malgré toutes les contraintes et frustrations. Dans le cas de certaines adoptions j'ai aussi un énorme respect pour ceux/celles qui ont accepté l'apparentement d'enfants qui seraient sans doute encore à l'orphelinat s'ils n'avaient pas dit oui malgré des dossiers lourds qui ont fait peur aux autres familles.
Du fait de leur différence, de leur statut parental, je les vois se préparer, se rendre disponibles et écouter leurs enfants d'une façon souvent bien plus complète que les parents "de base". Et pareil pour les "vieux", les "recomposés/divorcés", il y a tant de familles que j'observe de loin avec un profond respect et une infinie reconnaissance pour le bonheur et l'épanouissement qu'ils apportent à ces enfants nés en Inde ou ailleurs. Leurs différences, décriées par certains semblent au contraire à mes yeux être leur force, et ils les transforment en atouts ! J'ai si souvent entendu cette phrase "La différence, je sais ce que je sais puisque je l'ai vécu et je la vis encore. Cela me permettra d'aider mon enfant à surmonter les difficultés liées aux siennes."
De la même façon que pour les adoptions à risque, j'ai envie de me poser la même question dans le sens inverse : qu'est-ce-que l'adoption parfaite ? Bin oui tiens, c quoi l'adoption parfaite et idéale ? Côté enfant c'est archi fastoche : les enfants parfaits, je les ai vite identifiés....
Bin ce sont les miens !!!! (bon sauf quand ils font pipi à côté de la cuvette, qu'ils m'arrachent les tympans au milieu d'un doux rêve ou qu'ils dégomment mes scores sur notre console familiale..). Plus sérieusement, l'enfant parfait pour moi, c'est celui qui veut être adopté et qui a de l'amour à donner à une famille qui lui rendra bien. Voilà en quoi se résume pour moi un enfant parfait. D'ailleurs je le répète souvent aux miens : ils n'ont pas à être parfaits ou à s'en rapprocher puisqu'ils sont des enfants ! Etre un enfant me suffit à être comblée par leur présence et leur amour.
Et côté parents hein ? Quel est le parent idéal, donc sans ou alors avec très peu de risques pour aboutir à l'adoption parfaite ? Rapidement, on imagine les parents  hétéros, beaux, intelligents, tolérants, sveltes et aussi parfait que ceux qui vont adopter Penny dans le dessin animé Bernard et Bianca de W. Disney. Et puis viennent à l'esprit à la ramasse les contre-exemples, ternissant cette image parfaite de l'apparente famille idéale... Existe-t-il donc un profil de parent idéal pour l'épanouissement des enfants qui évite tous les risque menaçants ? Un arbre magnifique et parfait d'aspect ne cache-t-il pas souvent la forêt remplie d'ogres affamés ?
Il y a 8 ans lorsque j'ai démarré mon travail de bénévole en OAA, j'étais une "bleue", remplie d'étiquettes, de peurs et d'aprioris. J'ai vécu ces 8 ans les yeux écarquillés, émerveillés, et toutes mes étiquettes sont tombées les unes après les autres. Et j'ai en tête beaucoup de mercis pour le courage des parents, leurs disponibilités, malgré les épreuves et sûrement leurs peurs qu'ils ont du affronter. Lorsque certaines familles viennent me saluer et me remercier une fois l'enfant arrivé en France, mon coeur a souvent envie de leur dire merci, merci de nous avoir fait confiance, merci pour cet enfant, merci d'être là pour eux et de leur offrir votre famille.
Aujourd'hui, des peurs, j'en ai encore et j'en aurai toujours, mais j'ai appris à les mettre à leur place au fond de leur terrier : leurs fréquents hurlements me servent d'alerte pour rester vigilante, mais elles ne m'empêchent plus d'avancer ou de faire confiance en l'avenir et dans les hommes, petits ou grands. La peur est indissociable de la parentalité ou de l'attente avant de (re)devenir parent, faut bien que je me fasse une raison, elle sera là pour chacune des adoptions que j'ai la chance d'aider ! Il y a des risques partout, quelque soit le profil du parent, et ces risques sont rarement là où on s'attend à les voir. Alors mes "étiquettes à familles risquées", cela fait longtemps que je les ai mangées, et je préfère aider, préparer et discuter avec chaque individu au cas par cas, loin des généralités menaçantes qui ne leur sont d'aucune utilité !
Certains doivent sans doute penser que je suis une tête brûlée inconsciente et utopiste. Que mon côté Laura Ingalls est risible, et que je généralise trop moi aussi, dans un monde rose bonbon sans étiquettes sur les familles. Ils ont peut être raison après tout. Difficile de faire passer toutes les nuances de mes pensées dans un billet déjà trop long.
Moi j'ai envie de croire en l'homme, aux hommes quels qu'ils soient. Et d'avancer avec eux, au cas par cas, selon leur rythme et leurs capacités. J'aspire encore et encore à un monde où les différences sont acceptées par tous et deviennent nos richesses. S'embourber dans la peur et les aprioris et ne pas avancer est contraire à ma philosophie pourtant naturellement prudente. J'ai choisi d'avancer et d'y croire...
Et vous, lecteurs chéris, vos peurs sont-elles aussi comme les miennes ?...

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