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Courrier du coeur suite... (Gorce - Cambadélis)

Publié le 08 avril 2008 par Marc Vasseur
Courrier du coeur suite... (Gorce - Cambadélis)
Bon... les échanges de courier continuent ... après la réponse de Cambadélis... nous avons aujourd'hui celle de Gorce... Vous me direz que ce n'est pas mon rôle... ben si... quand je vois le wikio de GG... pas certain que ça arrive bien. Je plaisante bien entendu. Non au dela... il y a des éléments intéressants sur lesquels je compte revenir bientôt.

Lé réponse de Gorce.

A Jean-Christophe Cambadélis, par retour de courrier (comme d’affection ...)

Jean-Christophe Cambadélis m'a fait l'amitié de répondre au courrier que j'ai diffusé la semaine dernière. Je lui réponds à mon tour :

Le débat rebondit, je m’en réjouis !

Rien ne vaut un bon duel. Et l’épistole plutôt que le pistolet. Le bretteur est un rhéteur, je m’en félicite ! Laissons donc de côté les circonvolutions, les précautions de langage et la mouche des fleurets : disons-nous notre fait ! En amitié ! Et donc en toute franchise !

Non mon cher Jean-Christophe, je ne cède pas au découragement. Ce serait mal me connaître. Je m’essaie simplement à un exercice singulier que l’on appelle, je crois, même si on semble l'avoir oublié sur les bancs dirigeants de notre beau Parti, la cohérence. Bref, tirer, autant que faire se peut, les leçons de l’expérience. Et que nous a-t-elle appris, cette expérience, sinon que le débat de fond servi en entremet, comme en plat principal, n’annonce en dessert que les arrangements les plus plats, les opérations les plus personnelles. Notre congrès du Mans s’en est repu. Il devait être celui du débat poussé à haute cuisson : le projet ! Il fût celui, comme toujours, des haines rassies et des petites habiletés recuites, avec le résultat que tu sais, pour l’avoir, dans un ouvrage, brillamment disséqué.

Serions-nous entrés à ce point dans des temps nouveaux, que l’on pourrait enfin faire fond … sur le fond ? La collégialité ? Je m’y suis essayé à l’automne mais j'ai dû rapidement convenir que chacun avait du collectif une conception bien personnelle. Certes, comme tu t’efforces de le démontrer chaque jour, il n’est pas impossible de conclure des alliances. A la condition que ce soit celles des contraires. Très peu pour moi. En admettant même la poésie de la chose, ne peut-on se demander quel Cyrano se cache derrière l’allant du beau Christian ?

Les courants ? Toute notre histoire en est pétrie, certes ! Mais il en est, depuis 1908, passés sous les ponts. Et de toutes sortes. Citer Jaurès, c’est se rappeler qu’il ne fût que le leader moral d’un Parti où Jules Guesde pesait plus que Lucien Herr. Invoquer les mânes de Blum, c’est évoquer aussi sa défaite avec Daniel Mayer contre Guy Mollet. L’embargo idéologique, c'est vrai, ne date pas d’aujourd’hui. Mais même dans un meilleur jour, j’aurai quelque peine à confondre la profusion d’alors avec les querelles d’égos d’aujourd’hui. N’est-on pas passé depuis près de 20 ans à une forme de démocratie censitaire qui ne fait sens justement que pour les chefs de tribu siégeant au conseil de toute éternité ? Captation et cooptation ne sont-ils pas les deux piliers d’un système qui démontre depuis une décennie qu’il lui est impossible, et pour cause, de s’auto-réformer ? La tradition, dont tu te réclames, te permettra d’admettre que j’accepte l’héritage sous seul bénéfice d’inventaire.

Alors oui un leader ! Mettre fin à cette comédie du pouvoir, faire tomber les masques, revenir au collectif en partant du singulier ! Outrance ? Transgression ? Un peu court, jeune homme. L'on aurait pu dire bien des choses en somme. Interrogatif : la démocratie n’est-elle pas d’abord responsabilité ? Ingénu : n’est-ce pas le débat doté d’un débouché ? Péremptoire : pour avoir lu l’œuvre de Pierre Mendès-France et vu, à l’œuvre, François Mitterrand, j’ai compris qu’ils ne récusaient ni le principe, ni l’exercice d’un leadership. Et si Pierre Mendès-France préférait le régime parlementaire au présidentialisme, il préférait aussi le leadership au régime d’assemblée. Sa République Moderne donnait à son chef les moyens de gouverner comme le devoir de rendre compte. Pas un Machiavel, aurait-il fait ses classes en Corrèze, mais un « Prime Minister » fort, mais d’une confiance révocable « ad nutum ». Alors restons-en là de cette tirade d'aînés ! Je ne vois pas en quoi désigner un Premier secrétaire qui s'engagerait à ne pas être candidat à la présidentielle pourrait nous aider. L'eunuque plutôt que l'unique ? Beau paradoxe que de vouloir faire d'un revendiqué muet du sérail notre éloquent porte parole ! Car enfin, comment ne pas voir l’enlisement dans lequel nous sommes ? Le Parti serait-il moins démocratique parce que notre Premier secrétaire serait élu d’abord par les adhérents ? Et le débat serait-il moins riche, parce qu’il ne serait plus nourri par l’appel aux signatures ? Pour en sortir, il y faudra de l’énergie, formule certes barrésienne, mais qualité vitale au point où nous en sommes. Plus que l’appel aux bonnes volontés, un choix clair. Que celles ou ceux qui veulent diriger ce parti, qui s’y sentent prêts ou s’en croient dignes, le fassent connaître et connaître leur projet. Qu’avec panache, celui que l’on met à son chapeau, comme dans ses actes, ils viennent se compter devant les militants et gagner enfin leur légitimité. Pour que le congrès, ensuite, ne soit plus un conclave mais une assemblée tournée vers son projet. Et enfin, après cela, des Assises ouvertes à tous pour bâtir un nouveau parti, où toute la gauche puisse non se compter par chapelle mais se retrouver et se fondre plutôt que se regrouper.

Dois-je enfin, et pour conclure, avouer que je ne ressens plus d’excitation à l’idée de refermer la parenthèse de 1920, tant il me semble que l’histoire récente l’a fait pour nous ? Et que la tâche qui nous revient est d’inventer l’avenir sur des schémas nouveaux que les électeurs ont manifestement déjà en tête. Si j'osais, je dirai ne rien proposer d'autre que de « changer d'ère ». La bipolarisation est là, elle nous tend les bras. Elle ne signifie pas le refus de la diversité mais l'émergence de nouvelles identités ; elle n’implique pas conformisme mais renouvellement. Elle nous oblige à ne plus avoir d’autre objectif que la victoire. Non plus sur nous-mêmes, comme toute notre histoire en cherche la preuve depuis que nous avons fait le choix du pouvoir, mais sur une droite qui se nourrit de nos faiblesses et que j’aimerais contraindre à la disette.

Amitiés socialistes.

Gaëtan Gorce


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