Pourquoi toujours rêver du sommet? Pourquoi ne pas viser la place qui est la nôtre et y vivre heureux, à faire ce que l’on a à faire, bien sereinement? Pourquoi ne pas viser tout de suite le cœur des choses, le cœur des autres et notre cœur en même temps? Et oublier les rêves ambitieux qui ne tiennent pas la route.
Il doit y avoir d’autres valeurs plus importantes : comme celle de penser aux autres, de vouloir travailler en collaboration dans le but d’améliorer notre milieu de vie commun, notre société.
À ce propos, j’ai lu il y a longtemps, dans mon adolescence, ces réflexions du peintre Rouault (1871-1958) sur ce qu’il appelait les petits maîtres. Et je fus frappé par sa modestie, par l’humilité qui habitait son travail d’artiste. Tout le contraire du génie voulant saisir son heure de gloire.
« … Fais bien ta besogne à ton tour, loin des hommes ou au milieu d’eux, mais sans trop croire à leurs enseignements, à leurs consécrations, car, si tu vivais deux ou trois existences consécutives, tu les verrais inlassablement occupés à brûler ce qu’ils ont adoré et à adorer ce qu’ils brûlèrent. »
Georges Rouault, «Les trois clowns», 1928
« C’est aussi un défaut bien moderne que de décrier ceux qu’autrefois on nommait “les petits maîtres” et de ne vouloir regarder que les très grands. On se guide, on se dessèche par là autant que par les théories, et l’on se tend comme corde à violon, surtout si l’on est fait soi-même pour pratiquer un art intime… »
Ces réflexions sont à mille lieues des ambitions de première place, de podiums et des prétentions de ceux qui se débattent dans la course aux honneurs.
- Citation extraite du catalogue de l’exposition des œuvres de Rouault, Musée d’art contemporain de Montréal et Musée du Québec, 1965 (Bibliothèque et Archives nationales du Québec).