« Sans mon mercredi, je vous le dis, je vais péter les plombs. »

Alors que le Ministre de l’Education Nationale prévoit d’augmenter le nombre de jours passés en classe pour rattraper la moyenne annuelle européenne, à la veille d’une « journée d’action » des syndicats d’enseignants, nous avons recueilli le témoignage d’une jeune « maîtresse » qui ne s’imagine pas aller travailler le mercredi.

Je vais vous dire.

J’adore mon job. J’adore mettre en scène mes leçons de grammaire, j’adore voir mes élèves heureux d’être là, les voir essayer, échouer, essayer encore, se battre, réussir.

Au travail, je n’ai pas le temps de m’ennuyer, de penser à autre chose, d’être fatiguée. Jamais. Il faut être à fond, sur tous les fronts, régler les disputes, éviter les accidents, consoler, récompenser, encourager, sanctionner etc. Savoir se maîtriser. Prendre sur soi. Etre patiente. Rester patiente. Encore et toujours plus de patience. Maitresse ! Maitresse ! Maitresse ! MAITRESSE !

« Maitresse, on écrit la date ? » – « (Mais bien sur bordel, ça fait 6 mois qu’on l’écrit TOUS LES JOURS ! T’es con où tu le fais exprès?) Oui, mon grand et n’oublie pas de souligner à la règle. »

« Et donc, pour reconnaitre le verbe… » – « (en larmes) Maitreeeesseeeee, il a dit que j’ai une grosse têêêêêêête » … S’en suit une 1/2h de négociation diplomatique.

« Bon, et maintenant, on va décomposer le nomb…. » – « Hé ben Maitresse ! Mon papa, il a… » – « (Mais tu te fous de ma gueule ou quoi ? C’est quoi ton projet ? Rester con toute ta vie ?) Tu vas me raconter ça tout à l’heure, pour le moment, on fait des mathématiques. »

« Pour la 3^ème fois, tu me déposes cette paire de ciseaux ou je jure devant Dieu, je t’explose la tête sur ton ardoise. »

« */*[{#. Non awa ! Sé pa sa ti manmay la di mwen !Ti manmay ou fou ?! Ou pran mwen pou kanmarad’ ou ?! Mwen ka fann’ tet ou ba manman’w oui TI MANMAY ! OU… enfin, je veux dire… VA AU COIN !»

Bref. Comme je vous disais, j’adore mon job.

Sauf qu’il est épuisant. Physiquement et nerveusement. Chaque jour à chaque minute. Chaque jour en rentrant, je me dis que je n’aurai pas l’énergie nécessaire au lendemain. Chaque jour en rentrant, je me dis que c’est bon, je ne prononce plus le moindre mot jusqu’au lendemain. Chaque jour en rentrant, je me dis que ne pourrai pas tenir le rythme toute ma vie.

Le mercredi, c’est un peu ma soupape. Le mercredi, je souffle, je laisse descendre la pression, j’oublie mes envies de meurtre, je redeviens un être humain. Je prépare ma classe et je suis prête à être un prof génial pour le reste de la semaine.

Non. Mon mercredi, je n’ai pas envie d’y renoncer.

J’entends ici et là que les profs ne veulent pas renoncer à leurs privilèges. Et bien GUESS WHAT !? Personne au monde n’a envie de renoncer à ses privilèges. Ni vous, ni moi.

J’ai choisi un métier difficile. Je l’ai aussi choisi pour les vacances et les mercredis.

J’invite tous les relou-râleurs à passer ce concours SUPER FACILE (500 candidats, 20 postes.) pour venir également profiter du privilège de ne rien foutre et d’être en vacances toute l’année. (Vous sentez mon agacement là ou pas ?)

La réforme des rythmes scolaires est nécessaire. C’est indéniable. Le calendrier frise parfois avec l’absurde mais quitte à travailler une matinée de plus (puisque c’est tout ce qu’on nous propose), je préférerais le samedi parce-que moi, sans mon mercredi, je vous le dis, je vais péter les plombs.