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Pas content

Publié le 31 janvier 2013 par Alteroueb

«Les fonctionnaires sont une nouvelle fois en grève» ai-je distingué ce matin dans une discussion au loin, avec une pointe manifeste d’agacement, entre le ronronnement mécanique habituel et les bips stridents qui découpent chaque voyage en métro. Pas contentEffectivement, les quelques 5 millions d’agents publics sont appelés à cesser le travail ce jour pour protester essentiellement contre les suppressions d’emplois qui pèsent dramatiquement sur les conditions de travail, et sur les rémunérations qui engendrent un perte sévère de pouvoir d’achat.

Et pourtant, je ne suis pas en grève. N’allez pas imaginer une seconde que c’est par esprit de soutien au gouvernement actuel. La raison est bien plus terre-à-terre : je n’en ai plus les moyens. Jugez vous même. Les chiffres ci-dessous sont issus de l’INSEE. Depuis 2000, et sans évoquer l’invisible hausse lié au passage à l’euro, c’est au moins 16,70 % de pouvoir d’achat qui manquent, soit une dévaluation de mon travail qui pourtant, a considérablement évolué en technicité et en productivité, le tout sous les dénigrements et les coups infligés par le sarkosysme délirant en proie aux poncifs coutumiers liés à cette catégorie de salariés. Depuis 2011, il n’y a eu aucune augmentation de salaire alors qu’autour de moi, les prix de l’alimentaire le plus courant s’affolent, ceux de l’électricité et du gaz explosent, ceux des transports et des services s’envolent. Et j’en oublie…

Année Variation du
salaire brut Inflation Résultat

2000 + 0,5 % le 1/12 + 1,70 % - 1,20 %

2001 + 0,5 % le 1/05 + 1,70 % - 0,70 %

+ 0,5 % le 1/12

2002 + 0,6 % le 1/03 + 2,20 % - 0,90 %

+ 0,7 % le 1/12

2003 rien… + 2,20 % - 2,20 %

2004 + 0,5 % le 1/01 + 2,10 % - 1,60 %

2005 + 0,5 % le 1/02 + 1,80 % =

+ 0,5 % le 1/07

+ 0,8 % le 1/11

2006 + 0,5 % le 1/07 + 1,60 % - 1,10 %

2007 + 0,8 % le 1/02 + 2.60 % - 1.80 %

2008 + 0,5 % le 1/03 + 2.80 % - 2,00 %

+ 0,3 % le 1/10

2009 + 0,5 % le 1/07 + 0,90 % - 0,10 %

+ 0,3 % le 1/10

2010 + 0,5 % le 1/07 + 1,80 % - 1,30 %

2011 rien + 2,50 % - 2,50 %

2012 rien + 1,30 % - 1,30 %

2013 déja annoncé : rien + ? % - ? %

résultat - 16,70 %

Non je ne suis pas en grève. Je passe mon tour, j’ai déjà donné, et plus que de raison. Un nouveau jour unique à se compter, ça ne sert à rien. Il y a juste un foyer de quatre personnes dont une lycéenne et un ancien étudiant aujourd’hui diplômé, sans emploi et sans indemnisation qui gère ses priorités et ses privations à l’euro près. Un journée non rémunérée, que ce soit pour une seule journée de carence, le joli cadeau du gouvernement précédent, ou une journée de grève, ce n’est simplement pas envisageable.

Je continuerai donc à me débattre jusqu’à mon hypothétique mise à la retraite dans cette armée mexicaine où l’on décide de remplacer deux agents d’exécution payé 1800 euros en fin de carrière par un cadre A++ et qui émargera joyeusement à plus de 4000 euros hors primes sans jamais mettre le moindre doigt dans le cambouis, et dont la seule fonction de management est d’entraver le planning de toutes sortes de tâches annexes sans lien ni utilité avec la mission. Et le résultat est garanti : il y a effectivement moins de fonctionnaires, mais la masse salariale et le salaire moyen ont sensiblement augmenté, ce qui, en ces temps de disette, permet encore et toujours à l’idéologie libérale de désigner cette catégorie nantie à la vindicte populaire. Cela cache surtout d’énormes disparités dont les moyennes se foutent, et les dirigeants politiques aussi. D’ailleurs, la fameuse prime de résultats instaurée par le clan Sarkozy, la prime du pseudo-mérite, a été refilée qu’aux très hauts dignitaires, déjà fortement rétribués. Les vrais méritants, les exécutants du bas, ceux qui produisent, qui font le job, et subissent les effets du dépouillement des moyens et de la crise n’ont que le mépris à se partager.

Pas en grève ne veut pas dire satisfait de son sort, et le gouvernement Ayrault, qui va évidemment minimiser les chiffres, serait bien inspiré de tenir compte de l’avertissement d’un monde un peu dépité et résigné, mis où domine surtout un fort sentiment d’injustice et de colère qui peut très rapidement devenir très bruyant et pressant.

Ce serait dommage, car rappelons-nous toujours et encore d’où l’on revient.


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